Arminius, récupération d’un mythe
Tout au long de l’histoire ce qui allait devenir l’Allemagne récupéra le mythe d’Arminius, le chef chérusque qui stoppa l’invasion romaine aux frontières du Rhin:assimilé à Siegfried, instrumentalisé par Martin Luther, dressé contre Napoléon, symbole de l’unité allemande de 1870 et pour la dernière fois récupéré par Hitler...la dernière, pas tout à fait : le célèbre masque, symbole d’Arminius marque maintenant un désir de paix définitive, un artiste- Volker Johannes Trieb- l’a habillé de toutes les couleurs et de tous les symboles des pays de l’union européenne, chaque pays à le sien, mon avatar s’en est retrouvé tricolorisé...
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Des centaines de chercheurs, toutes disciplines confondues, ont participé à la réalisation de ce lieu de mémoire, érigé à l’emplacement mêmes de l’embuscade : des milliers de monnaies romaines or et argent, des pièces d’équipements diverses, des ossements humains et animaux replacées, en dessin à l’échelle, dans le contexte initial de la colonne en campagne , le célèbre masque de cavalier romain, la reconstitution, particulièrement impressionnante par le nombre, en personnages miniatures des trois légions d’Auguste , de leurs alae, et accompagnateurs, les études poussées sur les us et coutumes des adversaires, sur les conditions climatiques, topographiques et environnementales à l’époque du massacre (grâce, en particulier, aux pollens contemporains recueillis ) le décryptage des témoignages des historiens romains et la synthèse des théories récentes quant à la localisation, tout concoure à rendre sa dimension à l’un des événements qui influa autant sur le destin de l’Europe...
... et l’exposition se termine sur un choc : les panneaux consacrés à la récupération du mythe d’Arminius par Hitler- encore et toujours ! l’Allemagne n’en finira donc jamais d’essayer de comprendre l’horreur... le traumatisme est toujours là, à fleur de peau, même si les derniers témoins disparaissent et que les historiens allemands de la nouvelle génération essaient encore de délier leur langue.
Nous sommes en 1932, Hitler pour gagner les élections n’hésite pas à se présenter comme l’héritier d’Hermann/Arminius*, le vainqueur chérusque, sur les affiches de propagande, près du mémorial gigantesque de Detmold, photo de groupe avec les sbires du NSDAP, ceinture,casquette, et svastika au bras, qui deviendra celui, armé, de la terreur... car bientôt le « monde d’hier »va basculer et il sera trop tard le piège se refermera sur un peuple qui se pensait alors encore libre...
L’année suivante, Hitler, une fois chancelier abandonnera le mythe Arminius, le nouvel ordre Nazi n’aura plus rien à faire d’un chef rebelle et des luttes tribales qui causèrent sa mort. Place au « Reich pour mille ans » : garde prétorienne, ordonnancement des « légions » brandissant des enseignes frappées de croix gammées, parades gigantesques avec salut olympique au nouveau césar, la nouvelle Allemagne a choisi le camp de Rome !
Comme en écho, un an après, vient de s’ouvrir à Berlin une exposition sur « Hitler et les Allemands »La longue mais nécessaire repentance, initiée avec bonheur par les autorités US en 1945, se termine : la nouvelle génération pourra -t-elle enfin tourner, après l’avoir lue, ce qui fut aussi une page d’histoire, si horrible fût-elle, et sur lesquels leurs parents gardèrent pour la plupart un mutisme dû à leur sentiment de culpabilité ?
Faisant preuve d’astuce, un chercheur de l’université de Francfort vient d’analyser la courbe de popularité d’Hitler, durant ces années de peste brune, en utilisant 5 paramètres inhabituels : courbe d’épargne/confiance, fréquence des noms de baptême nazis par excellence- Adolf, Horst et ...Hermann- courbe de condamnation des opposants, courbe des « sorties de religion » et courbes concernant le recul du nom du führer sur les écharpes mortuaires destinées à couvrir les cercueils de soldats tombés au front. Résultat : après une constante ascension jusqu’en 1938, la descente s’amorce déjà en 1939 pour commencer une chute vertigineuse dès 1941 ...si des élections avaient pu avoir lieu à cette époque, le démocrate Goerdeler, qui fut aussi personnage clé de l’opération Walkyrie, aurait eu toutes les chances de l’emporter** et l’horreur nazie n’aurait pu atteindre ses abominables excès...
*Hermann étant le nom germanisé d’Arminius
**Spiegel-on-line du 22/10/2010
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