Albert nous a quitté
Albert Jacquard nous a quitté le 11 septembre, quelques extraits en hommage à la Voix des sans voix.
Te voilà parti mon bel ami, toi la Voix des sans voix, désormais silencieux, sans doute à la grande satisfaction de certains. Qui reste t'il pour éclairer le peuple orphelin mais qui ne le ressent pas encore très bien ?
Je laisse les thuriféraires faire ton éloge d'état civil, aussi tu me permettras de re-transcrire certaines de tes innombrables pensées et positions, couchées dans 18 essais tous disponibles à peu de frais et ayant pour sujet l'Humain le centre de tes préoccupations.
Les extraits sont issus d'un livre paru en 1996 : "J'accuse l'économie triomphante" chez Calmann Levy. Inutile de préciser que la situation depuis ne s'est pas améliorée...
Fin du préface :
"L'histoire nous apprend combien les intégrismes sont lourds de catastrophes ; l'intégrisme économique -l'économisme- n'est t'il pas le pire de tous ?"
Premier chapitre : L'HUMANITE DEBOUSSOLEE.
"Sur le Titanic en train de sombrer, est-il raisonnable de consacrer beaucoup d'efforts et d'intelligence à obtenir une meilleure cabine ?"
"Ce que nous vivons actuellement est la conséquence de choix, le plus souvent implicites, faits en imaginant un monde des hommes infinis."
Suivent diverses considérations sur la montée de la population (5milliards au moment de la parution de l'essai) et de la survenance inéluctable d'événements liés aux différences d'accès aux ressources notamment alimentaires :
" il est probable qu'un jour prochain ils se rassembleront, s'uniront, s'organiseront, et s'attaqueront aux bastilles de l'opulence."
"Face à ces rebellions de peuples entiers oubliant leurs querelles pour s'en prendre à l'ennemi de tous, le nanti, le seul recours possible sera la violence." ..." et cela avec la bonne conscience que procure le meurtre à distance et la beauté technique d'une guerre "propre" "
Reflexions sur le capitalisme :
"Au siècle dernier, il a dû sa réussite à l'exploitation systématique des travailleurs. Il fallait, dit-on, en passer par là pour constituer l'outil de production qui, un jour, apporterait le bien-être à tous. Et il est vrai que, lentement, le niveau de vie moyen s'est amélioré."..."Dans une société menée par la compétition, la machine remplace l'homme, et l'homme n'a plus d'utilité."..."Comment imaginer que des sociétés puissent rester paisibles quand une foule d'hommes et de femmes s'entendent dire qu'ils sont "de trop" ?..."Pour faire un homme il faut des hommes".
D'ou la nécessité de force de contrôle :
"Pour être efficace, elle devra être accompagnée d'un réseau d'information rigoureux au service du pouvoir. Les moyens fournis par l'informatique permettent de ne laisser dans l'ombre aucun agissement. Cet espionnage permanent de tous les citoyens sera le prix à payer pour maintenir un semblant de paix intérieure. Liberté ou sécurité, il faut choisir. Et le choix est toujours le même."
Sur l'économisme :
"Est-il encore temps de tenter une bifurcation et d'inventer une société humaine ? Si la réponse est "non", le sort de nos petits enfants ne sera guère enviable. Ce sera pour longtemps, peut-être pour toujours, le renoncement à ce qui fait de l'espèce humaine la seule capable d'imaginer une utopie et de s'en approcher, la seule qui dispose de son destin...." "Demain sera ce que nous voudrons avec une suffisante volonté".
"Pendant longtemps les économistes se sont contentés d'apporter leurs contributions, souvent modestes, aux débats orientant le choix des décisions essentielles, d'ajouter leur voix de technocrates à celles d'autres personnages. ceux-ci évoquaient la liberté, la paix ou la dignité des plus démunis, tous les grands objectifs qui ont, au cours de l'Histoire, mobilisés les peuples ; ils s'intéressaient aux idées ; ils étaient des "idéologues". Par un curieux retournement, ce terme est devenu péjoratif. Napoléon déja regardait avec mépris les idéologues. Ce mépris est aujourd'hui tel que l'on a pu récemment célébrer comme une victoire la prétendue "mort des idéologies". Dans nos civilisations occidentales, le discours des économistes s'exprime désormais seul."
Tu me pardonneras mon bel ami de sauter 4 chapitres de cet essai pour en arriver à la conclusion :
"La dignité de l'Homme consiste à prendre en main son devenir, à choisir. Aujourd'hui, plus sans doute que jamais au cours de notre histoire, nous sommes face à une bifurcation : d'un côté la voie facile de la domination de quelques-uns sur la multitude des démunis -une société fondamentalement esclavagiste, efficace, ordonnée, mais où la presque totalité des hommes vivront sans espoir de l'autre, le chemin escarpé, périlleux, d'une recherche de l'égalité entre tous les membres de l'espèce, la construction jamais achevée d'une société où tous les hommes se sentiront chez eux partout sur la Terre des Hommes.
La barbarie ou la démocratie, il faut en décider aujourd'hui."
Tu fais désormais partie de ce petit club de ceux que j'appelle "les grands phares", puissent tes pensées être diffusées et semer un peu d'espoir.
Un sans voix
Jacques Knochel
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