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Commentaire de buildfreedom

sur Le virage démagogique de François Bayrou


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buildfreedom (---.---.160.36) 6 avril 2007 00:02

La réforme de l’ENA n’est pas démagogique.

Voici un extrait d’un discours de M. Bayrou prononcé le 12 avril 2006 en clôture du colloque « Quel Etat voulons-nous ? » :

"...je veux modifier la formation de la haute fonction publique : le mode de recrutement, de formation et d’organisation des grands corps. On ne peut plus recruter à vingt ans les managers sur un concours académique, sans avoir jugé de leurs capacités de leadership, de leur expérience. Je propose de changer la nature de l’ENA pour en faire une école de formation des cadres dans laquelle on entre tard, et même à des âges différents, tous types de formation conduisant aux mêmes situations de responsabilités. Afin de respecter le contrat moral passé avec ceux qui préparent aujourd’hui cette école, une telle réforme se fera en plusieurs années.

Ces principes définissent une refondation de l’Etat, apte à lui redonner toute sa légitimité, à lui permettre de replonger ses racines dans la société française. Au-delà des implications dans tous les domaines et dans la vie de tous les jours, ces réformes contribueront à restaurer le lien démocratique entre les citoyens et leur Etat."

La réforme de l’ENA n’est pas démagogique.

L’énarchie s’est installée dans tous les rouages de la vie administrative, politique et économique française. Mais les critiques, en interne, de la part des jeunes « mandarins » se sont faites plus virulentes ces dernières années : lettres de protestation de chacune des promotions depuis 1996 ; pétition de la promotion Mandela, en 2001, lancée par la section CFDT et soutenue par plus de 90 % des élèves ; mise en cause de la direction de l’école auprès de la tutelle ; recours contentieux devant le Conseil d’Etat, en particulier contre le classement final. Elles témoignent de la volonté de réforme des élèves, scandalisés de découvrir que la formation dispensée à l’ENA répond mal aux besoins de l’administration et à leurs propres attentes, malgré un coût par élève qui dépasse 30 500€. Leurs critiques pointent aussi les limites de la démocratisation du recrutement et la logique de classement de la scolarité qui participent d’une logique de castes pourtant rejetée par les fondateurs de l’ENA.

Dans ses échecs successifs, la réforme de l’ENA pourrait être un cas d’école des blocages de la réforme de l’Etat. Le diagnostic est établi, la volonté des élèves-usagers de participer à la réforme indéniable, et pourtant d’invisibles intérêts pèsent systématiquement sur les projets de réforme pour préserver jusqu’au bout la logique du système. Comme l’écrivait M. Chevènement en 1967 : « plus on la change et plus l’école s’affirme pareille à elle-même » ; « l’inanité de ces réformettes manifeste la permanence de l’esprit : celui d’une sélection sans âme, exercée au nom d’une conformité, celui d’une promotion sociale recherchée au nom d’un conformisme et payée du prix de l’individu. »

La réforme de l’ENA est un élément essentiel pour la réforme de l’Etat, et qu’il est devenu urgent de transformer en profondeur les conditions actuelles de la formation des énarques, selon trois orientations :

L’ouverture sur la société et la diversité du recrutement. Il est temps de rompre l’enfermement de la haute fonction publique sur elle-même. Pour cela, il est nécessaire que le recrutement des élèves soit plus varié pour assurer une meilleure représentativité de la société française. Mais il faut aussi, pour mieux répondre aux demandes de tous les citoyens, que les élèves de l’ENA suivent des enseignements de sciences sociales, indispensables pour comprendre la réalité sociale et économique dans laquelle s’inscrivent les politiques publiques.

La préparation à la réforme. Les échecs récents de plusieurs grandes réformes ainsi que l’immobilisme des administrations témoignent de certaines insuffisances de l’Etat. Pour y répondre, la sociologie administrative, les études de cas de politique publique, la gestion de projet, la communication, la négociation et la conduite du changement devraient faire partie des principaux enseignements d’une école qui prétend former « les acteurs de la réforme de l’Etat ». La mise en place d’un pôle de recherche sur l’administration comparée et la réforme de l’Etat permettrait en outre d’en faire un lieu de réflexion et de création, notamment de méthodes d’action nouvelles.

Le management public. Pour adapter les structures et les méthodes de l’administration aux évolutions de la société et du monde du travail, cette école doit préparer ses fonctionnaires à être des organisateurs, des initiateurs de nouvelles méthodes et, par-dessus tout, des entraîneurs d’hommes et de femmes ; et pour cela, donner une grande place aux enseignements managériaux (gestion des ressources humaines, animation d’équipes, services à l’usager, organisation des services...). La maîtrise de ces compétences est indispensable pour que les capacités professionnelles des anciens élèves continuent de justifier le niveau des responsabilités qui leur sont confiées.

Alors écoutez les médias et les deux clowns pathétiques, Hollande et Sarkozy, railler M. Bayrou si ça vous chante, mais reconnaissez que l’immobilisme n’est pas là où ils le prétendent.

La réforme de l’ENA n’est pas démagogique.


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