Un suppôt de Bacchus...
"Chacun a son défaut où toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie
De quelque exemple.
Un suppôt de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-ci plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir."
C'est ainsi que débute la fable de La Fontaine, intitulée L'ivrogne et sa femme : le poète y dépeint un ivrogne invétéré, incapable de se corriger et d'évoluer vers plus de tempérance.
L'expression "un suppôt de Bacchus" prête à sourire : on connaît les "suppôts de Satan", serviteurs du diable et La Fontaine utilise ici le mot dans un autre contexte, de manière amusante et parodique.
Le mot lui-même "suppôt" grâce à la sifflante initiale, à la labiale redoublée ne suggère -t-il pas une certaine douceur et servilité ?
Ce mot ancien venu du latin "suppositus", "placé en dessous" est, à l'origine, un participe passé, issu d'un verbe "suppono, subordonner, soumettre".
Le participe passé a un sens passif, en français, comme en latin et cette forme correspond bien à la passivité du personnage.
Le "suppôt de Bacchus" se soumet, ainsi, à sa passion pour le vin, se grise de toutes sortes d'alcool, aime se vautrer dans l'ivrognerie.
Le mot a pris très tôt un sens péjoratif et désigne, souvent, un partisan d'une personne nuisible : "un suppôt de tyran, un suppôt du diable"...
Ce terme dont la voyelle "o" est surmontée d'un accent circonflexe semble, ainsi, nous montrer un individu qui se met sous l'autorité d'une autre souvent malfaisante, et malveillante...
Le suppôt n'attire guère la sympathie : son attitude servile ne plaide guère en sa faveur, la façon dont il se soumet au mal le dessert et l'avilit.
On peut imaginer toutes sortes de suppôts : suppôts de la paresse, de l'indifférence, de la bêtise, de l'insulte.
Notre monde regorge de suppôts qui se laissent dominer par des passions et vivent sous l'emprise d'habitudes néfastes.
Le suppôt perd sa propre liberté en se soumettant, ainsi, à différentes passions, il se laisse emporter et submerger par toutes sortes de fureurs et de folies.
Un suppôt vit sous la dépendance, il n'est plus maître de lui-même...
On perçoit dans ce terme toute une expressivité, et l'étymologie nous révèle bien la signification essentielle de ce nom...
Ce mot ancien est, de nos jours, peu utilisé : d'un emploi littéraire, il mérite d'être remis à l'honneur, il montre la servilité humaine, il suggère toutes sortes de passions qui guident l'homme et le conduisent au pire : n'ayant plus de volonté, se soumettant à des envies, l'être humain oublie l'essence même de son humanité...
Les suppôts ont, hélas, encore de beaux jours devant eux : l'être humain ne se laisse-t-il pas dompter par toutes sortes de tentations ?
La fable de La Fontaine L'ivrogne et sa femme
https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/Poemes/jean_de_la_fontaine/livrogne_et_sa_femme
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2015/10/un-suppot-de-bacchus.html
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