Un très beau texte que j’aurais applaudi et avec lequel j’aurais été totalement d’accord il y a une trentaine d’année. A cette époque où, à l’age de vingt ans, nous avions des idées bizarres comme les tiennes, des idées qui parlaient de solidarité, de fraternité, ou nous étions ouvert à tous les mélanges, où nous portions les cheveux longs, parlions d’amour, de paix et de liberté. Une époque où l’on dénonçait déjà du colonialisme, ainsi que toutes les injustices faites aux autres peuples, comme l’immonde manque de gratitude, simplement de reconnaissance, pour les soldats africains ayant donné leur vie pour la France. Indigènes, nous nous l’étions déjà joué il y a trente ans, rien de nouveau. Il y a trente ans, les jeunes n’étaient pas racistes. Le racisme, c’était un truc de vieux. A cette époque, nous voyons les choses de façon binaire, et nous étions pétris de culpabilité. Nous étions les méchants, les salauds de colons, nous avions de plates excuses à faire, pleins de mains à tendre, pleins de vérités à dénoncer. Les autres étaient nos ex-victimes, des gentils, ils étaient obligatoirement des gentils, jamais ils n’auraient fait ça, eux.
Puis toutes les mains ont été tendues. Des organismes humanitaires, anti-racistes, se sont montés. Le colonialisme a été mille fois condamné. Nous avons fait mille fois notre méa-culpa. Des lois ont été votées pour lutter contre les discriminations, des compagnes contre le racisme cent fois réalisées, nous avons élevé nos enfants en leur inculquant ce à quoi nous croyons : la fraternité, l’anti-racisme, l’ouverture aux autres.
Puis petit à petit, nos certitudes se sont effrités ; nos idéaux fêlés. On s’est aperçu que les gentilles victimes n’étaient souvent pas des gentils en fait. Que, alors que nous apprenions à nos enfants qu’il n’y avait pas de différences entre leur copains blancs, noirs ou arabe, eux, les gentils, apprenait aux leurs que nous étions des blancs, et eux des noirs ou des arabes. Qu’il fallait être fier d’être arabe, fier d’être noir, mais qu’être fier d’être blanc était très raciste. La preuve : des tas de blancs le disent eux-mêmes. A notre attitude de partage et de mélange ils opposaient une attitude de retrait et surtout pas de mélange, sauf pour baiser nos filles. On s’est aperçu qu’on nous reprochait encore des trucs datant de centaines d’années (les croisades !!!), qu’on rejetait toutes nos valeurs, notre culture, comme si on ne voulait surtout pas nous ressembler. On s’est aperçu que les plus virulents sont les jeunes. Que les racistes, maintenant, ce sont surtout les jeunes, en particulier les jeunes noirs et arabes. Le racisme, ce n’est plus un truc de vieux.
Alors aujourd’hui j’ai jeté mon badge « touche pas à mon pote » car ce n’est plus du tout mon pote. Aujourd’hui mon fils va voter Sarkozy, alors que je me souviens encore d’une anecdote alors qu’il avait 5 ans. A notre voisine, blanche et raciste (oui, cela existe !), qu’il lui faisait perfidement remarquer que son copain de maternel était noir, il avait répondu : « ah bon ? On ne me l’avait pas dit ! ». Sous entendu, bien sur, qu’est-ce que cela veut dire d’être noir ? Nous, ses parents, on avait « oublié » de lui expliquer...
Aujourd’hui, il faudrait vraiment oser dire les choses comme elles sont, arrêter les discours démago, arrêter de s’excuser. Ils ne sont pas mieux que nous. Et ils devraient vraiment, eux, maintenant, commencer leur autocritique, réfléchir à ce qu’il pense, à ce qu’ils font, à l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants. Vous voyez, j’ai encore une dose de naïveté.
Nb : dans l’Espagne que vous décrivez, les Chrétiens et les juifs étaient des « dimmy », des citoyens de seconde zones, n’ayant pas les mêmes droits que les autres. Dans cette Espagne là c’est la loi elle-même qui était discriminatoire. Là ou nous nous faisons des lois anti-discrimination eux en avait fait de discriminatoires. Et dites moi, c’était bien une colonie arabe l’Andalousie non ? Un peu comme l’Algérie Française quoi...
