A l’ouest, rien que du nouveau ? Petit regard sur la littérature américaine de ce printemps
Dans son remarquable film A Prairie Home Companion, Robert Altman montre la duplicité/multiplicité nécessaire, vitale même, d’une nation dont Baudrillard disait, dans son éblouissant Amérique (Le livre de poche n°4080, 4 euros 50), qu’elle est « l’utopie réalisée » : tandis que dans les loges se négocie la faillite d’une petite chaîne de télévision locale, the show keeps going on the stage, les Johnson Sisters continuent à chanter au micro la douceur de vivre au bord du Mississippi. Splendide.
Sam Savage, l’auteur américain à découvrir en France ce printemps, représente quant à lui l’observateur permanent, celui qui se tient derrière le rideau, fil rouge d’un spectacle dont les actes donnent parfois le tournis, tant ils sont variés. Dans son premier roman Firmin, autobiographie d’un grignoteur de livres (Actes Sud, 18 euros), il pose la question déjà suggérée par Mickey Mouse, John Steinbeck et Ratatouille : et si le rat était le symbole idoine de l’Américain ? Oui, le RAT : curieux de tout, grégaire et individualiste, doué d’une extraordinaire capacité d’adaptation, idéaliste et tenace malgré les claques du réel, voyageur et casanier, souvent nuisible et attachant. Humble aussi, face au temps qui passe, au Ciel et au regard des hommes. Et quand, de surcroît, ledit rat est compulsivement amoureux de littérature – TOUTE la littérature – comme c’est le cas de Firmin, alors le tableau est complet. Car, n’en déplaise aux imbéciles franchouillards, l’Américain est un grand lecteur, et la bibliothèque du Congrès à Washington est la plus grande du monde.
En parallèle de cette rat-titude poétique et complexe, Leslie Larson nous ouvre, toujours dans les coulisses de l’Amérique obamienne, des placards nettement moins propices à la spéculation métaphysique (quoique...). Connexions (10-18 éditions, 14 euros) est en effet une chronique supplémentaire de l’Amérique des rat-és (dans un genre un peu différent, à lire aussi, Pas de pitié pour Martin, Grasset, 11 euros). On y découvre que la crise ne date pas d’hier, que l’Amérique des traders et des banlieues résidentielles de la Sun Belt, enrichies et encastelées, a toujours été la partie plus ou moins émergée de la grande aventure états-uniennes, laquelle traîne – et traite – comme des chiots sales ses futurs riches.
De sorte qu’une fois rentrés de ce côté-ci de l’atlantique, on se pose la question suivante : peut-on écrire de la littérature américaine sans être américain, sans habiter cet espace-temps si singulier ? Certes, comme dirait Madeleine Albright (Dieu, l’Amérique et le monde, Salvator, 20 euros), "Everyone is to be an American" – tout être humain a vocation à devenir un Américain. Mais, en lisant par exemple le dernier livre de Philippe Besson, La trahison de Thomas Spencer (Julliard, 19 euros), on se dit que l’American Way of Living est nettement plus facile à adopter que l’American Way of Writing. Cela étant, faire du californien au soleil de la Côte d’Azur n’est pas impossible : mention spéciale, dans cette catégorie, à Catherine Locandro pour Face au Pacifique (Héloïse d’Ormesson, 18 euros). Il faut dire que la jeune femme, très prometteuse, est scénariste et possède donc le sens de la narration claire (comme on parle de ligne claire en BD) si caractéristique des écrivains américains. Son livre est plutôt réussi – il n’eût pas fallu, cependant, qu’il fût plus long : n’est pas Guillaume Musso qui veut...I’m kidding !
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