Adieu sir Clarke
N’étant pas habitué à écrire une nécrologie, je vais tenter de faire de mon mieux afin de traduire ma tristesse à l’annonce de la mort d’Arthur C. Clarke.
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Nous sommes tous le fils des étoiles, chaque atome qui compose notre corps vient de l’espace infini, réel berceau de l’humanité. Voila le plus grand message que Arthur C. Clarke a laissé aux habitants de la terre.
Sir Arthur Charles Clarke s’est éteint le 19 mars 2007 à l’age de 90 ans dans sa maison au fin fond du Sri Lanka. M. Clarke était un des écrivains les plus prolifiques dans le domaine de la science-fiction. Il rejoint des grands noms comme Jules Verne ou Asimov pour ces nombreux romans avec une vulgarisation scientifique sans commune mesure. A ce jour, chaque personne a au moins une fois touché du Clarke dans sa vie, sans avoir lu un de ses romans. Il sera un des pionniers dans la conception des radars pour la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, il écrit une théorie sur les satellites géostationnaire, ce « modeste » écrit va contribuer grandement à l’exploration de l’espace, à notre époque chaque personne profite de sa découverte avec les téléphones portable, GPS ou télévision satellite.
Arthur C. Clarke, l’auteur, c’est un scénario-roman inoubliable : 2001 Odyssée de l’espace. Film millénaire, incompris, fascinant, complexe, incompréhensible, autant de mot pour définir l’œuvre cinématographique de Kubrick, mais autant de mot pour apprécier l’univers riche, complexe, réaliste et informatif de la série : 2001, 2010, 2061 et 3001. Même si la qualité et la richesse de l’histoire fait défaut dans les deux derniers opus, il y a une idée techniquement ingénieuse à chaque page. Le livre en lui-même ne prend aucune ride à travers les âges pour la simple raison qu’il parle de chose réelle et toujours d’actualité, des questions fondamentales : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Y a-t-il une vie hors de la Terre ? Beaucoup résument son œuvre à 2001, il est vrai que ce livre est tellement abouti et plus complet qu’il fait passer n’importe quel livre de science-fiction de l’époque (n’en déplaise aux fans d’Asimov) pour de la série Z des années 50.
Il a notamment introduit des principes fondamentaux comme la force centrifuge d’une station spatiale pour ne pas dériver en apesanteur, compris l’utilité d’un point relais équidistant Terre-Lune pour les besoins en combustible et oxygène, d’une navette. Il parle d’un internet qui ne verra le jour que plus de trente ans après. Son explication de la propulsion par propergols liquide, sera utilisée réellement à partir de la fin des années 80 par Ariane 4, la complexité d’une base lunaire. La vie à bord d’un vaisseau pour un voyage de longue distance, la cryogénisation. Et surtout l’intelligence artificielle à travers le robot HAL 9000 « Heuristically programmed ALgorithmic computer », transformé maladroitement pour la version française en CARL 500 « Cerveau Analytique de Recherche et de Liaison ». A travers ce super-ordinateur, il a fait comprendre la complexité du cerveau humain et donné une base à l’intelligence artificielle en lui faisant dire : « J’ai peur Dave, j’ai peur ». La compréhension qu’un ordinateur a, face à la mort, est similaire au personnage guetteur de Lune, quand il prend conscience grâce au monolithe noir, de la supériorité de sa race face au tigre à dent de sabre.
Selon moi, sa série la plus réussie sera sans conteste la saga RAMA : RAMA, RAMA 2, les jardins de RAMA et RAMA révélé. Plus de 2 000 pages écrites pour les trois derniers livres en association avec Gentry Lee, racontant l’histoire sur plus de 500 ans d’un vaisseau venu des confins de l’univers pour offrir la vérité aux hommes. L. Ron. Hubbard, faux prophète de son état et créateur de l’Eglise de la scientologie n’a rien inventé. Il n’a rien fait d’autre que rependre les théories qu’Arthur C. Clarke a développées à plusieurs reprises, dans ses livres : le principe d’une religion où la science viendrait aider l’homme et non pas pour l’asservir.
Homme de science, de lettre et humaniste surtout. Arthur C. Clarke détestait en tout point le régime soviétique qui lui prit plusieurs de ses meilleurs amis. Dont de nombreux scientifiques, le personnage Chandra, qui prit forme sous les traits d’un personnage dans 2010 Odyssée 2, n’est d’autre qu’un de ses amis tués par le régime russe de l’époque. Il n’a pas porté non plus le régime capitaliste américain dans son cœur, car la plupart des inventions ont, selon lui, assouvi les hommes et fait de la recherche et du savoir une question mercantile et militaire plus qu’un instrument afin de rendre le monde meilleur. Le coût de la guerre du Vietnam aurait pu servir à une base spatiale identique à celle de 2001. Anti-clérical et proche d’une vision bouddhiste, il s’attira les foudres d’Eglises proches de l’extrême droite des Etats-Unis en écrivant une fausse biographie sur un Jésus qui était plus proche d’un leader commun qu’un prophète (Lumière des jours enfuis). Il était membre du mouvement sceptique contemporain.
En 1995, l’éditeur Sierra crée le jeu vidéo RAMA (inspiré du roman). En bonus, on peut y découvrir une de ses rares interview vidéo où il parle de son amitié avec Stanley Kubrick, sur le cancer qui a failli l’emporter dans la fin des années 80 et sa vision du monde.
Sir Arthur C. Clarke s’est éteint paisiblement au Sri Lanka, pays qui l’a accueilli et où il a écrit Les Fontaines du paradis, parlant d’un futur projet qui sera un tournant dans l’exploration spatiale. Un ascenseur vers l’espace qui pourra à terme nous faire construire une plus grande base spatiale, nous extraire de la gravité pour les navettes, avoir accès avec une plus grande facilité à la culture des cellules en apesanteur. Une vraie révolution à venir (environ 100 ans selon un centre de recherche japonais). Enfin, un des grands rêves d’Arthur C. Clarke fut la découverte de civilisation extra-terrestre permettant aux hommes de trouver la réponse ultime (ce n’est pas 42). Fort malheureusement pour lui et pour nous, nous n’avons jusqu’à preuve du contraire découvert aucune autre civilisation que celle de la Terre, nous n’avons pas développé la technique des « trou de vers » permettant de voir le passé et le présent sans nous déplacer n’importe où dans l’univers. L’homme n’a toujours pas dépassé physiquement la distance Terre-Lune, l’homme n’a que pour l’instant uniquement l’espoir, le rêve et les livres.
Le nom de Clarke a été donné à un astéroïde (4923 Clarke), un dinosaure Serendipaceratops arthurcclarkei. Enfin l’orbite géostationnaire a été renommée « Orbite de Clarke ».
J’ai découvert l’auteur assez tardivement (20 ans), j’ai eu des difficultés à comprendre l’histoire 2001 (le film). Je l’ai fini au bout de cinq visionnages et le revoir une dizaine de fois m’a permis d’avoir la curiosité de lire et apprécier le livre. Puis l’intégralité de sa bibliographie m’a laissé un souvenir tellement fort que relire 2001 Odyssée de l’espace ou la saga RAMA me fait découvrir à chaque fois une nouvelle facette de l’univers, du monde et de moi-même.
Adieu à l’homme, adieu à l’artiste et au scientifique. J’espère que, quand vous avez ouvert les yeux, vous avez vu aussi plein d’étoiles. Saluez votre ami Stanley de notre part et encore merci pour votre héritage.
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