Emportés par la foule...
Une rencontre éphémère qui laisse pourtant un souvenir inoubliable... tel est le thème de cette chanson célèbre : La foule... le personnage principal est plongé dans une foule, dans une ambiance de fête et de joie où se mêlent différentes sensations fortes, d'abord une sensation visuelle éblouissante qui reste gravée à jamais dans la mémoire, comme le suggère l'emploi du présent dans la majeure partie du texte :
"Je revois la ville en fête et en délire
Suffoquant sous le soleil et sous la joie"
L'emploi de la première personne du singulier "je" permet à chacun de s'identifier à la narratrice.
Puis, c'est une sensation auditive qui est évoquée avec toujours autant d'acuité, où l'on retrouve tous les éléments de la fête : la musique, les cris, les rires...
"Et j'entends dans la musique les cris, les rires
Qui éclatent et rebondissent autour de moi"
Les sonorités de gutturales assez fortes restituent aussi les bruits de cette fête : "musique, cris, rires, qui éclatent, rebondissent autour"
Isolée parmi la foule, la narratrice se retrouve bien seule face à des gens inconnus : l'emploi de la première personne du singulier "je", opposée au pluriel "ces gens" souligne bien l'isolement de la jeune femme.
Elle ne peut échapper à ce mouvement de foule et les termes "Etourdie, désemparée" soulignent son désarroi...
Une rupture intervient alors avec une subordonnée de temps :
"Quand soudain, je me retourne, il se recule
Et la foule vient me jeter entre ses bras"
C'est ainsi que deux individualités se trouvent et se rencontrent avec l'emploi des pronoms "je", "il" au singulier. Et c'est alors qu'apparaît une nouvelle sensation, tactile cette fois, puisque la narratrice se retrouve entre les bras de l'inconnu...
Les deux personnages sont malgré eux emportés dans le tourbillon de la foule, à tel point qu'ils deviennent "un seul corps", dans une union et une fusion parfaite.
"Emportés, écrasés", les personnages éprouvent pourtant le comble du bonheur, comme le montre ce rythme ternaire insistant : "tous deux épanouis, enivrés et heureux". Ce contraste dans le vocabulaire souligne bien l'attraction irrésistible que connaissent les personnages.
Dans le couplet suivant, on perçoit un élan, un enthousiasme et un bien être de se trouver dans cette foule en train de s'élancer et de danser une folle farandole : les sonorités de voyelles nasalisées "an" peuvent restituer cette envolée de bonheur... et les termes utilisés très forts montrent encore une union volontaire cette fois, et partagée par les deux personnages : "nos deux mains restent soudées, nos deux corps enlacés".
Les corps qui s'envolent restituent une envolée de bonheur, une exaltation. Et la joie se propage entre les deux personnages, le vocabulaire hyperbolique et imagé vient souligner l'intensité de cette joie qui irradie et se transmet avec force :
"Et la joie éclaboussée par son sourire
Me transperce et rejaillit au fond de moi"
Le cri poussé par la jeune femme dans le vers suivant est d'autant plus surprenant et inattendu dans cette ambiance de joie.
L'explication est donnée dans la subordonnée de temps :
"Quand la foule vient l'arracher d'entre mes bras
Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne, nous éloigne l'un de l'autre"
Triste ironie du sort ! La foule qui a d'abord rapproché les deux personnages, qui a permis leur rencontre, les sépare irrémédiablement. Dès lors, la joie intense laisse place à des sentiments totalement opposés tout aussi intenses : "douleur, fureur, rage".
Et alors que la foule continue à danser dans une atmosphère de rires et de fête, en contraste, la douleur de la narratrice est d'autant plus forte...
On la voit "crisper (ses) poings, maudissant la foule qui (lui) vole
L'homme qu'elle (lui) avait donné qu'(elle) n'a jamais retrouvé"
La chanson décrit bien la magie de l'instant de la rencontre, un instant inoubliable et intense... et la désillusion de la séparation. Et bien sûr, on perçoit l'indifférence de la foule face au déchirement de cette absence soudaine qui passe inaperçu au regard de la foule... amour, solitude, force irrésistible de la foule, anonymat du monde moderne et de nos sociétés, fragilité des rencontres et du bonheur, de nombreux thèmes sont perceptibles dans cette chanson...
La mélodie restitue merveilleusement les mouvements irrésistibles de cette foule qui danse...
Pour mémoire :
La Foule est une chanson enregistrée par Édith Piaf en 1958. Les paroles sont de Michel Rivgauche et la musique d'Ángel Cabral. Il s'agit de l'adaptation de Que nadie sepa mi sufrir, valse péruvienne rendue populaire par des chanteurs argentins, et composée en 1936 par Ángel Cabral sur des paroles d'Enrique Dizeo. Après le succès de l'adaptation française, la version originale a été remise à la mode sous le titre espagnol Amor de mis amores. La chanson a été reprise par de nombreux artistes, en français comme en espagnol, mais aussi dans d'autres langues.
Les paroles :
https://www.paroles.net/edith-piaf/paroles-la-foule
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2024/09/emportes-par-la-foule.html
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