Cher Régis, vous avez raison en ce qui concerne la question stricte du calcul binaire, mais deux choses que vous dites ne sont plus vraies aujourd’hui. Vous dites d’abord : « Si l’on sait ce que l’on rentre et que l’on maîtrise le calcul (ce qui est a priori le cas), nous pouvons savoir ce qui sera en sortie. » Mais justement, on ne sait plus forcément ce qu’on « rentre ». Dans de nombreux cas, l’idée est justement de laisser les connexions entre « composants » (de type neuronal) se faire seules, compte tenu des résultats obtenus par la machine dans tel ou tel domaine ou des interactions avec l’environnement, de façon à laisser la « machine » évoluer vers un état qui non seulement n’a pas été prédéfini, mais qui est en outre inconnu du programmateur.
Par ailleurs, vous dites que « une machine ne peut qu’assembler des bits et en faire des combinaisons ». Ca non plus, ce n’est plus vrai. L’avénement des ordinateurs quantiques conduit précisément à un dépassement radical de la notion d’information classique, c’est-à-dire de bit. Le principe de ces ordinateurs quantiques est maintenant bien délimité et la réalisation d’un prototype apparaît chaque jour plus réaliste, à relativement brève échéance.
Mais d’une certaine façon, mon propos était moins technique que cela. Je notais simplement que, quelle que soit notre conception philosophique fondamentale, on ne pouvait pas réellement distinguer un corps biologique d’une construction matérielle, car c’est en une. Qu’il y ait un « quelque chose en plus » pour faire un homme conscient ne change rien à la question. Ce quelque chose peut tout aussi bien, en principe, « s’incarner » dans un autre support présentant les mêmes caractéristiques physiques ou physico-chimiques.
Vous dites « Une machine non biologique n’est capable que de calcul ». Je ne sais pas ce que vous entendez exactement par calcul, mais qu’est-ce qui serait selon vous différent dans le cas d’une machine biologique ? Ce quelque chose en plus ? Mais dans ce cas, il n’est pas matériel, et nous sommes ramenés au point de départ...