Les méandres de la route...
"A travers le sous-bois râpeux et desséché, il pouvait voir à chaque détour que les traces de son passage ne s'effaçaient pas dans les méandres de la route en dessous." Dans cet extrait de son roman, Le hussard sur le toit, Giono nous décrit le périple de son héros, Angelo Pardi, jeune colonel de hussards exilé en France.
Angelo, à cheval, suit un chemin poussiéreux de Provence, dans une chaleur étouffante...
Le sentier est sinueux, rude, fait de méandres... Ce terme "méandre" vient curieusement du nom grec d'un fleuve : Μαίανδρος, reputé pour ses détours et sa sinuosité.
Ce fleuve Maiandros était situé au Sud de l'Asie Mineure, dans l'ancienne Phrygie : particulièrement tortueux, ce fleuve a donné naissance à un nom commun, le méandre.
D'ailleurs, le mot lui-même semble dessiner des arabesques, des contours avec sa voyelle nasalisée "an", ses consonnes diverses, labiale, dentale, gutturale.
Le méandre nous fait voir des sinuosités, mot à l'étymologie plus douteuse...
Les méandres du chemin rendent le voyage d'Angelo incertain et périlleux : il chemine, lentement, dans une campagne provençale aride, inondée de lumières.
Ces méandres peuvent, déjà, symboliser toutes les difficultés que va rencontrer le jeune Angelo : une épidémie de choléra qui ravage la terre de Provence, des accusations qui vont mener le héros à se réfugier sur les toits de la ville de Manosque, des rencontres imprévues, des dangers...
Le roman nous entraîne dans les méandres de la vie aventureuse d'Angelo, héros plein de panache et d'humanité : on a envie, dès ces premières pages, de le suivre dans ses prérégrinations, de partager ses aventures.
On a envie de le suivre, de l'accompagner sur les chemins sinueux qu'il emprunte : l'univers d'Angelo nous plaît, nous séduit...
La campagne, dans laquelle il se hasarde, est la terre de Provence somptueuse, irradiée de soleil, aux sentiers tortueux, poussiéreux et caillouteux !
Les méandres de la route peuvent évoquer et suggérer toutes les difficultés de la vie auxquelles sont confrontés les êtres humains, ces méandres, dont l'origine est si ancienne, font partie de la vie de tout un chacun...
Belle métaphore du destin des hommes, le méandre n'est pas de tout repos, mais il représente, aussi, toute la variété de nos vies, faites d'obstacles imprévus, de rencontres inoubliables...
L'extrait :
"Depuis longtemps déjà Angelo montait à travers la forêt de chênes. Il suivait une petite route couverte d'une épaisse couche de poussière où chaque pas du cheval soulevait une fumée qui ne retombait pas. A travers le sous-bois râpeux et desséché il pouvait voir à chaque détour que les traces de son passage ne s'effaçaient pas dans les méandres de la route en dessous. Les arbres n'apportaient aucune fraîcheur. La petite feuille dure des chênes réfléchissait au contraire la chaleur et la lumière. L'ombre de la forêt éblouissait et étouffait. Sur les talus brûlés jusqu'à l'os quelques chardons blancs cliquetaient au passage comme si la terre métallique frémissait à la ronde sous les sabots du cheval. Il n'y avait que ce petit bruit de vertèbre, très craquant malgré le bruit du pas assourdi par la poussière et un silence si total que la présence des grands arbres muets devenait presque irréelle."
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/article-les-meandres-de-la-route-122854051.html
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