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Commentaire de Tristan Valmour

sur Pour gagner plus il faut produire plus !


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Tristan Valmour 4 avril 2007 19:02

Bonsoir monsieur. Article intéressant, mais trop court.

Effectivement, « pour accroître la quantité de travail, il faut indispensablement que la production de biens et services progresse ». La question se pose en fait sur le rapport entre la quantité de travail produit, et la production de biens et de services, or le tableau que vous nous soumettez n’est pas suffisamment explicite (il ne détaille même pas les inégalités entre les CSP, aussi n’a-t-il que peu d’intérêt). Constater une corrélation n’entraîne pas automatiquement un lien de cause à effet. En tout cas, c’est insuffisant. L’automatisation des tâches permettra, par exemple, d’augmenter la production de biens et de services en une proportion inégale par rapport à l’augmentation du travail. La productivité augmentera plus vite que le travail humain. De même, établir un lien entre travail et revenus n’explique rien d’autre qu’une évidence : quand on travaille, on gagne de l’argent. Tout est encore une affaire de proportions.

Votre paragraphe qui traite de la préférence nationale en consommation est incomplet. Si je consomme des produits chinois, ceux-ci vont voir leurs revenus augmenter et pourront passer leurs vacances en France, ou acheter des produits fabriqués en France. En plus, délocaliser la production de biens entraîne un effet vertueux (il y a également un certain nombre d’effets pervers), à savoir libérer une force de travail pour la consacrer à une production à plus forte valeur ajoutée, à condition de disposer de la formation nécessaire. Le travail à forte valeur ajoutée est lié à la qualité de la formation. Une force de travail libérée des contingences manuelles augmentera qualitativement. Les prêtres, les philosophes et les seigneurs ont été les premiers instruits parce qu’ils ont été épargnés par le travail manuel, par exemple.

Votre tableau traite de l’augmentation des revenus salariaux dans leur globalité. Elle ne dit pas à quelles CSP cette augmentation à profité.

Au final, votre démonstration tombe relativement à plat puisqu’elle est très imprécise. Elle ne prouve donc pas grand chose.

Quelques pistes sur le travail, puisqu’on en parle tant. Désolé, mais j’écris comme ça vient, il faudrait approfondir.

Le travail, c’est la transformation de la Nature. L’Homme exerce une action positive (mot à ne pas prendre dans son acception morale) sur son environnement, qu’il façonne. Le travail est une servitude, et ceux qui travaillent sont des serviteurs (des serfs) puisqu’ils accomplissent un acte utile, quand l’accomplissement d’un acte inutile rend libre. Le travailleur est donc un outil au service de la transformation de la Nature. En Russe, travailler se dit rabotat6 (je n’ai pas d’alphabet cyrillique sur mon clavier, désolé), ce qui a donné en français robot. Jusqu’à la 3è Révolution Industrielle environ, le travail n’était pas une valeur. Au contraire, travailler signifiait être exclu des couches sociales supérieures. Tout ça pour dire que le travail n’est devenue une valeur que très récemment, donc très loin de « la nuit des temps ».

Travailler, c’est donc transformer la Nature. Mais Lavoisier nous apprend que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Mais il ne précise pas en quoi. Cette loi doit nous interpeller puisqu’elle énonce clairement que la Nature est finie. Et même quand nous parviendrons à transformer les constellations, elles-aussi sont finies, et nous les achèverons d’autant plus vite qu’augmentera la population humaine. Nous devons donc, dans l’exploitation de la Nature, apprendre à gérer les ressources, non à les piller. Cela suppose une coordination de tous les acteurs du travail.

La division du savoir a entraîné la division du travail, créant ainsi de nouvelles professions, de plus en plus spécialisées. Cette division du travail s’est également accompagnée d’inégalités, là où elles étaient absentes dans les sociétés de chasseurs, de pêcheurs et de cueilleurs. On trouve toujours ce genre de société, en Amazonie par exemple. C. Levi Strauss en a abondamment parlé. Ces sociétés pratiquent le partage intégral des richesses, sans aucune discrimination. Et ils ne connaissent ni les psys, ni les suicides.

La division du travail a conduit à hiérarchiser les tâches et provoquer des inégalités sur la seule loi de l’offre et de la demande, en délaissant toute autre considération. Naturellement, ces autres considérations (éthique, morale, par exemple), sont disqualifiées par le système (économique) qui se ferme sur lui-même. Quand l’offre de travail est supérieure à la demande, le coût du travail augmente, et inversement.

Le travail ayant une valeur différente selon la profession que l’on exerce, l’acceptation - et même la promotion - des inégalités a fait son chemin. Il nous apparaîtrait aujourd’hui incongru de croire que Bill Gates et son balayeur puissent gagner le même salaire. Pourtant, rappelons-nous ces sociétés primitives dont nous sommes tous issus.

L’économie de marché est donc née, avec son corollaire, l’accumulation du capital, grâce aux inégalités entraînées par la division du travail. Economie de marché basée sur des échanges indirects et inégaux de forces de travail et régulées par un instrument objectif d’échanges : la monnaie (à l’origine).

La division du travail et la division du savoir ont entraîné dans chaque tâche une augmentation de la productivité, ce qui eut pour effet d’exclure du travail un nombre croissant de « travailleurs » (aucune connotation politique), pour une durée plus ou moins longue, le temps de la mutation. Des professions ont disparu quand d’autres sont apparues.

Inégalités acceptées, exclusions acceptées, accumulation du capital acceptée, monnaie comme moyen de réguler les échanges : il ne manquait que la société de consommation. Sans consommation, il n’y a en effet pas de production. C’est imparable.

Toute l’économie actuelle repose en effet sur la société de consommation et sa spirale non pas vertueuse, mais perverse. S’il y a plus d’argent que de biens et services à acheter, l’argent perdra de sa valeur puisque le coût des biens et services augmentera. Il faut donc donner au consommateur l’envie d’acheter (hummm Alice et ta sexy connexion), les moyens d’acheter (crédit sur 50 ans), et étendre le secteur des biens et services marchands (innovation et privatisation).

Si le consommateur n’a plus les moyens d’acheter, ou s’il décide de ne plus acheter, tout le système s’écroule, et la valeur des biens et services chutera puisque l’offre dépassera la demande. Qui sera le plus pénalisé ?

Il faut donc contraindre le consommateur à acheter davantage, l’emprisonner dans cette société de consommation.

Société de consommation certes, mais aussi société du gâchis. On produit à l’excès, on exclut une bonne partie de la population de la capacité à produire (travail) comme des fruits de cette production (consommation). Sans oublier de stigmatiser l’individu, puisque tout est de sa faute (il a en effet un immense pouvoir) ; ce n’est naturellement pas la faute du système qui, lui, est parfaitement huilé. C’est normal, c’est un système mathématique, et les maths n’ont jamais tort. Quoique, 1 + 1 = 2 en base 10. A préciser donc.

Société de consommation = société du gâchis. En effet, on produit, et on jette une partie de la production (les invendus). On produit des biens inutiles (elle sert à quoi ma belle télé à plasma quand j’arrête pas de rouspéter après TF1 pour ses émissions à la c... ?). On produit à bon marché des biens qui ne marchent pas. On produit de la pollution et on consomme des maladies industrielles. On achète une demeure de 20 pièces pour passer 90% de son temps dans 4 d’entre elles. On produit, on exhibe dans les vitrines nos productions, et on demande de ne toucher à rien. Etc.

Et dire que nous étions tous, au départ, des cueilleurs, des chasseurs et des pêcheurs qui partagions le fruit de notre travail ! smiley


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