La France est une nation qui a fait son unité depuis longtemps, mais c’est aussi une nation qui s’est transformée très vite sur le plan social depuis la Seconde Guerre mondiale et qui, surtout depuis le milieu des années soixante-dix, a subi un processus de « modernisation passive » pour s’intégrer à l’économie mondiale. Les points de repère habituels, la stabilité française, l’équilibre économique et social, l’assurance quant à l’avenir, s’évanouissent les uns après les autres. L’État national ne peut plus garantir le plein emploi, ni empêcher la désespérance de se répandre dans de nombreuses couches de la société.
Le consensus social-démocrate cesse d’être crédible avant même d’être arrivé à maturité et l’individualisme libéral ne peut satisfaire qu’une minorité privilégiée. Il est alors tentant de chercher un bouc émissaire chez les laissés pour compte de l’intégration, chez ceux qui ont toujours été une population d’appoint, intégrée de bric et de broc, plutôt mal que bien. On les rend responsables des malaises de l’intégration de la société française parce qu’ils renvoient l’image-bloc des échecs de la société française. En d’autres termes, les hommes politiques de l’extrême droite à la gauche exorcisent ce qui ne va pas en recourant contre les plus faibles à une rhétorique de la ségrégation qui met en branle une dynamique ségrégative sur le plan politique et culturel.