Monsieur Bilger,

Si je ne vous donne pas tort quant à la réaction de certains à gauche, qui nous refont le coup du laxisme et qui ne sont pas de bonne foi, il n’en reste pas moins que l’atmosphère d’affrontement qui existe entre une partie de la jeunesse et les forces de l’ordre est tout le même le fruit d’une politique qui privilégie les opérations coup-de-poing sur une politique de présence, de proximité et de durée. Je crois que c’est d’ailleurs le sens de la réflexion de François Bayrou.

Il n’y a pas eu un incident, mais deux, à la Gare du Nord : d’abord la réaction de voyageurs réguliers, à cette heure-là, qui ignoraient tout du passif de l’interpelé.

Ceux-là ne sont pas censés savoir que l’individu en question a frappé deux contrôleurs au préalable. S’ils réagissent ainsi, c’est aussi qu’ils ont vu d’autres interpellations semblables, brutales, mais pas forcément justifiées.

Le problème, c’est l’image de la police au sein d’une partie de la population qui se trouve constamment stigmatisée.

Il faut dire que cette même police à laquelle on fait arrêter un malheureux grand-père chinois qui ne disait rien à personne et qui allait chercher sa petite fille à l’école ne peut renvoyer un aspect très plaisant.

Cette même police qui contraint une jeune française récemment naturalisée à les suivre menottes aux mains à Nancy, sous les yeux des gens de son quartier, et alors qu’elle est toute prête à obtempérer , puis qui pratique une fouille corporelle et intégrale humiliante, tout cela pour rien, comment voulez-vous qu’elle inspire confiance ?

Ensuite, oui, il y a eu des casseurs, pour lesquels le coup de matraque semble une réponse appropriée, mais la réaction spontanée, elle, comment l’expliquer ? Des casseurs ne s’étaient tout de même pas donnés rendez-vous pour assister à une interpellation qui n’était pas prévue (car autrement, il y aurait là une bien sombre machination) ?

Le mal est fait aujourd’hui, mais la génération n’est pas spontanée, elle a une cause. Et cette cause, vous vous gardez bien de l’évoquer.