Monsieur l’avocat général,
Il est recommandé, surtout quand on est magistrat, de prendre un minimum de précaution et de respecter l’un des principes fondamentaux de la justice, qu’est la présomption d’innocence.
Comme de nombreux commentaires le font remarquer, la situation de la personne controllée s’avère être quelque peu différente de celle hâtivement dénoncée par un ministre de l’intérieur sans doute sous pression. Certains exemples récents auraient dû vous inciter à un peu plus de prudence dans vos proposqui, vous le savez, pourraient faire l’objet de poursuites.
Abstenons nous donc de commenter des évènements dont nous ne connaissons pas le déroulement exact.
Sur le fond de l’affaire, ce qui est marquant, est ce climat profond de défiance entre la police et une certaine jeunesse.
Il est totalement anormal qu’un simple contrôle de titre de transport, banal et justifié, dégénère en bataille rangée.
Il est anormal que des operations de routine de forces de l’ordre, comme l’arrestation d’un suspect, entrainent des réactions aussi violentes de la part de simples voyageurs, puis de jeunes venus pour en découdre.
Plus généralement, il est anormal que les forces de l’ordre aient peur d’effectuer leur travail dans de nombreux endroits, ce qui entraine une certaine aggressivité de leur part, tout comme il est anormal que des classes entières de la population perçoivent les forces de l’ordre comme l’énemi.
Ce climat délétère a été causé par une montée des antagonismes de façon irresponsable par certains responsables politiques, associant jeunes, immigrés et délinquants d’un côté, et confondant police et justice de l’autre.
Il me semble ici essentiel de rappeler quelques éléments trop souvent oubliés :
Le rôle des forces de l’ordre n’est pas de réprimer. Ce rôle est celui de la justice.
Comme l’a oublié un certain ministre de l’intérieur, le rôle des forces de l’ordre est de prévenir, de dissuader, et d’interpeller des suspects.
Oublier le premier volet de ce rôle, et substituer à la justice la mission de répréssion, c’est exposer ces forces de l’ordre à un climat d’hostilité insupportable, et les empêcher de faire effectivement leur travail. Car les forces de l’ordre ne peuvent faire normalement leur travail si elles n’ont pas la confiance des populations qu’elles doivent protéger.
Les forces de l’ordre font un travail difficile. Et il faut saluer leur professionalisme dans ces affrontements qui ne se sont heureusement pas soldés par des blessés sérieux. Mais il faut aussi cesser d’atiser défiance et suspiscion envers une catégorie de notre population.
D’un côté, si de nombreux exemples de contrôles au faciès au cours desquels les forces de l’ordre humilient et abusent en toute impunité des innocents ne se déroulaient pas, les voyageurs spectateurs ne réagiraient pas de façon aggressive à une interpellation.
De l’autre côté, si des jeunes désoeuvrés n’avaient pas une relation systématiquement conflictuelle avec des force de l’ordre, ils ne se sentiraient peut-être pas obligés de commettre des provocations et aggressions stupides qui se retournent de toute façon toujours contre eux.
Quant à la justice, qui vient de condamner en comparution immédiate des casseurs dont le casier était vierge à 4 mois ferme de prison plutôt qu’à des peines d’intérêt général pour réparer leurs bétises, elle vient de faire une belle co..erie.
Il faut briser cette logique d’affrontement, cet engrenage stupide. Sarkozy avait interdit à ses policiers de jouer au foot avec les jeunes des quartiers, et aboli la police de proximité, on voit le résultat.
Les forces de l’ordre, et la justice, doivent être respectées par tous, y compris dans les quartiers. Elles y sont méprisées.
C’est donc toute une relation à refonder. Je doute que ce soit en passant une nouvelle loi anti-casseurs que l’on résoudra le problème.