Gare du Nord : le récit du Congolais contrôlé
Au cours de sa garde à vue dans les locaux du commissariat du 10e arrondissement, Angelo Hoekelet a raconté son contrôle mouvementé à la gare du Nord, le 27 mars, par des agents de la RATP. Un contrôle qui a servi de déclencheur à de violents affrontements, pendant plus de six heures, entre des groupes de jeunes et les policiers. Le Congolais, âgé de 32 ans, affirme qu’il a été victime de violences, selon son procès verbal d’audition, dont Le Monde a eu connaissance.
« Ce jour vers 16h20, je me trouvais dans la gare du Nord. J’avais rendez-vous avec une personne qui m’attendait sur le quai de la ligne 5 », a-t-il expliqué. Il assure avoir composté un ticket en passant le tourniquet, puis l’avoir jeté. « Trente mètres plus loin, j’ai senti qu’une personne me touchait au niveau de l’épaule, je me suis retourné et cet individu s’est présenté comme étant un contrôleur RATP et m’a demandé mon titre de transport. J’ai expliqué à cet individu que je venais de jeter mon ticket au sol et je lui ai proposé de retourner à l’endroit où j’avais jeté mon ticket pour le reprendre. Le contrôleur m’a alors demandé mes papiers. Je lui ai alors répondu que je n’étais pas sûr de les avoir mais que l’on pouvait regarder dans mon sac à dos. Un autre contrôleur est alors arrivé et sans rien me demander il a déclaré à ses collègues : bon voilà, il a rien allez on appelle’’. Je lui ai répondu que je ne bougerai pas tant qu’on irait pas récupérer mon ticket. Ce contrôleur m’a alors fait comprendre que de toute façon il me ramènerait de force, il m’a parlé avec un langage de cité. Je lui ai alors dit d’arrêter. (...) Il s’est alors approché de moi et a commencé à rapprocher son front du mien. Je lui ai alors dit arrête ou je vais te boucher une oreille’’. Nous nous sommes frottés les fronts mais il n’y a pas eu de coups. C’est alors que les autres contrôleurs RATP m’ont saisi au niveau des chevilles puis m’ont fait chuter au sol. Ils m’ont ensuite maintenu au sol jusqu’à l’arrivée des gendarmes. Je vous précise que jusqu’à l’arrivée des gendarmes, les agents RATP, surtout celui qui a collé son front au mien, m’ont donné des coups de pieds entre les jambes ou ont essayé de me tordre les poignets. Moi, je leur disais que ce qu’ils faisaient c’était vraiment n’importe quoi. Autour de nous une foule s’est formée qui se demandait ce que ces contrôleurs étaient en train de faire. Je vous précise que parmi cette foule il y avait de nombreuses personnes qui me connaissent car j’ai vécu dans le dixième arrondissement et que je connais très bien la gare du Nord. Ensuite les gendarmes sont arrivés. (...) Ils ont essayé de me faire comprendre qu’il fallait que je me calme pour qu’ils me menottent. Je leur ai demandé de me lever puis ensuite de me menotter. Comme je me débattais car je pensais que ce n’était pas humain de mettre quelqu’un au sol comme ça, ils ont tout de même été obligés de me relever pour me menotter en faisant usage de la force. » A cet instant, Angelo Hoekelet s’accrochait fermement à son pantalon, pour éviter de se faire passer les menottes.
« Une fois debout et menotté le contrôleur RATP qui m’avait touché le front a cherché à m’attraper par les jambes. Il devait me connaître, je pense que c’est pour cela qu’il en avait après moi. Les gendarmes et ses collègues lui ont dit que cela ne servait à rien et que je devais être conduit debout. C’est là que je me suis rendu compte qu’une foule importante s’était ameutée autour de nous. Dans le local RATP, le contrôleur a dit à ses collègues oui vous avez vu il m’a bien mis un coup de tête. C’est là que j’ai compris que c’était ne affaire personnelle, je vous précise que parmi ces agents RATP il y en avait trois d’origine maghrébine. Peut-être qu’il en avait après moi parce que je suis noir. Ensuite, j’étais dépassé par les événements et je les ai bombardé d’insultes. »
La veille de cette interpellation à la gare du Nord, Angelo Hoekelet était censé prendre le train pour se rendre à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il devait comparaître devant la cour d’appel pour une affaire d’outrage à magistrat, qui lui a valu une condamnation à six mois de prison en première instance. Hélas, il n’a pas pu s’y rendre, explique-t-il, « car les contrôleurs n’ont pas voulu [le] laisser prendre le train sans billet. »
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