On peut toujours rêver d’un autre modèle de démocratie, plus performant, plus juste, mais en attendant, il faut bien se baser sur la réalité. Et la réalité veut que dans une république démocratique le Chef d’Etat ne peut rien faire, s’il n’est pas porté par une majorité parlementaire claire et solide. Ce sont justement les gouvernements minoritaires qui sont condamnés à l’immobilisme. Regardez Bush en ce moment. Depuis que les Républicains ont perdu les élections parlementaires, les capacités d’action de la Maison-Blanche sont fortement réduites.
Revenons en France. Pour connaître les chances réelles d’un candidat de pouvoir mettre en oeuvre ses promesses électorales, il faut regarder le nombre de députés dont son parti dispose à l’Assemblée nationale actuellement. Et pour Bayrou, c’est plus que maigre. D’ailleurs pour les autres « petits » candidats, c’est encore pire. Mis à part les Communistes et les Verts qui ont quelques élus, les autres candidats n’en ont pas du tout.
D’ailleurs je ne comprends pas très bien en quoi le fait de présenter une multitude de candidats à l’élection présidentielle, candidats qui n’ont aucune chance de gagner ou de mettre en œuvre leurs promesses électorales, contribue à l’avancement de la cause démocratique. Ne se trompe-t-on pas de scrutin ? Actuellement, il n’y a que deux candidats qui peuvent obtenir une majorité parlementaire, donc qui peuvent mettre en œuvre leur programme respectif, à savoir Royal et Sarkozy. Tout le reste, c’est une tromperie. Si on voulait enrichir le débat démocratique par le biais d’une plus grande diversité de programmes, cela pourrait se faire dans le cadre des élections législatives. Présenter 12 candidats aux élections présidentielles et donner aux citoyens, souvent mal informés sur les conséquences de ce qu’on leur propose, l’illusion d’un choix entre 12 n’est pas très honnête. Mais personne n’ose toucher à cette particularité bien française. Si l’élection d’un Président d’une République se fait au suffrage universel direct, comme en France, donc sur base d’un lien direct entre une personne et l’ensemble de l’électorat, alors il faut avoir l’honnêteté de dire à cet électorat que seulement 2 ou 3 personnes, dans le cas actuel seulement 2, peuvent réellement réunir les conditions nécessaires à la mise en pratique de leur programme électoral. En tout cas, l’élection de Bayrou conduirait inévitablement à une nouvelle cohabitation avec un grand risque de conflits. Car, homme de caractère qu’il est, il ne tolérera probablement pas d’être réduit à l’inauguration de chrysanthèmes.