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Commentaire de ExSam

sur « Remettre les Français au travail » : paresse de l'esprit, ivresse de la matraque (1/2)


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ExSam (---.---.154.87) 30 mars 2007 12:03

Article intéressant, mais un peu trop centré, me semble-t-il, sur l’identité potentielle que récèle le travail, identité que le travailleur voudrait percevoir et s’approprier.

C’est un peu occulter le fait qu’aujourd’hui, la dimension privilégiée du travail, est pécunière. Le travail permet de manger, de satisfaire globalement ses besoins élémentaires.

La dimension montante étant celle de la survie. Le travail comme moyen de ne pas sombrer totalement dans le dénuement. Dénuement compris comme de plus en plus maximal. Manque de moyens de déplacements, d’électro-ménager, de toit au-dessus de sa tête, quand ce n’est pas de vêtements et de nourriture. Working poors, habitants de portes cochères et de fauteuils aciers généreusement alloués par la RATP.

On mesure donc la différence entre deux statistiques - aussi générales et donc sujettes à caution que toutes statistiques, dont la cuisine en coulisses n’est pas vraiment cachée par les instruments, les grandeurs mathématiques que convoquent le statisticien, genre Ki2, ou Coeff de corrélation...- celle sur la durée et celle sur la productivité.

La première est à peine divisée par 2, tandis que la seconde explose avec un facteur multiplicateur de 28.

Grandeurs globales donc, à prendre avec précaution, mais dont le différentiel éclaire bien la nature profonde du travail, aux yeux de ceux qui le constituent et le distribuent.

Et il est indéniable qu’à leurs yeux l’important dans le travail, c’est ce qu’il rapporte.

Le profit, donc.

La productivité, c’est le profit. Cette hausse spectaculaire prouve à l’évidence d’une part que le travail est essentiel pour générer du profit, sinon on ne chercherait pas à augmenter sans cesse sa productivité, une fois les besoins humains et le superflus satisfaits. Hors, on sait que la planète produit, aujourdh’ui, assez de nourriture pour nourrir deux ou trois planètes et on voit que les magasins débordent de ces superflus petits ou grands et que les supermarchés sont obligés de réduire leur durée de vie parce qu’ils n’en peuvent écouler le plus grand nombre, même en étendant leur réseaux consuméristes aux confins de la Terre.

Et pourtant, pourtant, on n’aime « là-haut », que la productivité. Toujours plus. « Travailler plus pour gagner », n’est-ce pas aussi et surtout, une ode à la productivité ?..Savoureuse, sotto voce, pour son auteur, qui n’a jamais eu un patron de sa vie.

La productivité, c’est aussi le côté yang du chomage.

Plus de productivité implique plus de chomeurs, pas besoin de développer.

Donc, augmenter, vouloir augmenter la productivité c’est vouloir plus de chomage.

C’est aussi maintenir le taux de plus-value en des niveaux maximum, alors que le chomage se développe. Que demande le peuple inquiet des élites mondialisées ?

Car l’objectif est là, et nous ne sommes jamais sortis des fondements du capitalisme : l’exploitation qui permet l’accumulation maximale.

A cette aune, on peut voir, les tentatives filmées par Carles, comme éminemment subversives, comme l’étaient L’An 01 et Themroc, trente ans avant.

On comprend également la colère terrible du grassouillet Kessler, dans Volem, contre les questions tendant à remettre en cause la centralité du travail, ou l’incompréhension méprisante - mais c’est un rôle qu’elle a assimilé jusqu’au bout des ongles - de la ministre de la Défense, toujours par rapport à ce même type de question.

Ils sortent du travail ou n’y entrent c’est premiers dissidents de la machine à casser en masse. Ils refusent son ressort fondamental, et ses illusions de plus en plus transparentes sur l’accomplissement personnel et collectif qu’elle procurerait.

Il faut donc penser, contrairement à Meda, philosophe d’une illusion déjà dépassée et d’une croissance déjà dangereuse, qu’il faudra abandonner sans regrets le continent travail. Sous peine d’y broyer nos vies et d’y laisser notre peau collective, planétaire.

Car il s’enfonce de plus en plus et les démolis du travail, les exclus du travail et les assistés du travail, vont devenir la norme.

Ca n’est pas prêt de s’arrêter, grace à la logique du système : le travail ne nourrit même plus, sans parler de satisfaire. On a donc conçu et construit un complèment-travail : le « traitement social » du travail.

Les gouvernants ont de beaux jours devant eux, à se déculpabiliser en accoroissant toujours plus ce traitement social de travail qui disparaît en provoquant la « nécessité » d’un « remède » toujours plus étendu à sa disparition.

Ce traitement, bien entendu indigent et insuffisant, génère l’augmentation des exclus, qui sombrent sans soutien très vite, et s’écartent aussi vite de toute possiblité de reprendre un travail.

Ainsi, cette masse grandit, puisque le travail est tellement dégradé qu’il détruit de plus en plus de gens et donc n’est exercé que par un petit nombre. Ce qui oblige le travail à gagner en productivité, puisque la masse de exclus grandit, du fait que le travail est tellement dégradé qu’il détruit...

Après l’immense détour des illusions, c’est bel et bien d’inventer un autre modèle de société qu’il s’agit aujourd’hui. Une société qui nous nourrisse et nous épanouisse par l’activité humaine.

Une activité pleine et entière, loin de la taylorisation, loin des fondementaux hiérarchiques et capitalistiques fondant la valeur d’échange.

Par un immense bond en arrière, l’histoire pourrait retomber sur les rails, redemarrer.

Car au seuil de la nécessité, devant le trou noir climatique, il va bien falloir, de toute façon, abandonner ce modèle qui, non content de casser les hommes et leur travail, détruit les fondements de la biosphère.

Découvrir Volem et autres utopies, c’est sans doute regarder les nouvelles valeurs qui devront nous sauver. L’utopie au secours de l’Histoire, ce n’est pas un paradoxe, mais l’alliance des horloges et de la mémoire humaine.


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