Je ne vois pas ce qu’il y a de dogmatique dans le papier de Natacha. Que dit-elle entre autres ? Que la logique de l’infomercial prend de plus en plus le pas sur l’information d’investigation, dans ce qu’elle a de meilleur : la critique étayée, l’analyse approfondie, l’indépendance. On peut appeler ça une constatation. Un cas parmi d’autres : dans la conférence Blogs 2.0 (organisée récemment par Loïc Le Meur), Rebecca MacKinnon, expliquait pourquoi elle avait quitté son poste de grand reporter à CNN pour fonder Global Voices (1) et travailler à Harvard : « J’étais frustrée par ce système qui ne faisait que produire un peu plus d’infotainement chaque jour. Je retombais sans cesse sur les mêmes stéréotypes ... ».
Il serait dommage que cette tendance qui touche bien des médias « classiques » fasse tache d’huile sur les Blogs. Parce que la philosophie du Blog, si j’ai bien compris, c’est non seulement de pouvoir intervenir à chaud en proposant un débat ouvert, mais de pouvoir le faire - de par sa nature réticulée - en étant moins inféodé aux règles du jeu commercial, à commencer par la pression des annonceurs. En ayant une parole un peu plus libre que d’habitude, même vis-à-vis d’une direction de la rédaction.
Or dans le cas qui nous occupe, nous assistons à tout l’inverse. C’est un des « premiers blogueur de France » qui fait la promotion d’un homme politique. Si la dircom de l’UMP avait lancé une opération de séduction envers la Blogosphère, elle ne s’y serait pas prise autrement. Tout cela est d’autant plus inquiétant que la blogosphère sauvageonne et impertinente pourrait ne pas le rester très longtemps, car les annonceurs et les directeurs de marketing ont déjà bien pigé tout le profit qu’ils pourraient tirer de la notoriété d’influenceurs (qu’ils soient sous influence ou pas), face à l’essoufflement inquiétant de la pub télé. Et donc par la médiatisation des blogs « sélectionnés », reléguer les plus (im)pertinents dans d’invisibles coulisses. On a bien vu ce qui s’est passé avec les radios libres, même s’il est vrai que le blog est plus une nouvelle technologie de la relation qu’un média au sens traditionnel et donc sans doute moins facilement « récupérable ». Et encore, j’ai des doutes.
L’expérience a prouvé qu’un blog sous influence ne marche pas. Il n’empêche qu’il peut y avoir des stratégies pour contourner cet inconvénient. À ce titre, il y a une ambiguïté foncière entre le fait de faire du business (ce qui ne pose pas de problème en soi sauf si on avance masqué), tout en faisant comme si on servait avec abnégation le développement de la blogosphère. Déjà l’opération passe pour un acte « historique » (2) celui de la démocratisation des blogs dans la sphère politique. Je ne vois pas en quoi dire qu’on ne se reconnaît pas dans cet « acte fondateur » relève du sectarisme. Je trouve que c’est au contraire l’attitude de quelqu’un de modéré qui refuse de déserter le débat des idées.
(1) Global Voices : http://cyber.law.harvard.edu/globalvoices/
(2) « Pour la blogosphère, c’est un moment important, une date historique, le premier podcast du plus médiatique des hommes politiques français, que certains voient déjà comme le prochain président de la République. » Gilles Klein in pointblog.com