Monsieur,
Pour compléter ma précédente intervention, je vais vous livrer une histoire véridique.
Le mari d’une collègue professeur de droit dirigeait une PME dans le domaine de la mécanique industrielle. Il avait été contacté par une importante entreprise américaine. Celle-ci souhaitait lui passer une très grosse commande à condition qu’à terme il permette à la filiale indienne de cette compagnie de construire elle-même lesdites machines. Naturellement, ce dirigeant français a refusé la proposition, ne souhaitant pas livrer ses secrets de fabrication. Je vous passe les innombrables pressions, à la limite de la légalité, dont la famille de cet homme a été l’objet. Après une période d’accalmie, l’entreprise américaine revient à la charge, cette fois en proposant de passer une commande simple, sans contrepartie. Une autre commande suit, puis encore une autre. Cette entreprise américaine devient le premier client de la PME, qui doit investir pour augmenter sa capacité de production. Un beau jour, l’entreprise américaine cesse toute commande, malgré la signature d’un contrat. La PME française a certes obtenu des dommages-intérêts en raison du lien contractuel, mais largement insuffisants pour couvrir les investissements réalisés.
Le patron de cette PME s’est suicidé, laissant une femme et quatre enfants.
Des histoires de ce genre là, il en arrive des centaines chaque année.
Je vous pose une question. Quel est le talent particulier de ces dirigeants de grandes entreprises ? Et quand on sait que de nombreux petits commerçants trafiquent (certains parce qu’ils ne pourraient pas payer leurs charges autrement), pensez-vous que les grandes entreprises n’en font pas de même, à une échelle infiniment plus importante ? La corruption n’existe-t-elle pas dans l’attribution des marchés ? Les relations ne comptent-elles pas ? Les méthodes douteuses pour obtenir gain de cause sont-elles des illusions ? Les rivalités au sein d’une entreprise sont-elles saines et ne donnent-elles pas lieu à des pratiques que la morale réprouve ?