En Occident l’Islam s’épand sans s’épanouir, y remédier relèvera d’un sacerdoce ou d’une capitulation
Un dilemme qui a traversé les siècles et qui s'éternise avec ses raisons.
Construite sur l’héritage des civilisations grecques et romaines, la France et l’Europe chrétiennes ont été épargnées de l’envahisseur Sarrazin grâce à l’intervention du grand-père de Charlemagne à Poitiers, puis plus tard à Vienne et à Lépante.
Epargnées de quoi ?
Principalement de ce dont il ne se doutait pas, un pan obscurantiste consubstantiel à l’islam né de la volonté de ses juristes-théologiens qui l’imposeront à leurs coreligionnaires peu après sa naissance et au fil des siècles, avec une aversion pour le monde chrétien, ses concepts intellectuels et ses avancées scientifiques (1).
Depuis ses origines, l’Islam fondé sur le judéo-christianisme biblique, est resté distant des influences grecques et romaines. Depuis les Lumières de l’Occident ont rayonné mais pas en terre musulmane. Les musulmans qui les ont refoulées, n’ont pas participé à ces révolutions philosophiques et intellectuelles dont l’influence est gravée dans nos constitutions occidentales modernes. Des histoires qui se sont croisées, juxtaposées, sans jamais se mêler, une distanciation séculaire et toujours vivace.
Et alors.
Ces notions résolument ignorées, constituent avec les charias des ulémas, un obstacle majeur à un rapprochement avec ces croyants hors des territoires soumis à l’Islam.
Pourtant l’âge d’or de Bagdad avec la Maison de la Sagesse du calife éclairé Al-Ma’mun a marqué le IXe siècle (2). Il protègera les esprits libres de son temps contre les traditionalistes, la raison n'était pas encore opposée à la foi. Il rassemblera tous les manuscrits possibles pour les traduire en arabe et réunira les savoirs grecs antiques disponibles à une époque où en Occident ils étaient quasiment oubliés, délaissés ou inconnus. Les lettrés conservatistes exaspérés par cette liberté de conscience qui va trop loin dissiperont les Lumières de Bagdad.
Quelques siècles plus tard l’Al-Andalus des califes bousculée par une Reconquista chrétienne entamée (Tolède 1085, Saragosse1118), produira avec les autres cités encore musulmanes, une parenthèse intellectuelle brillante sur un terreau chrétien et juif. Dans ces régions des musulmans deviennent désormais sujets musulmans des rois chrétiens. Cette période sera propice à la (re)diffusion en Europe au XIIe-XIIIe s. de la pensée grecque rapportée ici par des musulmans érudits (2). Conscient de l’extraordinaire importance de cette contribution pour l’Occident, dès le début du XVIe s. le Vatican rendait hommage au commentateur d’Aristote de Cordoue Ibn-Rushd (Averroès) avec une place dans la célèbre fresque de « L’Ecole d’Athènes » dédiée à la connaissance.
Ibn-Rushd au Palais apostolique - aperçu de L’Ecole d’Athènes de Raphaël.
Quand Averroès grand commentateur d’Aristote tentera de concilier la raison et la foi, il sera condamné, chassé de Cordoue et ses livres seront brûlés par les musulmans Almohade intégristes.
Il illustre l'antagonisme philosophique des musulmans avec les chrétiens qui avaient déjà frotté leur religion aux écoles grecques. Après ces disputes entre philosophes grecs et premiers chrétiens un rapprochement s’opérera. Au IVe s. le maghrébin Saint-Augustin professera dans l’Eglise une théologie naturelle puisée dans la philosophie d’Aristote (3). Hermétique à son approche épistémologique, l’Islam ne croira plus tard qu’en la révélation.
Avec Thomas d’Aquin l’Europe du XIVe s. enfonçait le clou sous les auspices d’un catholicisme définitivement converti au syncrétisme de la foi et de la raison. Les monastères entretiendront une effervescence intellectuelle avec la philosophie et la doctrine stoïcienne ; le monde est bon, intelligible pour un esprit humain, tous les hommes participent à la raison … Des controverses démontreront que ce ne fût pas toujours aussi simple.
Comme pour enraciner dans la pierre ses convictions, s’ensuivra l’inondation gothique des fastueux monuments catholiques.
Les Lumières et la Révolution germeront sur l’humus romain, chrétien et grec pour privilégier un épanouissement de l’Homme placé au-dessus de tout. Ainsi au cours des siècles de soubresauts et de transformations, l’Occident se façonnera avec la permanence d’une religion chrétienne deux fois millénaire. Il s’imprégnera d’un humanisme non révélé, mais produit des connaissances philosophiques et scientifiques. Les Lumières imposeront le principe de démonstration qui s'opposera à celui théologique suffisant d’un Dieu à l’origine de tout.
La raison populaire instituera sa souveraineté avec l’élection de ses représentants à la tête des pays, un système démocratique contraire au principe islamique ; celui qui dirige est l’élu de Dieu. Au XIVe s. le sociologue Ibn Khaldoun (Le Livre des Exemples) témoignait déjà de cette nécessité ; « La nature des Arabes les éloigne de l’art de gouverner. Ils n’y deviennent aptes que lorsque leur nature est transformée par la religion… (qui) leur permit de fonder leur gouvernement sur la Loi religieuse et ses prescriptions… ».
L’histoire mouvementée des califats multiples ne s’arrêtera qu’en 1924 après quatre siècles de domination ottomane et une longue période de treize siècles d'une dictature encore tenace. Le monde islamique ne connaitra jamais un autre pouvoir que celui dominé par les religieux qui imposeront, aussi à leurs dirigeants politiques actuels, de soumettre leur constitution à une charia. Ce pilier de la culture islamique se confronte à notre République qui a inventé la laïcité malgré l’avis de Robespierre, avec deux millions de musulmans qui aujourd’hui en France placent leur charia au-dessus des lois de la République. La République laïque priorise et protège l'individu avec ses institutions et s'oppose à la charia qui soumet le musulman et guide sa façon de vivre et sa perception religieuse du monde selon les hadiths de son prophète.
Un fossé idéologique que peu de responsables musulmans voudraient franchir. Pourtant l’ancienne école théologique islamique des mutazilites chassée jusqu'au Yemen, conceptualisera Dieu sous l’influence de la philosophie grecque et de sa raison. L’imam de Bordeaux Tarek Oubrou l'a jugée lui « trop éloignée des préoccupations concrètes de la majorité sunnite des musulmans » pour l’envisagée. Une façon de baisser les bras et d’imposer ses musulmans « comme ils sont ». Avant lui, le président de la mosquée de Paris avait usé du même stratagème pour ne rien faire, à propos du voile c’était trop tard pour D. Boubakeur. Un sacerdoce repoussé par ces musulmans conservateurs sans concession. Pour eux l’Islam tel qu’il est en France, est un fait accompli.
Pas pour tous.
Malgré ce constat d’immobilisme, des intellectuels comme le président de la Fondation de l’Islam de France Ghaleb Bencheikh dénoncent l’effet misanthrope d’un "… islam, otage des conservatismes pervertissant ses humanités, qui requiert l’appui de la République pour se hisser aux exigences de la modernité politique et intellectuelle..." Les musulmans doivent apprendre à vivre comme des citoyens de ce siècle pour s'assimiler. Chaque abaya, burkini, foulard, hijab est une manifestation d’un conservatisme opposé au modernisme que réclament les iraniennes chiites au prix de leur vie aujourd’hui. Elle déchirent leur voile obligatoire qui les étouffe, comme un temps au Xe siècle en Andalousie, où grâce à l'influence des autres communautés des femmes sunnites commençaient à sortir sans voile et se distinguaient dans les milieux cultivés. Ni les unes ni les autres n'étant renégates pour autant d'après ce Commandeur des croyants.
Ce constat montre la difficulté des musulmans à se séparer de leurs instructions religieuses pour rejoindre le niveau des exigences occidentales et admettre l'universalisme qui a prévalu à l’édification de nos lois. Autant d’obstacles insurmontables tant qu'une autocritique islamique ne permettra pas sa coexistence avec d’autres cultures. Il est réaliste de croire qu’elle ne se fera que par des contingentements au fil du temps, un trop grand nombre produira l’effet inverse. Le déclin des pratiques religieuses dans une France qui a voulu supprimer l'influence des ecclésiastiques en 1905, n'a pas effacé celle de la culture chrétienne ancrée en Europe avec ses principes démocratiques qui s’oppose à celle islamique qui les ignore, sauf par ceux qui individuellement enfreignent leur doctrine, comme les juifs ont su le faire en 1808.
Si les jésuites ont su assimiler et conjuguer l’humanisme avec un christianisme universel, ils n’auront pas d’équivalents chez les musulmans et leur lecture égocentrique du Coran, une interprétation de la parole de Dieu au seul bénéfice de celui devenu musulman. Ce commandement de la Sunna « Aimer pour son frère ce qu’on aime pour soi-même » ne s’entend que pour un frère musulman. L’humanisme en tant que doctrine qui place l’individu au-dessus de tout sans distinction de race ou de religion, n’est pas entendu en Islam. Cette négation est au cœur du différend idéologique et culturel.
A la fin du Moyen-Age les foyers intellectuels avaient préparé le monde chrétien de la Renaissance avec une conception de la raison et de la foi compatible avec l’humanisme moderne, qui est resté étranger au monde arabe au point qu’il en ignore le sens. Cette langue dans laquelle Dieu aurait parlé à Mahomet (4), n’a pas traduit le mot humanisme, rapporte l'humaniste Mohamed Arkoun (Adab ne désigne que la connaissance littéraire).
Les intellectuels et scientifiques musulmans d'Afrique du Nord vivront des heures noires avec leurs religieux qui feront appellent aux ottomans pour les chasser des médersas accolées aux mosquées où ils étudiaient surveillés. Le développement du monde islamique restera affecté par sa volonté d’asservir la raison à la foi. Des intellectuels intrépides attribuent à sa tutelle religieuse le sous-développement du monde islamique.
Pays islamiques
L’Islam est à considérer aussi avec les régimes politiques qu’il impose à ses territoires. De ses hadiths dépendent des règles et des pratiques sans usages équivalents en Occident. La charia et ses principes de vie émanant de Dieu, peuvent être imposés par les partis religieux intolérants jusqu’à l’exclusion des autres religions comme en Afghanistan, au Pakistan, en Arabie Saoudite, au Kosovo, en Bosnie… Elles sont des contrepouvoirs politiques exorbitants, en leur nom des imams utilisent des fatwas (condamnations religieuses) sans frontières. Des pratiques intolérables partout ailleurs dans le monde.
L’index Mondial de Persécution des Chrétiens 2020 constate que « …260 millions de chrétiens sont fortement persécutés dans le monde avec une violence contre les croyants et leurs églises … 9 500 attaques contre des lieux de culte et des institutions religieuses … ».
L’islamophobie en Occident n’est en réalité pas religieuse mais culturelle et se développe en réaction à des agressions inutiles de rappeler. Une opposition des civilisations ravivée malgré une mansuétude chrétienne sincère longtemps, qu’illustre un symbole sans réciproque ; le Vatican, mecque des chrétiens, est au cœur de Rome qui a offert aux musulmans un terrain pour leur plus grande mosquée d'Europe financée par l'islamique Faycal d'Arabie, lequel interdit toute autre religion sur son territoire.
Sans prosélytisme Madame Merkel a rappelé la primauté de la culture européenne et s’appuie sur des racines chrétiennes entendues pour leurs dimensions culturelles ; « Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n'accepte pas cela n'a pas sa place ici ». Il n’y a pas de prosélytisme ici, prioriser une culture revient à soumettre les autres à ses principes pour éviter les confrontations communautaristes, conséquences possibles d’une suite ininterrompue d’indécisions de nos dirigeants.
L’alchimie qui a finalement réussi avec le mélange des peuples et des races un peu partout dans le monde au fil des siècles, ne fonctionne toujours pas avec les religions entre elles. L’islam se heurte autant avec les démocraties laïques que les autres régimes aux influences religieuses marquées ; Inde, Birmanie, Israël, Chine, Chypre, Sri Lanka... Cette différence culturelle exacerbée se conclut par un multiculturalisme impossible qui sépare davantage les communautés que leurs fois.
Ailleurs.
Les responsables politiques musulmans « occidentalisés » prennent soin de brasser leurs décisions avec les exigences religieuses, ils anticipent une règle en terre islamique ; les élections libres conduisent immanquablement à préférer les mouvements politiques religieux (Algérie, Egypte, Iran, Pakistan Iran …). Le roi du Maroc, chef d'État commandeur des croyants, puise sa légitimité à la même source que les califes historiques, comme les chefs de l’état islamique autoproclamés aussi commandeur des croyants.
Ainsi, l’expression religieuse indissociable du pouvoir, domine le monde islamique depuis quatorze siècles sans qu’aucune révolution laïque ni courant intellectuel fondamental d’opposition aux prérogatives religieuses ne remettent en cause ce canon politique ; « Dieu est partout et doit commander tout » dans la vie privée et publique, en Occident aussi.
L’expérience du Président Macron contraint par sa laïcité est éloquente. Comme ses prédécesseurs, il a bien condamné le communautarisme en France et rencontré les responsables musulmans pour leur dire « sa volonté de faire avancer la réforme de l’islam ». Les musulmans lui ont répondu avec T. Oubrou, D. Boubakeur (cf plus haut) et dans la rue avec leur manifestation contre l’islamophobie, expression d’un communautarisme qui voulait dire le contraire ; « nous voulons vivre selon les préceptes islamiques et nos modes de vie même s’ils sont contraires aux institutions nationales et aux mœurs autochtones ».
En Belgique, le parti politique « ISLAM » a invité le roi Albert II à se convertir à l'islam. Avec cette arrogance, ces musulmans recherchent davantage la capitulation de leurs hôtes qu'un épanouissement partagé en Occident.
(1). Ses connaissances et ses inventions seront rejetées comme l’imprimerie pour ce motif, qui attendra trois cent cinquante ans avant sa première introduction par un français dans le monde islamique, en Egypte. Le poète irakien Al-Maghut a prononcé une diatribe violente contre un Islam archaïque.
(2) Durant le IXe s. la Maison de la sagesse des arabes de Bagdad contribuera à sauver avec les traductions des chrétiens, l’héritage intellectuel et scientifique des grecs qu’on retrouvera jusqu’en Al-Andalus. Toutes les connaissances des territoires musulmans (Grèce, Perse, Inde…) était concernés par cette appétence des califes de Bagdad dont ils s’enrichiront. Cette période magnifique des curiosités arabes et des discussions nécessaires à son effervescence avec les disputations, fut interrompue par la conclusion irrévocable d’un Coran incréé plutôt que créé, donc indiscutable.
A Cordoue, Abdel Rahman II enverra à Bagdad un grand savant pour acheter des livres ou recopier les ouvrages traduits du grec ou du persan. Cordoue égalait Bagdad qui aurait disposé de 400000 volumes. Les religieux verront d'un mauvais œil le relâchement des Omeyades comme les libertés des laïcs. Ils demanderont plus de foi et moins de raison, plus de piété et moins de libertés.
(3) Des traductions du grec en latin par les romains avaient déjà révélé Aristote en Europe avec Jacques de Venise (fin Ve s.) qui traduisait les textes grecs en latin. Des centres intellectuels avaient connaissance des textes grecs comme l’abbaye du Mont Saint-Michel qui diffusera avec ses manuscrits anciens en latin, des œuvres d’Aristote (cf. Aristote au Mont Saint-Michel). Albert le Grand découvre à Paris les textes grecs et Aristote commenté par Averroès en 1240, qu'il complètera. Précurseur, il contribuera avec son disciple Thomas d’Aquin conseiller des Papes, au rapprochement de la foi et de la raison
Saint Augustin contemporain de Jacques de Venise vivait en Afrique proconsulaire (territoire romain de l’Afrique du nord christianisée) et considérait que ceux qui avaient assimilé l’enseignement de Platon étaient supérieurs à tous les autres philosophes païens.
La fin de l’empire romain et les invasions barbares auront pour conséquences des bouleversements qui ensommeilleront la philosophie et les connaissances grecques en Europe pendant sept siècles. Elles seront presque oubliées.
(4) A propos de la langue arabe et du Coran. L’islamologue historien Amir-Moezzi distingue le vocabulaire des chrétiens syriaques et des juifs hébreux du Coran adopté par la langue arabe avec sa diffusion. D’après le théologien imam Al-Chafii (VIIIe s.), "La langue qu’Allah a choisie est la langue arabe. Il a fait descendre son précieux livre (le Coran) en arabe…", en syriaque (Coran livre sacré, Zakat aumône, sourate chapitre, salat prière, aya verset…) et en hébreux (Hajj pèlerinage…). Rien d’étonnant à cela. Le Coran s'inscrit dans la tradition biblique judéo-chrétienne et mentionne la christologie avec Jésus messie, verbe de Dieu et esprit de Dieu. Amir-Moezzi a dit du quatrième calife Ali qu’il se proclamera messie et être Jésus.
Des convergences qui auraient pu rapprocher les religions.
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