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Commentaire de Jaï

sur Les formes de la justice : de Jean-Luc Delarue au Président Jacques Chirac


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Jaï (---.---.253.50) 2 avril 2007 23:23

Justice, la bombe à retardement, dans les coulisses du tribunal de Bobigny Olivia Recasens, Jean-Michel Décugis, Christophe Labbé (éditions Robert Laffont)

Dans le tribunal, on peut fumer du shit en toute impunité, comme nous l’avons maintes fois constaté. Devant la 13e chambre qui jugeait une affaire de stups, l’un d’entre nous s’est ainsi fait apostropher par un jeune entouré de ses copains : “ Hé toi, la meuf ? T’as pas une feuille ? ” La “ meuf ”, ne connaissant pas encore les codes en vigueur au TGI, détache une feuille de son calepin de notes et la lui tend. Éclat de rire général. “ Non, le papier c’est vraiment en cas d’extrême urgence, quand y a pénurie. ” Quelques minutes plus tard, le fumeur trouvera de quoi rouler son joint et le consommera tranquillement au pied de l’un des palmiers qui décorent la salle des pas perdus du TGI. Comment tolérer dans une démocratie qu’un tribunal devienne une zone de non-droit ? Depuis 2001, tout le TGI réclame un classement en zone sensible. “ Ce n’est pas tant pour la prime que pour obtenir enfin de quoi sécuriser le TGI ”, explique un assistant de justice. Mais la demande a été plusieurs fois retoquée cinq fois. Pourtant, c’est bien au TGI de Bobigny que l’on juge la population desquartiers sensibles du département. Des quartiers qui, comme Paul-Eluard et Karl-Marx, ne sont qu’à deux cents mètres du tribunal, séparés par une simple passerelle.

À l’intérieur du greffe de la 17e chambre s’entassent quinze greffières qui sont obligées de se lever de leur siège quand passe le chariot à archives. Ici, comme au bureau d’aide juridictionnelle, au service de l’audiencement, au secrétariat commun de l’instruction ou au service des plaintes contre X, les dossiers sont empilés à même le sol. Malgré le réaménagement l’an dernier de plusieurs greffes et l’arrivée de nouveaux postes informatiques, tous se plaignent d’un tribunal biscornu, mal conçu et rempli d’angles morts. Une surcharge de travail et un manque d’effectifs qui provoquent des dysfonctionnements en cascades : enregistrement des PV en retard, minutes de procès perdues, témoins non convoqués dans les délais, victimes non avisées, casiers judiciaires manquants, dossiers égarés dans les étages, erreurs d’acheminement du courrier... Avec, pour ce dernier, des détours kafkaïens. Au service éducatif du tribunal, on se souvient de cette lettre, en l’occurrence une décision de liberté provisoire, qui a mis un mois et demi pour parcourir la vingtaine de mètres séparant le tribunal des mineurs des bureaux des éducateurs situés juste au-dessous. Du coup, certains préfèrent carrément passer par la Poste pour s’envoyer des plis de service à service...

Le manque de sécurité au TGI, c’est l’autre serpent de mer. Il ressurgit à chaque conversation, et régulièrement dans les procès-verbaux des réunions du comité d’hygiène et de sécurité du tribunal. Au palais de justice de Bobigny, n’importe qui peut aller n’importe où. Les seules portes équipées d’un digicode sont celles qui donnent accès à la présidence et au bureau du procureur. “ Un jour il y aura un drame ”, nous a confié un juge d’instruction. Et de raconter ces visiteurs égarés qui poussent la porte des bureaux des magistrats pour demander leur chemin. “ Parfois, c’est un ancien prévenu qui passe la tête pour dire : “Bonjour, m’sieur le juge, vous vous souvenez de moi ?” ” C’est moins drôle quand la rencontre tourne à l’aigre. Il y a quelques mois, une greffière du tribunal pour enfants a vu surgir dans son bureau un énergumène qui a foncé sur elle pour la gifler. L’homme s’en est ensuite pris à l’hôtesse d’accueil qui s’est enfermée dans sa loge vitrée. Et le même juge de rappeler ce braqueur qui s’est échappé du bureau d’un juge d’instruction en sautant par la fenêtre. Mais tout va bien monsieur le procureur puisque “ la sécurité sera considérablement renforcée ” avec la construction d’ici 2009 d’un guichet unique de greffe qui “ évitera les circulations des publics dans l’ensemble du tribunal ”.

Lorsque l’on prête l’oreille dans certaines salles d’audience, on peut entendre d’étranges bruits sourds. Ils proviennent des entrailles du tribunal. Le dépôt, c’est la honte du TGI de Bobigny, là où s’entasse la France d’en dessous. “ Quand je suis arrivé en avril 2003 c’était un endroit abominable, indigne d’une démocratie, se souvient le commandant Patrick Trotignon, qui dirigeait alors les policiers du tribunal. C’était rempli de cafards, il y avait des rats qui remontaient par les toilettes, les plafonds tombaient en lambeaux, onze cellules sur les dix-sept du quartier hommes étaient inutilisables parce que les portes étaient arrachées et les W.-C. bouchés, avec une odeur d’urine insoutenable. Mon prédécesseur avait déjà fait une trentaine de rapports, sans résultat. ” Pour mettre fin à ce scandale, le commandant de policedécide d’inviter le procureur de la République d’alors, maître Jean-Paul Simonnot, à visiter les lieux. La visite a lieu le 14 avril 2003. C’est la première fois que le magistrat descend au dépôt, il est sidéré. Le procureur découvre que, malgré la puanteur qui règne au sous-sol, l’extracteur d’air a été délibérément mis hors service, afin que les bureaux des magistrats à l’étage soient correctement ventilés. En fait, le moteur qui fait tourner la ventilation est trop poussif pour desservir correctement l’ensemble du tribunal. Il a fallu faire un choix. Au procureur qui s’étonne de voir que le sas censé protéger l’entrée du dépôt et que les portes menant au local d’armurerie ne fonctionnent pas, le greffier en chef de l’époque rétorque qu’il est impossible de faire les réparations car le budget est dépassé.

POUR TOUT LIRE :

http://pdf.20minutes.fr/web/bonnes%20feuilles%20Bobigny.pdf


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