Andromaque à la comédie française...
Muriel Mayette, administratrice de l’illustre compagnie a mis en scène Andromaque, une des pièces les plus étudiées mais aussi les plus jouées, et les plus immobiles de la littérature française. Que peut apporter aujourd’hui une nouvelle mise en scène à un tel monument du théâtre ? Sur quelles cordes peut on jouer pour marquer de son empreinte l’histoire des représentations ? Quelle place ont les acteurs dans cette histoire ?
Voilà, vous avez reconnu ? Vous avez étudié ça au collège, au lycée. Mais si : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? » ou « Je ne t’ai point aimé, cruel ? -Qu’ai-je donc fait ? »
C’est une des pièces les plus jouées du répertoire classique. Le classique des classiques.
Andromaque de Racine.
C’est une tragédie : Pyrrhus va mourir, Hermione va mourir, Oreste va devenir fou.
Ca commence avec l’arrivée d’Oreste qui vient officiellement chercher Astyanax que Pyrrhus doit lui remettre. En fait ce n’est qu’un prétexte pour retrouver Hermione. Mais c’est son arrivée qui va déclencher tous les évènements funestes qui s’ensuivent.
C’est aussi le lever du rideau parce qu’avant tout est tranquille sur scène. On n’entend rien, alors que dès que le rideau est levé les ennuis commencent (pour les héros, s’entend).
Muriel Mayette en a fait la mise en scène. Et faire la mise en scène à notre époque, de cette pièce ou les acteurs se déplacent lentement, se croisent et se balancent leurs états d’âme en alexandrins en respectant la règle des trois unités, c’est un joli défi. Que peut on apporter de neuf, quel souffle nouveau à ce monument gravé dans le marbre ?
La scène représente une salle du palais de Pyrrhus en Epire, figurée ici par d’énormes colonnes autour desquelles évoluent les acteurs.. A l’arrière plan un rideau grège agité par le souffle du vent. Décor superbe et épuré.
La lumière change au fil du temps et s’achève en crépuscule.
Mais que dire des costumes ? Intemporels, diaphanes, à peine structurés, ils harmonisent leurs nuances de bleus délavés, de gris, de beiges...
Quant aux acteurs et à leur interprétation, voila l’une des données du problème... Au fil des siècles la pièce a évolue selon la personnalité des interprètes pesant sur tel ou tel rôle.
Ainsi Rachel , dans les années 1840 a imposé son Hermione et relégué Andromaque au second plan. Ce fut l’inverse avec Sarah Bernhard à partir de 1873.
La distribution est éblouissante y compris dans les seconds rôles. Stéphane Varupenne, Aurélien Recoing, et Suliana Brahim sont parfaits, chacun apportant par ses mots, ou simplement son allure, sa tenue, sa personnalité propre, à l’ensemble.
Pour les personnages principaux Muriel Mayette a écrit : « J’ai voulu des corps debout dans le vent. Des humains effrayés par leur responsabilité politique dévorés de passions,incapables de choisir. Des êtres éperdus de souffrances, orgueilleux,voulant tout et ne se possédant pas eux mêmes. »
Mission plus qu’accomplie, au point parfois d’affaiblir le rôle.
C’est le cas de Cécile Brune, Andromaque classique, trop classique sans doute pour imposer son personnage et qui du coup reste dans la pénombre. C’est aussi le cas de Clément Hervieu-Léger, Oreste fragile, romantique et incertain, plus dépressif que fou... Ces deux là ont bien du mal à peser face aux deux autres.
Eric Ruf, dans sa plénitude est un Pyrrhus royal et brisé à la fois. Il en impose par sa démarche, sa voix, sa diction, et malgré tout on en ressent les félures, les doutes, les souffrances.
Quant à Léonie Simaga, elle « est » Hermione. Que dire d’autre ? Sensuelle, violente, égoïste, injuste, pathétique elle arrache d’elle même les accents de la tragédie. Le théâtre tient en elle la tragédienne de notre époque.
Que voudriez vous que les autres fissent contre ces deux là ? Qu’ils mourussent ? Mais non ce sont ceux ci qui meurent. C’est injuste !
J’oubliais la musique. Personnellement elle ne m’a pas gêné. Je l’ai reçue comme portée par le vent, venue du monde extérieur. Par contre d’autres l’ont trouvé trop présente.
Enfin je dois avouer quelques instants de faiblesse vite réprimés, en fin du premier acte. Mais que voulez vous, Racine et le train à six heures du matin pour cause de grèves, c’est éprouvant.
N’empêche, c’est du grand théâtre.
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON