• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

#26 des Tendances

La dictée

 

Je vois rouge.

 

JPEG

Je m'en souviens encore comme si c'était hier et du reste, rien n'a vraiment changé en dépit des apparences et d'une expérience acquise qui s'effondre à la première inattention ou au premier coup de fatigue. La dictée fut et restera le pire des souvenirs de l'école et marquera à jamais mon rapport à la rectitude de l'écriture.

Autant j'ai toujours aimé écrire, jouer avec les mots et les situations, inventer des histoires ou provoquer des télescopages sémantiques, autant ceci ne s'est jamais passé sans encombre. Une fois que la plume ou les doigts sur le clavier se mettent en branle, surgissent alors les vieux démons qui me font totalement perdre de vue les règles et les usages, la calligraphie du mot ou ses différents habits trompeurs.

Tout a commencé par une année de CP menée par une jeune maîtresse qui devait débuter dans l'art complexe de la maîtrise de la lecture. Des semaines durant nous en restâmes à ce nid qui accueillait une pie. Je revois encore l'illustration tout comme l'incapacité de la bonne dame à laisser éclore notre soif d'apprentissage. Elle ajoutait à sa difficulté la curieuse manie de nous mettre sous son bureau quand nous étions en échec, ce qui favorisa sans doute bien des travers…

Faire des fautes devint une habitude, un rituel doublé au fil de ma scolarité de cette note d’infamie qui accompagna toutes mes dictées. J'avais beau remplir jusqu'à plus soif des lignes évoquant que « Toujours s'écrit toujours avec un s », celui-ci tombait du nid lors de la composition suivante tout comme ce retour que pour une raison qui m'échappe, j'habillais toujours d'un d final.

Pour ma plus grande confusion, les verbes non contents de se conjuguer de manière totalement fantaisiste et encore aujourd'hui, s'émancipaient totalement de toutes ces maudites règles d'accord que pourtant je maîtrisais si on en croit les notes dont j'héritais dans les bienveillantes questions de dictée qui me permettaient de sauver la face.

J'avais beau connaître les codes, à l'écrit ils se dérobaient à moi, me poussant à écrire des horreurs qu'aucune relecture ne sortait du bois. Ma copie me revenait alors surchargée de rouge tandis que la même couleur au front, je découvrais ce zéro qui ne provoquait jamais la surprise de mes éducateurs. Ce fut au point que je devins un des premiers clients des Centre Médicaux Psychopédagogiques alors qu'il se situait à quarante kilomètres de chez moi.

J'ai même eu droit à des cours particuliers avec la sœur d'un camarade qui suivait des cours à la fac de lettres. Tous ces efforts et ces dépenses n'améliorèrent jamais le résultat final qui demeura toute ma scolarité d'une étonnante régularité. Je dois cependant à la vérité d'avouer à ma grande honte, qu'une fois, une fois seulement, j'ai dérogé à ma pratique en héritant d'un 0,5 dont je ne sais toujours pas s'il fut ironique ou sympathique.

Aujourd'hui, on me qualifierait d’un terme pompeux que je ne peux toujours pas écrire sans le recours au correcteur orthographique : dysorthographique et dyslexique. J'ai grandi sans connaître ces termes qui auraient sans nul doute mis un cautère sur mes notes en bois. Pour pousser le bouchon plus loin encore dans ce mal profond, je me fis Instituteur Spécialisé, sans doute pour tendre la main aux gamins dans mon cas.

Fort heureusement, je n'avais alors pas les parents sur le dos, car il est vraisemblable que mes annotations fussent parfois entachées de quelques horreurs académiques tandis que mes corrections laissaient la place à une relative incertitude ce qui n'empêcha jamais mes élèves d'écrire de fort belles choses pourvu qu'on n'y regardât pas de trop près.

Comprenez bien, qu'au terme de cet aveu, on puisse me demander de participer à une dictée, fusse pour le Téléthon, est au-dessus de mes forces. Cette demande a réveillé mes vieux démons et j'ai souhaité les exorciser devant vous.

JPEG


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (2 votes)




Réagissez à l'article

10 réactions à cet article    


  • Gégène Gégène 30 novembre 15:24

    Passer sous la table de la maîtresse, de quoi se retrouver addicté . . .


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 18:58

      @Gégène

      Vous comprenez maintenant mes troubles langagiers

      La maîtresse était en jupe


    • juluch juluch 30 novembre 16:04

      Moi j ai eu les cours de maths....ça a rien donné de probant !!! smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 18:59

        @juluch

        Ce fut un mauvais calcul


      • LeMerou 30 novembre 16:28

         smiley Du vécu tout ça, j’vous l’dis, du vécu...

        Merci, car l’espace d’un instant il y a eu une résurgence mémorielle que je pensais parfaitement cachée.


        • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 18:59

          @LeMerou

          Cachée sous le bureau


        • Jean 30 novembre 17:07

          "Elle ajoutait à sa difficulté la curieuse manie de nous mettre sous son bureau quand nous étions en échec, ce qui favorisa sans doute bien des travers…"

          arf ! surtout qu’à cette époque les maitresses portaient des bas avec jarretière.


          • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 18:59

            @Jean

            Auriez-vous subi la même punition ?


          • Jason Jason 30 novembre 19:08

            Bonjour,

            Merci de cette confession, vous n’êtes pas le seul.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité