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#80 des Tendances

La dictée

 

Je vois rouge.

 

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Je m'en souviens encore comme si c'était hier et du reste, rien n'a vraiment changé en dépit des apparences et d'une expérience acquise qui s'effondre à la première inattention ou au premier coup de fatigue. La dictée fut et restera le pire des souvenirs de l'école et marquera à jamais mon rapport à la rectitude de l'écriture.

Autant j'ai toujours aimé écrire, jouer avec les mots et les situations, inventer des histoires ou provoquer des télescopages sémantiques, autant ceci ne s'est jamais passé sans encombre. Une fois que la plume ou les doigts sur le clavier se mettent en branle, surgissent alors les vieux démons qui me font totalement perdre de vue les règles et les usages, la calligraphie du mot ou ses différents habits trompeurs.

Tout a commencé par une année de CP menée par une jeune maîtresse qui devait débuter dans l'art complexe de la maîtrise de la lecture. Des semaines durant nous en restâmes à ce nid qui accueillait une pie. Je revois encore l'illustration tout comme l'incapacité de la bonne dame à laisser éclore notre soif d'apprentissage. Elle ajoutait à sa difficulté la curieuse manie de nous mettre sous son bureau quand nous étions en échec, ce qui favorisa sans doute bien des travers…

Faire des fautes devint une habitude, un rituel doublé au fil de ma scolarité de cette note d’infamie qui accompagna toutes mes dictées. J'avais beau remplir jusqu'à plus soif des lignes évoquant que « Toujours s'écrit toujours avec un s », celui-ci tombait du nid lors de la composition suivante tout comme ce retour que pour une raison qui m'échappe, j'habillais toujours d'un d final.

Pour ma plus grande confusion, les verbes non contents de se conjuguer de manière totalement fantaisiste et encore aujourd'hui, s'émancipaient totalement de toutes ces maudites règles d'accord que pourtant je maîtrisais si on en croit les notes dont j'héritais dans les bienveillantes questions de dictée qui me permettaient de sauver la face.

J'avais beau connaître les codes, à l'écrit ils se dérobaient à moi, me poussant à écrire des horreurs qu'aucune relecture ne sortait du bois. Ma copie me revenait alors surchargée de rouge tandis que la même couleur au front, je découvrais ce zéro qui ne provoquait jamais la surprise de mes éducateurs. Ce fut au point que je devins un des premiers clients des Centre Médicaux Psychopédagogiques alors qu'il se situait à quarante kilomètres de chez moi.

J'ai même eu droit à des cours particuliers avec la sœur d'un camarade qui suivait des cours à la fac de lettres. Tous ces efforts et ces dépenses n'améliorèrent jamais le résultat final qui demeura toute ma scolarité d'une étonnante régularité. Je dois cependant à la vérité d'avouer à ma grande honte, qu'une fois, une fois seulement, j'ai dérogé à ma pratique en héritant d'un 0,5 dont je ne sais toujours pas s'il fut ironique ou sympathique.

Aujourd'hui, on me qualifierait d’un terme pompeux que je ne peux toujours pas écrire sans le recours au correcteur orthographique : dysorthographique et dyslexique. J'ai grandi sans connaître ces termes qui auraient sans nul doute mis un cautère sur mes notes en bois. Pour pousser le bouchon plus loin encore dans ce mal profond, je me fis Instituteur Spécialisé, sans doute pour tendre la main aux gamins dans mon cas.

Fort heureusement, je n'avais alors pas les parents sur le dos, car il est vraisemblable que mes annotations fussent parfois entachées de quelques horreurs académiques tandis que mes corrections laissaient la place à une relative incertitude ce qui n'empêcha jamais mes élèves d'écrire de fort belles choses pourvu qu'on n'y regardât pas de trop près.

Comprenez bien, qu'au terme de cet aveu, on puisse me demander de participer à une dictée, fusse pour le Téléthon, est au-dessus de mes forces. Cette demande a réveillé mes vieux démons et j'ai souhaité les exorciser devant vous.

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38 réactions à cet article    


  • Gégène Gégène 30 novembre 2024 15:24

    Passer sous la table de la maîtresse, de quoi se retrouver addicté . . .


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2024 18:58

      @Gégène

      Vous comprenez maintenant mes troubles langagiers

      La maîtresse était en jupe


    • Gégène Gégène 1er décembre 2024 08:43

      @C’est Nabum

      C’est sûr, en jupe, ça fait débat !


    • juluch juluch 30 novembre 2024 16:04

      Moi j ai eu les cours de maths....ça a rien donné de probant !!! smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2024 18:59

        @juluch

        Ce fut un mauvais calcul


      • LeMerou 30 novembre 2024 16:28

         smiley Du vécu tout ça, j’vous l’dis, du vécu...

        Merci, car l’espace d’un instant il y a eu une résurgence mémorielle que je pensais parfaitement cachée.


        • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2024 18:59

          @LeMerou

          Cachée sous le bureau


        • Jean 30 novembre 2024 17:07

          "Elle ajoutait à sa difficulté la curieuse manie de nous mettre sous son bureau quand nous étions en échec, ce qui favorisa sans doute bien des travers…"

          arf ! surtout qu’à cette époque les maitresses portaient des bas avec jarretière.


          • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2024 18:59

            @Jean

            Auriez-vous subi la même punition ?


          • Jason Jason 30 novembre 2024 19:08

            Bonjour,

            Merci de cette confession, vous n’êtes pas le seul.


            • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2024 20:12

              @Jason

              Je l’espère bien

              Cancre certes mais en partageant un petit coin de l’écurie avec mes semblables


            • ricoxy ricoxy 1er décembre 2024 09:25

               

              J’avoue, avec quelque gêne, que je n’aime pas trop les « fauteurs d’orthographe ». Il y a des règles (des « codes », comme on dit maintenant), il faut les respecter, sinon c’est le chaos écrit..

               

              Exemple de fauteur d’orthographe, pêché dans un commentaire internet : « Déjà que faire brulé une buche en chêne couper il y a 5 ans ne ce fait pas facilement , alors de plusieurs siècles c’est pratiquement impossible sans une préparation en aval vue la vitesse de propagation du feux. », etc.

               

              Alors, pourquoi pas l’écriture faux-nez tique ?

               


              • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 09:30

                @ricoxy

                Il n’est pas question de remettre en cause le code et les usages mais simplement d’inciter à la mansuétude vis à vis de ceux qui ne les maîtrisent pas et néanmoins souhaitent s’exprimer.
                Longtemps mes chers professeurs m’ont recommander d’écrire ...

                Avaient-ils raison ?


              • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 09:30

                @C’est Nabum

                De ne pas écrire
                Pardon


              • Gégène Gégène 1er décembre 2024 09:56

                @C’est Nabum

                « m’ont recommander » ?!?
                Foutredieu !!!


              • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 10:51

                @Gégène

                Pour vous prouver ma dysorthographie

                Parfois elle revient au galop

                et ceux qui me font remarque sont censeurs impitoyables


              • cevennevive cevennevive 1er décembre 2024 10:35

                Bonjour C’est Nabum,

                En lisant votre texte, je repense à Marcel Pagnol !

                « Les moutonsssssss » disait l’instituteur...

                J’avais une institutrice qui, se penchant sur notre épaule en dictant ses textes, tirait doucement une mèche de nos cheveux lorsqu’elle voyait une faute ! Une façon sympathique de nous inculquer l’orthographe. Pour moi, elle y a réussi parfaitement !

                La même d’ailleurs, portait des jupes bien sûr, et le bureau n’ayant pas de fond, on voyait la couleur de sa culotte !

                Je suis une fille, mais j’aimais bien...

                Pour l’orthographe, nous avons perdu toute mesure !

                J’ai de vieilles lettres de mes ancêtres, ou des écrits sur leur bibles où elles ont inscrit des remarques. Peu de fautes ! Très peu !

                Et je me fais cette remarque : heureusement que les commentaires sur les réseaux sociaux meurent très vite, car, souvent, ils me blessent tellement ils sont émaillés de fautes !


                • cevennevive cevennevive 1er décembre 2024 10:46

                  « leur bible » bien sûr !

                  Voilà qui illustre l’une de vos remarques, je me laisse entrainer par mes pensée :

                  « Une fois que la plume ou les doigts sur le clavier se mettent en branle »

                  A ce propos, rappelez-vous la chanson passée des milliers de fois dans les radios : « mes bien chers frères, mes bien chères soeurs, reprener avec nous tous en coeur... » que personne n’a relevé à l’époque !

                  Quant au oe liés de soeur ou de coeur, mon clavier ignore superbement !!!


                • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 10:55

                  @cevennevive

                  J’ai lu à haute voix le texte de notre dictée du téléthon et l’organisatrice m’a fait reproche de lire à la Pagnol, de donner une chance aux rédacteurs de déjouer les pièges.
                  On ne se refait pas et j’ai découvert alors que le but de ces dictées était justement d"égarer le candidat, de le tromper et ceci m’a fortement déplu.


                • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 10:56

                  @cevennevive

                  Votre clavier manque de cœur à moins qu’il se refuse à chanter en chœur


                • cevennevive cevennevive 1er décembre 2024 11:06

                  C’est Nabum,

                  C’est un clavier américain, c’est normal, voyons !

                  Il va me falloir en changer...


                • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 11:40

                  @cevennevive

                  On ne peut rien attendre de bon de ce qui nous vient de là


                • Gollum Gollum 1er décembre 2024 12:46

                  @C’est Nabum

                  Et ta sœur ? smiley


                • Gollum Gollum 1er décembre 2024 12:47

                  Elle bat le bœur ? smiley 


                • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2024 17:32

                  @Gollum

                  Elle chante en chœur


                • ricoxy ricoxy 2 décembre 2024 08:19

                   

                  L’écriture électronique est le meilleur moyen de commettre des fautes. En écrivant « à la main », on a le temps de former les lettres et de se rendre compte des erreurs. Le clavier, c’est la mort de l’écriture.

                   

                  (écrit sur clavier d’ordina tueur)

                   


                  • C'est Nabum C’est Nabum 2 décembre 2024 08:22

                    @ricoxy

                    Écrire à la main.

                    Plaisir suranné.



                    Le clavier nous prive de ce plaisir rare désormais d’écrire à la main ; cette capacité réservée à ceux qui ont reçu le privilège de disposer d’une belle écriture : élégante et déchiffrable. Je sais hélas que d’autres ont vécu un enfer supportant une incapacité d’apprivoiser cette méchante plume, de suivre les lignes et les mystérieuses interlignes ou pire encore, de garder la ligne droite sur un papier blanc.


                    Du temps de la plume sergent major, puis avec les stylos plume qui ne donnèrent jamais satisfaction en tirant à blanc avec des cartouches récalcitrantes, le stylet se faisait un devoir de baver ou de tacher à qui mieux mieux, la feuille souvent perforée ou bien les doigts à moins que ce ne fut les deux à la fois.


                    Le stylo bille fut une révolution qui apporta un peu de confort et de facilité d’emploi sans jamais parvenir à faire le plein de belles graphies en vous déliant de l’obligation de réussir vos majuscules. Il bavait lui aussi quand la qualité n’était pas au rendez-vous, la pointe trop épaisse et l’encre incertaine, ce qui nous rendait amer.


                    Puis il nous en fit voir de toutes les couleurs. Une facilité théorique pour qui devait se corriger ou effectuer une analyse grammaticale. Le sujet s’offrant le vert, le verbe passant au rouge et les compléments broyaient du noir. L’inconvénient résidait dans le diamètre du corps de cet objet qui rendait moins fluide le mouvement de la main.


                    À titre personnel, le noir eut toujours ma préférence. La sobriété de ce choix dénotant vis à vis de camarades qui arpentaient leurs copies avec des liquides fluorescents. C’est ce qui, en dépit d’une orthographe maladive, m’incitait à rédiger à la main dès que l’occasion fait de moi un larron : dédicace, livre d’or, lettre ou mot d’excuse.


                    Puis la technologie mit en sommeil ce bonheur de la plume qui virevolte sur la feuille. Il y a une telle sensualité dans ce déplacement de la bille sur le papier que l’esprit coule lui aussi à la poursuite de la main à moins que ce soit l’inverse. Le geste en tout cas est d’une jouissance certaine, alors que les lettres s’inclinent vers la droite, se permettent des fioritures sur les gréements ; ces lettres qui ne se contentent pas de baisser la tête sous la toise.


                    Rien n’égale ce sentiment de complétude lorsque la majuscule se pare de belles boucles, se donne de l’ampleur et de la rondeur. Bien sûr dans mon cas de cancre notoire de rectitude orthographique, se mêle la crainte de commettre la bourde qui me fera passer pour un imbécile notoire. Je triche alors en écrivant un mot pour un autre afin de déjouer les pièges d’une langue qui aime à se faire complexe dans ses règles, exceptions et doublement aléatoires de consonnes.


                    Qu’importe tous ces écueils, le stylo glisse, slalome, se permet des fantaisies. La main impose son rythme à la phrase, y suggère la petite musique de la phrase qui nait sous vos yeux. Le crissement du stylo sur la feuille ajoute à ce moment délicieux. Même si le résultat ne laissera aucune trace, qu’il ne viendra pas alourdir les serveurs et les disques durs et qu’il devra se contenter de finir en boule pour atterrir dans une corbeille, il vous a le temps de sa rédaction donné bien des satisfactions.


                    Si l’envie vous prend d’envoyer un message à la toile, de risquer votre part de notoriété fictive et néanmoins littéraire, il vous sera encore possible de reprendre ce qui est né du mouvement d’une main mise en action par l’avant-bras, le bras et même l’épaule pour vous contenter de le recopier en pianotant de quelques doigts bien timides.


                    C’est ce qui est advenu cette fois-ci encore et franchement le texte qui s’affiche sur l’écran à bien moins belle allure que celui de la feuille, même s’il a été expurgé de quelques fautes à faire bondir un ayatollah du bon usage de la langue. Je jette à regret la matrice, l’original qui n’ira pas garnir mes archives ou une correspondance qui ne se glisse dans aucune enveloppe.


                  • ricoxy ricoxy 2 décembre 2024 09:18

                     

                    Écrire est devenu un plaisir désuet. Le numérique a chassé le naturel. Les écrans et les images ont squatté les cerveaux. Et pourtant, l’écriture est issue des images (cf. les hiéroglyphes égyptiens, les caractères chinois).

                     

                    Quand on se lance dans l’étude du chinois, on nous enseigne que ce ne sont pas seulement les doigts et le poignet qui dessinent les idéogrammes au pinceau ; mais c’est le tout le bras qui prend part au dessin des caractères chinois. Finalement, le corps entier participe à la création.

                     

                    « À titre personnel, le noir eut toujours ma préférence » On dit bien : écriire noir sur blanc. C’est le meilleur contraste. C’est pourquoi je suis agacé des titres et des commentaires sur les écrans de télévision, souvent en lettres blanches sur fond clait (×), ce qui rend difficile la lecture.

                     

                    (×) regardez par exemple les cartes météo à la télé : chiffres des températures blancs sur fond jaune clair ou bleu clair. Lecture difficile sinon impossible.

                     


                    • C'est Nabum C’est Nabum 2 décembre 2024 10:26

                      @ricoxy

                      Chassez le naturel, revient la dactylo !


                    • ricoxy ricoxy 2 décembre 2024 11:30

                       
                      @C’est Nabum
                       
                      la dactylo... ou le dac stylo (jeu de mots tiré par les chevaux).
                       


                    • C'est Nabum C’est Nabum 2 décembre 2024 11:36

                      @ricoxy

                      Les jeux de mots passeront-ils l’épreuve de l’intelligence superficielle ?


                    • ricoxy ricoxy 2 décembre 2024 14:52

                       
                      @C’est Nabum
                       
                      D’abord, « intelligence artificielle » sont deux mots antinomiques. Ensuite, « intelligence artificielle » sont deux termes de sens contraire. Enfin, « intelligence artificielle » sont deux vocables de sens opposé.
                       
                      La réponse à votre question est donc NON.
                       


                    • zorbeck 2 décembre 2024 13:29

                      Cet article, remarquablement écrit, est pour le moins paradoxal de la part de qqn qui s’est vu labellisé « dysorthographique et dyslexique »...

                      Paradoxal, mais aussi encourageant car la maitrise de l’orthographe est aussi la maitrise du sens, ce que montre ce très beau texte sans le dire.

                      Bravo.


                      • C'est Nabum C’est Nabum 2 décembre 2024 18:24

                        @zorbeck

                        Merci

                        Si vous saviez combien j’ai du batailler pour cesser de faire des fautes par dizaines pour n’en laisser que quelques-unes de temps à autre.


                      • babelouest babelouest 4 décembre 2024 08:37

                        Troun de l’air ! Moi qui, au collège, collectionnais les 20/20 chaque semaine !

                        .

                        En seconde (j’étais dans le privé) on m’avait même fait concourir en fin d’année au concours général des universités catholiques de l’ouest : j’avais fini 19e sur 300.

                        Apparemment, ça ne fait pas tout !

                        (sur ce, Nabum, ça fait un bail que je n’étais venu ici !) Trop occupé à hanter les Moutons Enragés, sacrées bestioles !

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