« Cet ouvrage d’une grande clarté pédagogique analyse comment la modernité
est davantage le produit d’une hybridation des cultures et des
civilisations que le triomphe des valeurs occidentales »
Tout à fait. Cette thèse s’appuie certainement sur les travaux de Claude Levi-Strauss qui a brillamment déconstruit les racines du racisme dans « races et culture » puis « races et histoire » . un ouvrage de référence dont je recommande la lecture à tous.
Extraits
En second lieu, à l’inverse de la diversité entre les races, qui présente pour principal intérêt celui de leur origine historique et de leur distribution dans l’espace, la diversité entre les cultures pose de nombreux problèmes, car on peut se demander si elle constitue pour l’humanité un avantage ou un inconvénient (...).
Enfin et surtout on doit se demander en quoi consiste cette diversité, au risque de voir les préjugés racistes, à peine déracinés de leur base biologique, se reformer sur un nouveau terrain. (...) On ne saurait donc prétendre avoir résolu par la négative le problème de l’inégalité des races humaines, si l’on ne se penche pas aussi sur celui de l’inégalité ou de la diversité des cultures humaines qui, en fait sinon en droit, lui est, dans l’esprit du public, étroitement lié. (...)
(...) La chance qu’a une culture de totaliser cet ensemble complexe d’inventions de tous ordres que nous appelons une civilisation est fonction du nombre et de la diversité des cultures avec lesquelles elle participe à l’élaboration-le plus souvent involontaire d’une commune stratégie.
( ...) Il n’y a donc pas de société cumulative en soi et par soi. L’histoire cumulative n’est pas la propriété de certaines races ou de certaines cultures qui se distingueraient ainsi des autres. Elle résulte de leur conduite plutôt que de leur nature.
(...) On voit ainsi ce qu’il va de maladroit et de peu satisfaisant pour l’esprit dans les tentatives dont on se contente généralement pour justifier la contribution des races et des cultures humaines à la civilisation. On énumère des traits, on épluche des questions d’origine, on décerne des priorités. Pour bien intentionnés qu’ils soient, ces efforts sont futiles, parce qu’ils manquent triplement leur but
D’abord, le mérite d’une invention accordé à telle ou telle culture n’est jamais sûr. (...) En second lieu, les contributions culturelles peuvent toujours se répartir en deux groupes. D’un côté, nous avons, des traits, des acquisitions isolées dont l’importance est facile à évaluer, et qui offrent aussi un caractère limité. (...) Au pôle opposé (avec, bien entendu, toute une série de formes intermédiaires), il y a les contributions offrant un caractère de système, c’est-à-dire correspondant à la façon propre dont chaque société a choisi d’exprimer et de satisfaire l’ensemble des aspirations humaines L’originalité et la nature irremplaçable de ces styles de vie (patterns) ne sont pas niables, mais comme ils représentent autant de choix exclusifs on aperçoit mal comment une civilisation pourrait profiter du style de vie d’une autre, à moins de renoncer à être elle-même. En effet, les tentatives de compromis ne sont susceptibles d’aboutir qu’à deux résultats : soit une désorganisation et un effondrement du pattern d’un des groupes ; soit une synthèse originale, mais qui, alors, consiste en l’émergence d’un troisième pattern, lequel devient irréductible par rapport aux deux autres. Le problème n’est d’ailleurs pas même de savoir si une société peut ou non tirer profit du style de vie de ses voisines, mais si, et dans quelle mesure, elle peut arriver à les comprendre, et même à les connaître.(...)
CLS
Cette dernière phrase est importante si on veut essayer de comprendre pourquoi l’Afrique est en résistance face à la modernité occidentale (on ne lui a pas donné la possibilité de développer sa propre modernité, voir tout ce qui a été dit sur le colonialisme et la destruction des sociétés pré coloniales) . Hormis la résistance à la violence qui lui est faite, j’émets une autre hypothèse. Le projet de l’occident est la domination de la nature (ce qui s’est traduit concrètement depuis des siècles par l’augmentation de la consommation d’énergie par tête). Au passage j’aimerais bien retrouver l’auteur de cette brillante thèse (Help me !) . Or le rapport des Africains à la nature est (était ?) tout autre me semble t-il . Je m’appuie ici sur ma connaissance du peuple Bamiléké (Il faut lire « ma passion africaine » de Claude Njiké-Bergeret). Mais n’étant pas africaniste je ne tiens pas compte de la diversité (énorme ) des cultures en Afrique. Le rapport au temps est différent aussi. Plus cyclique que linéaire ce qui les éloigne un peu plus d’une logique cumulative (donc de progrès techniques) pour reprendre le termes de LVS. Il est intéressant de noter comment la société indienne est en train progressivement d’une logique à l’autre. Gandhi s’en retournerait sur sa tombe ! Jusqu’où iront-ils ?