L’Europe se taille un nouvel empire sans le dire
Notre nouvelle Union Européenne ressuscite le modèle des empires avec leurs gouvernances centralisées qui dominaient des peuples réunis avec ou sans leurs consentements. Elle élargit ses frontières par absorption de nouveaux territoires sans guerroyer comme « l’Universelle Aragne » (Louis XI) avec ses indicibles (re)conquêtes, au nom de perspectives de vie meilleures espérées par les populations candidates. En contrepartie leurs pays s’inféodent à ce nouveau pouvoir en lui concédant des droits régaliens.
Aujourd’hui la marche s’accélère avec l’intention de refonte des traités européens actuels qui produirait un État européen unique avec un Président de l’Union, et la suppression du vote à l’unanimité par les représentants des nations au sein du Conseil européen pour toutes les prises de décision ; budgétaire, politique étrangère, défense, sécurité. L’unanimité serait remplacée par un vote à la majorité simple ou qualifiée. Un Sénat romain bruxellois qui déciderait pour une Europe impérialisée avec quel avenir ? « To big to fail » ne vaut pas pour les empires qui ont tous toujours disparu quand les nations leur survivaient. Alors quelles nécessités poussent notre Europe à devenir impériale, d’autant que parmi les nuages qui ont précédé la fin des empires certains ressurgissent ?
Aucun pays européen ne pouvant prétendre se mesurer aux nouveaux géants commerciaux, culturels et militaires, instaurer un pendant européen s’imposerait donc. Pour cela rassembler un ensemble patchwork sur le modèle d’un empire est simple et rapide, quand faire nation ce qui ne se décrète pas demanderait des siècles. Les empires se sont succédés chacun avec sa recette. Avec la même finalité la nouvelle Europe impériale s’invente avec une contrainte ; l’économie financière.
Le passé ne donne pas de leçon mais l’observer nous renseigne étonnamment avec des bouleversements et des négligences qui se répètent.
Voyons. L’Europe lorgnerait-elle vers l’expansionnisme de l’Empire romain et ses extraordinaires réussites ?
Ses guerres de conquêtes permanentes pourvoyaient à ses nécessités économiques pour maintenir un niveau de vie élevé et entretenir ses frontières plus tard. A des fins politiques, il ajoutera à sa puissance un ciment international qui éliminera un motif permanent de fractures ; une religion unique partout. Ainsi l’Empire d’Orient grec durera plus de mille ans, alors que celui plus ancien de l’Occident latin moitié moins avec l’arrivée de ses populations exogènes et leur dogme différent.
Les empires et leurs religions dominantes réussiront jusqu’à ce qu’ils ne deviennent trop grands.
Ebloui par le prodige romain Charlemagne voudra ressusciter le modèle romain et chrétien de Saint-Augustin. Comme Clovis qui avait envoyé ses ambassadeurs à Constantinople pour obtenir la distinction de Consul, il ira chercher la reconnaissance de son pouvoir séculier auprès de l’empereur romain d’Orient avec une couronne royale, et l’autre spirituelle avec la couronne impériale du Pape à Rome. Napoléon lui rendra hommage à Aix-la-Chapelle, et Hitler exaltera l’impérialisme romain avec son Reich.
Un ersatz survivra à l’empire carolingien jusqu’au début du XIXe siècle, le Saint Empire Romain Germanique disparate et sa monarchie élective, un clin d'œil au conseil de l'Europe. Une période de son histoire nous intéresse pour notre nouvelle Europe impériale qui se construit aussi sur une mosaïque de nations. Sept princes-électeurs à la tête de territoires distincts et puissants choisiront leur empereur contre rétribution pour former un empire contre fortune. Bruxelles et son catalogue de promesses attirent les impétrants qui font la queue.
Quel avenir pour cet empire trop grand, mal né ?
Charles Quint achètera mieux son titre d’empereur que François Ier. Liées au nouveau pouvoir impérial centralisé comme nos pays européens, les principautés conservaient une certaine indépendance, l’idée de nation qui n’existera pas ici facilitera ces marchandages.
Sept princes-électeurs dont trois archevêques
Charles Quint laissera exploser l'unité religieuse millénaire de ses territoires germaniques (1), avec le développement du protestantisme aux conséquences dramatiques. Si une religion ne vaut pas mieux qu’une autre et qu’une seule ne garantit pas l’unité, leurs coexistences produit des communautarismes qui la minent, des obstacles à la vie en Nation. (2)
Trop grand pour conserver l’unité de ce capharnaüm de centaines d’entités politiques masquées derrière les princes-électeurs, l’empire trouvera sur fond de déchirures religieuses motif au conflit le plus grave de tous les temps jusqu’alors, avec la guerre de Trente ans et son désastre humain, des territoires perdront la moitié de leur population.
Un empire ne garantit pas la paix.
Guerre de Trente ans. 8 millions de morts.
Et aujourd’hui.
Oublieuse des tumultes de son histoire, l’Europe nouvelle a donc remplacé le glaive et la foi par une autre religion, l’économie financière.
La force de l'Union européenne est financière, pas besoin d'armée pour contraindre les pays à faire allégeance à Bruxelles. L'euro lie les pays endettés qui se tiennent par la barbichette malgré la transformation des mécanismes de solidarité depuis le séisme financier grec et ses répliques fatales redoutées par l’Europe entière. Les pays sous perfusion en euro ne peuvent plus quitter l'Europe, et ceux qui voudraient se dispenser du remboursement de leurs dettes provoqueraient une méfiance généralisée et l’envolée de leurs taux d'intérêt. Les prêts en papier euro n'ayant plus d'équivalent or, seule l'Europe "constituée" rassure et évite l'envolée des taux et pour le moment, la banqueroute des pays euros dépendants.
Avec sa profession de foi, Jacques Delors voulait doper la croissance européenne avec une concurrence et des gains de productivité. Il en attendait un dialogue social et une redistribution des richesses par Bruxelles vers les pays les plus pauvres. Un vœu pieux qui négligera les conséquences que portait en elle sa contradictoire « fédération d’Etats-Nations », un modèle allemand, belge, suisse qui ne conviendra pas forcément à tous. La confédération de territoires allemands deviendra le 1er Reich, un empire résultant de l’ambition d’un royaume, puis une république fédérale qui ne passera pas par la case Nation. Les velléités indépendantistes bavaroises le rappellent depuis 1946. Des nostalgiques de l’empire Austro-Hongrois des Habsbourg et sa monarchie absolue devenue parlementaire proposent encore ce modèle.
L’abandon des prérogatives propres aux Etats-Nations fragilise l’Europe d’aujourd’hui avec ceux qui contestent (populistes, nationalistes...) une supranationalité de Bruxelles indispensable à la centralisation du pouvoir. Le dialogue social absent des diktats du Conseil de l’Europe est sous-traité aux pays adhérents qui s’en débrouillent, une faille devenue fracture. Le pouvoir centralisé s’impose d’en ignorer les causes comme celles juridiques, religieuses… une cour des droits de l’homme (CEDH) gère les droits mais pas les conséquences. Un principe qui ne marche pas avec des communautés culturellement insoumises aux institutions. Les anglais sont aujourd’hui contraints de tolérer des tribunaux islamiques pour l’application de lois aux communautés.
Pourtant la sincérité de l’engagement de Jacques Delors avec sa sensibilité chrétienne-démocrate respectable pour cette œuvre immense n’est pas à mettre en doute. Il n’avait pas imaginé que les états seraient assujettis par leurs dettes que Bruxelles pilote. Que pèsent les identités nationales face à la dette ? Leur destruction est une nécessité pour le modèle multiculturel de la nouvelle Europe impériale qui oublie que même les empires ne durent qu’avec l’adhésion des populations. Les élections européennes n’attirent pas les foules qui sont appelées à voter pour des représentants dont les professions de foi seront diluées par les alliances de leurs députés avec ceux d’autres partis sans lesquels ils n’existeront pas.
Le mode d'élection légitime aux yeux du peuple les pouvoirs confiés à ses représentants.
Les élections européennes seront un marché de dupes tant que les alliances et leurs programmes ne s’afficheront pas avant les élections, une chimère pourtant indispensable. L’Europe impériale et son économie financière pour seule perspective néglige une nécessaire transcendance sans laquelle l’union des peuples multiculturalisés ne sera qu’administrative.
Son avenir se construit en agrégeant des pays dont les identités nationales doivent être aujourd’hui gravement subrogées à celle de la nouvelle Europe sans âme. Comment l’identité tchèque qui s’est relevée après presque mille ans de domination pourrait l’accepter ?
Pour Jean-Pierre Chevènement « L’Europe des nations est la seule qui peut renouer avec les peuples ».
Vouloir effacer ses racines romaines, chrétiennes et grecques pour faire place à d’autres immiscibles est un danger, " La religion est une affaire d’Etat" Et la laïcité ? - L'apostilleur (over-blog.com)
L’acculturation des peuples, condition sine qua non de son dessein bureaucratique, est un obstacle à une Europe fusionnelle, un destin qui lui échappe depuis 2000 ans.
Il y a huit siècles à Bouvine, l’idée de nation germais chez ceux qui avaient ressenti leur appartenance à la France, des milices civiles volontaires s’étaient formées pour la défendre contre les ennemis mercenaires plus nombreux qu’elle vaincra.
Quelle motivation trouvera un maltais, un corse, un portugais… à venir défendre demain les frontières des pays baltes, ou à financer l’entrée des turcs à Bruxelles après leurs deux tentatives à Vienne ?
Comment l’Europe compte-elle créer un sentiment d'appartenance à un groupe européen avec lequel on s'identifiera plus ou moins consciemment et pour lequel on constatera un attachement non calculé. Une empathie qui nous liera et qui s'inscrira dans une hiérarchie d’affects ; la famille, les amis, la région, le pays, l'ethnie, l'appartenance politique, religieuse... Des liens qui réveilleront un besoin d'assistance en cas d'agression du nouvel empire européen. Ce qu’Ibn Khaldoun appelait au XIVe siècle l’effet de corps, indispensable avec la force et l’argent à la création des empires.
Celles des territoires conquis par Rome voulaient aussi accéder aux avantages que l’Empire accordait après une citoyenneté possible mais à mériter, témoignage d’une allégeance désirée et d’une appartenance sans condition. Dans le même temps, la société romaine d’Occident se rabougrissait sous l’effet de son opulence, elle avait enclenché un processus mortifère de dépopulation. Une arrivée massive de barbares produira un long hiver civilisationnel.
Après plusieurs siècles un renouveau impérial germera avec Charlemagne pendant un temps.
Les mêmes causes se répèteront ailleurs avec les mêmes conséquences. Des cités arabes andalouses (taïfas) incapables de faire face à leurs besoins pour leurs luttes hégémoniques utiliseront des mercenaires chrétiens qui se retourneront contre elles. L’augmentation des impôts contribuera à la fin du califat de Cordoue.
...
Pour quelques-uns, l’idée d’une Europe avec la Turquie islamique traîne toujours, le signe d’une déconstruction culturelle aux antipodes d’un projet durable que la Nomination pour l’Europe d’un « défenseur des valeurs romaines, chrétiennes et grecques » - L'apostilleur (over-blog.com) avait pourtant défendu. Une idée qui a fait son chemin ailleurs qu’on verra dans une suite.
Zeus convoitait Europe, femme d'une grande beauté.
(1) Charles Quint n’avait pas une grande considération pour les territoires germaniques. Il aurait dit : « Quand je parle à Dieu je parle en Espagnol, quand je parle aux femmes je parle en italien, quand je parle aux hommes je parle en français (sa langue natale) et quand je parle à mon cheval je parle en allemand »
(2) L'identité musulmane des turcs décidera le génocide des chrétiens arméniens et l'expulsion des kurdes musulmans.
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON