A la question « Pourquoi rêver d’un monde meilleur est-il si mal vu aujourd’hui ? » Scipion répond : « Parce que l’histoire nous enseigne que ceux qui ont mis en route le processus de construction d’un monde meilleur ont fait des dizaines de millions de morts » (22 décembre).
Peut-être en effet est-ce pour cela que les « utopies » sont mal vues. Mais il vaut la peine de faire un effort de discernement. S’il est vrai que certains ont mené l’humanité à la catastrophe en proclamant qu’ils travaillaient à l’amélioration du monde, il n’en reste pas moins que d’autres, qui ont proclamé la même chose, ont prouvé par leurs résultats que leur initiative était justifiée. Sans les Gandhi, les Martin Luther King, les suffragettes et bien d’autres, la société serait encore axée sur l’esclavage, les femmes n’auraient aucun droit, les gens de couleur n’auraient aucune protection contre le racisme et la condamnation pour opinion divergente serait une réalité quotidienne. Bien sûr il y a encore énormément à faire dans ces domaines-là et dans bien d’autres. Mais il est bon de commencer par soi-même et peut-être que la première chose à faire consiste à cultiver notre esprit critique, à nous entraîner au discernement. Il y a tant de journalistes, de politiciens, de personnages prestigieux qui émettent, souvent de bonne foi, des messages fallacieux absorbés tels quels par tout le monde que nous nous laissons avoir, faute de prendre du recul et de vérifier les faits. Il n’y a aucun rapport entre la réalité et ce que pense la majorité, et ce qui paraît évident peut être une erreur. La Terre était ronde même quand tout le monde la croyait plate. Nous avons trop tendance à prendre position immédiatement, sur la base d’un titre de journal ou d’un jugement prononcé à la télé, sans nous demander quel est le degré de compétence de celui qui s’exprime ainsi. Le nombre de ministres qui disent des âneries parce qu’on leur demande un avis alors qu’ils n’ont pas ouvert le dossier est ahurissant, de même que le nombre de spécialistes qui parlent avec une autorité usurpée d’un sujet qui est proche de leur spécialité, mais qu’ils n’ont pas étudié en lui-même. Il y a très souvent des vérifications à faire, qui ne sont pas difficiles, mais encore faut-il distinguer ce que l’on sait de ce qu’on croit savoir.
Toute proposition en faveur d’une fédération planétaire mérite d’être examinée aussi sereinement que possible. Il est aussi absurde d’avoir dès le départ une attitude de rejet que d’avoir une attitude d’accueil enthousiaste qui n’est fondée sur rien.