A Milla
Serais-tu en train de suggérer que les candidats se laissent enfermer dans le discours que l’on tient à leur propos dans l’entourage qui est leur ? Il s’agit peut être là d’une hypothèse qui pourrait se défendre, à condition, certainement, de ne pas négliger différents degrés de détermination. Il en est, effectivement, que l’on peut toujours percevoir comme plus sujets que d’autres, en tenant bien entendu à l’écart l’illusion d’inconditionné, au vu de la réalité du pouvoir. Ton idée me rappelle un peu l’approche de Joyce Mac Dougall, toute proportion gardée. Deux ouvrages « Théatre du Je », et « Théatre du Corps » sont du plus grand intérêt. Le type de structure psychique afférent à l’entourage proprement dit aurait bien entendu un impact. Mais quoi, il s’agit là d’une problématique partagée, qui s’applique également à une incroyable diversité de personnes qui n’auront jamais eu la notoriété de se trouver médiatisées. Descartes disait à propos du bon sens, la fameuse bona mens, qu’il s’agissait de la chose au monde la mieux partagée. Il faudrait certainement en dire autant à propos de la patho. Jusqu’où peut aller la force déterminante du discours des autres ? Force, qui a bien entendu à voir avec la jouissance, et qui se soutient d’une pente à l’hypertrophie de cette dimension que Lacan appelle « imaginaire ». Bon, inutile de rabacher à propos de ce que Melman explique beaucoup mieux dans son bouquin. Toujours est-il que l’on peut éventuellement en déduire une radicalisation corrélative des problématiques identitaires, mais il ne s’agit là que de l’un des aspects. Le cynisme, d’ailleurs, correspondrait à l’attitude consistant à jouer, et à utiliser de telles questions. La politique est le plus souvent le domaine dans lequel le cynisme s’avère surabondant. Cela ne doit cependant pas à mon avis mettre en cause l’utilité du débat citoyen, et la nécessité d’échanger des idées et des projets autour de la chose publique. La sincérité et l’ethique y seraient toujours à réinventer, dans l’espoir de développer une alternative à cette folle course à la puissance économique qui n’a de cesse de fertiliser l’essor des psychopathies et la casse humaine. De la casse humaine en devenir, il nous est donné d’en voir au quotidien, que ce soit à travers les délocalisations pour toujours plus de profit, l’accroissement de la violence managériale, et l’actualité au quotidien, dans laquelle le souci de la personne accuse sans cesse des reculs révoltants. Ce qui se produit en matière de destitution des solidarités devrait nous alerter par rapport à l’avenir du lien social. Les process de désubjectivation et les rumeurs diverses et variées y mènent désormais une course infernale. De nombreux élans populistes sont à craindre. Il faut en effet s’inquiéter de la disposition à véhiculer le discours des autres sans critique. Cette disposition ne peut que contribuer à amplifier la tragédie humaine. Que de gens, aussi, dont on ne parle pas, et qui se trouvent alors enfermés dans le rôle pathologique qui leur est assigné. J’ai pu remarquer entre autre choses, que ce sombre processus pouvait bien également intervenir, aussi, dans l’étiologie de l’anorexie. En définitive, je n’aurais pas aimé être psy. C’est bien trop triste. Enfin, et au regard de ce qu’il en est des modalités contemporaines de la violence, on peut bien aussi se demander... ce que la psychopathie aurait à voir avec une manière de « fabriquer » des patients. Il peut bien exister parfois quelques gusses pas scrupuleux du tout qui en tirent quelque bénéfice. Cela ne doit cependant pas, à mon avis, dissuader les bonnes volontés de redécouvrir et de réinventer l’humanisme, en ceci que les solutions sont humanistes ou ne sont pas. Où en serait l’idée d’intérêt général, telle est peut être la question que l’on peut se poser. Bref, si possible, éviter de trop se planter au second tour, pour celles et ceux qui ont eu la bonne idée de s’inscrire sur les listes