Osons un constat. Certaines populations immigrées sont victimes d’une double injustice : économique et identitaire. Au nom de quoi le reconnaître serait les excuser ! Certains feront justement remarquer que la misère et le chômage ne poussent pas toutes les populations à se révolter de la sorte. C’est ici que s’ajoute la crise identitaire profonde de certains jeunes Maghrébins. Quand on ne sait pas qui on est (Arabe, Berbère, Algérien, Français, musulman, citoyen, racaille ?...), d’où on vient (le lien générationnel est, dans bien des cas, rompu, voir les films de Yamina Benguigui), où on va ( Chômage, délinquance, intégrisme ?), on pète les plombs et on brûle des voitures. N’en déplaise à certains, cela pourrait être pire encore ! La fracture identitaire est béante pour ces populations qu’on somme de s’intégrer en oubliant de leur donner les moyens de le faire par le travail. Les aînés ont subi les pires humiliations, rasé les murs dans leurs bidonvilles mais ne se plaignaient pas. Ils trimaient pour leur maigre pitance. Leurs fils et petit-fils se révoltent. Faut-il s’en étonner alors qu’ils sont beaucoup mieux lotis matériellement qu’il y a trente ans ? Ce qui leur est sans doute insupportable c’est l’effroyable écart entre les discours humanistes et républicains et la réalité sociale dans laquelle ils se débattent. Le double langage est partout mais nous continuons à nous boucher les yeux. Que ce soit des vrais voyous, ou plus grave, des jeunes méritants (ceux qui triment et subissent discrimination sur discrimination), où qu’ils se tournent l’horizon est bouché. A ce propos il serait pertinent de s’intéresser à certains casseurs, pas les caïds de quartier bien sûr, mais les sans-histoires, ceux qui le temps d’une nuit furieuse ont franchi la ligne rouge et laissé exploser leur désespoir. C’est aussi une très sérieuse remise en question du rôle de la police dans les quartiers chauds et du comportement ouvertement raciste de certains de ces fonctionnaires. L’arbitraire de certaines descentes dans les cités et la façon dont les jeunes sont parfois interpellés dans la rue laisse penser que la police se comporte en bande rivale. Manque de formation ? Surchauffe due au stress ? Ou injonctions furibardes et irresponsables venant d’hommes politiques qui ont bien compris que les discours sécuritaires sont payants électoralement ? Violence gratuite, entendons-nous parfois. Nous oublions que la violence est toujours le dernier recours de ceux qui n’ont pas les moyens de s’exprimer autrement. Et cette violence-là nous hurle des choses que nous refusons d’entendre. Elle est aveugle, oui, mais pas gratuite. Violence organisée, jeunes manipulés, nous rabâchent certains. C’est pratique et presque rassurant : les ennemis sont en face et clairement identifiés (caïds, intégristes ...). Qu’elles soient vraies (selon la police) ou fausses (selon les tribunaux), ces allégations n’expliqueront jamais la rage profonde qui motive les actes.

Reste le libre choix des individus qui consiste à faire ou à ne pas faire l’irréparable en terme de violence. En cela, les casseurs ne sont pas excusables et doivent être punis pour leurs actes (et pas pour ce qu’ils sont !). La fermeté est nécessairement de mise dans une situation aussi explosive. Cela doit-il nous empêcher de voir la vérité en face ? Ou à tout le moins d’essayer de comprendre le cercle vicieux dans lequel ils se trouvent et qui se résume ainsi : plus de discrimination et d’injustice amène plus d’incivilité et de violence qui amènent plus de ... ? En ce sens, ces jeunes se suicident socialement et les plaies seront longues à cicatriser.