Acte II de l’exception culturelle… la chute
Après le renoncement à la taxe sur les objets connectés préconisés dans le rapport Lescure, il semble bien que le gouvernement ne craint décidemment pas le ridicule, ni de marquer du sceau du reniement le moindre de ses actes. Quant à Pierre Lescure il peut légitiment s’interroger sur la manière dont François Hollande l’a en quelque sorte attiré dans ce qui ressemble bien à un traquenard.
Alors qu’Aurélie Filippetti annonçait, il y a encore peu, le transfert des compétences de l’HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet) en matière de lutte contre le piratage au CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), le gouvernement vient de trancher une fois de plus, ce transfert n’aura pas lieu pour l’instant. Pourtant il était prévu que le sénateur de Paris David Assouline présente un amendement, dans ce sens, à l’occasion de l’examen dans quelque semaine par le parlement du texte de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public dont il est le rapporteur avec l’appui du Ministre.
La filière cinéma avait fait clairement savoir son impatience à ce sujet, en particulier l’ARP (Société civile de perception et de répartition des auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants) qui avait été reçu à l’Elysée et avait obtenu des garanties du Président de la République en personne.
C’était sans compter avec l’opposition farouche des socialistes au cœur de ce dossier depuis des années à savoir Christian Paul qui a fait savoir au Président de la République : « C’est Hadopi saison 4. Avec le gouvernement de gauche cette fois-ci, et un gros risque de ridicule ». Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale a mis en garde contre ce procédé du « cavalier législatif » (présenter un amendement en cours de discussion qui n’a rien à voir avec le texte) qui pourrait mettre le feu au poudre. L’unanimité est loin d’être faite au sein de la majorité pour créer ainsi, surtout à la sauvette, un mastodonte qui contrôlerai les contenus du Net en France.
Ce n’est pas demain que le CSA pourra devenir le régulateur du net. Et toutes décisions quant à l’avenir du Net et du financement de la création est de facto repoussé bien loin, au fin fond de l’année 2014… et je parierai assez sur 2015, voir aux calendes grecques.
Il ne se passera rien avant les municipales et les européennes. Les mauvais résultats attendus par le PS obligeront le président à remanier son gouvernement. Pour peu que la rue de Valois face partie des changements, on imagine comment avec un nouveau ministre on repartira de zéro… sans doute une nouvelle mission ou bien des Assises, bref tous ces trucs dont raffolent les politiques quand ils sont bien embarrassés par un dossier.
Bien évidemment la profession se déclare abasourdie par un tel revirement, ils ont encore à l’oreille les propos de François Hollande, il y a seulement quelques semaines, elle dénonce un « recul historique dans la régulation du monde numérique et demande d’urgence ce transfert de compétence, ainsi que la mise en place d’amendes imaginées par la mission Lescure pour punir les internautes malintentionnés (souvent sous couvert de naïveté) vis-à-vis de la création et de son financement ». De son côté la puissante SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) a fait savoir son inquiétude et ses craintes de voir le sujet définitivement enkysté.
C’est un dossier de plus pour lequel les attentes étaient nombreuse et anciennes, avec des points de vues contradictoires, voir antinomiques. Comme nous sommes loin des années 1981 où les socialistes se lançaient avec audace dans des réformes de fond de l’audiovisuel français, abattant le monopole d’état et ouvrant la liberté aux ondes. C’est en 1983 que Jack Lang faisait adopter à l’unanimité au parlement la loi instaurant le principe de la copie privée pour répondre à la situation de copies alors illégales par les particuliers sur leurs magnétophones ou leurs magnétoscopes.
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