Astérix au cinéma : Vae Victis ! Malheur aux Vaincus !
Les animés d'Astérix, analogiques/numériques (tracés/virtuels) ne posent pas problème. Mais les cinématographies d'Astérix, c'est-à-dire les mises en oeuvres, en chairs et en accessoires, sous l'oeil des caméras, finalisées par un montage et autres retouches, avant d'être diffusées dans des salles de cinéma (hélas désertées, et automatisées comme tout) ou via d'autres supports (de plus en plus internautiques, et automatisés de même) quand on veut & peut se les payer. Les cinématographies d'Astérix posent problème, en effet, il suffit d'observer les notes sous Allociné.
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Les cinématographies d'Astérix posent problème, il suffit d'observer les notes sous Allociné - à l'exception notable de Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre qui, en fait, n'était pas un Astérix, mais un humour Canal+ d'alors (2003) costumé en Astérix : on aurait fait pareil avec Gaston Lagaffe ou Boule & Bill, mais on fit avec Astérix et puis voilà.
Bref, Astérix, ça fonctionne parce que ça n'est pas vraisemblable dans la démarche, ou alors parce que l'effet de vraisemblance cinématographique en fait du non-Astérix (Mission Cléopâtre...). Je ne sais pas, en disant cela j'aurais bien le sentiment de dire une banalité, et pourtant on en fit une brochette de films décevants :
1° Le premier, Astérix et Obélix contre César de Claude Zidi (1999) bénéficia d'un léger effet de suprise, pour sa première cinématographisation, surtout auprès des critiques, enchantés par l'originalité du "passage au vraisemblable". Le public un peu aussi, mais moins. Dans tous les cas, on n'atteignit pas la moyenne.
2° On voulut rattraper cette première déception avec Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, et on fit l'erreur de donner carte blanche à l'humour Canal+, qui ne fit pas du Astérix.
3° On revint alors aux fondamentaux en 2008, avec des réalisateurs & scénaristes, sûrement missionnés pour être fidèles, et avec de sacrées têtes d'affiche, tout en virant enfin Christian Clavier, bien trop vieux pour jouer Astérix : Astérix aux Jeux Olympiques voit Alain Delon en César, Benoît Poolvoerde et Franck Dubosc (alors en vogue) en Brutus et en Assurancetourix valorisé, et tout un tas de gueules telles que Zinedine Zidane (toujours sacré à l'époque) ou l'étoile montante Alexandre Astier en tant qu'acteur (futurement mobilisé en 2014 pour l'animé Astérix : le Domaine des Dieux), mais encore Elie Semoune et la rebelotte de Jamel Debbouze depuis Mission Cléopâtre (eux-mêmes en vogue) sans parler de tout un tas de guests. Mais vae victis...
4° Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté (2012) d'un autre obscur réalisateur, ne fit plaisir qu'à la critique. Ses anachronismes étaient trop grand. Vae victis, vae victis...
5° Enfin, Astérix et Obélix : l'Empire du milieu cette année, réalisé par le touchant Guillaume Canet (touchant depuis the Beach de Dany Boyle, où Virginie Ledoyen le fait cocu avec Leonardo DiCaprio qu'il avait si généreusement pris sous son aile avec sa compagne...) Astérix et Obélix : l'Empire du milieu, disions-nous, fait pitié à la majorité. Vae victis, vae victis, trois fois vae victis...
Aparté - Personnellement, j'ai toujours aimé les animés d'Astérix. Quant aux cinmétographies, je n'ai pas eu envie de voir les trois dernières à cause des deux premières, et je n'ai vu il y a peu celle de Guillaume Canet, qu'en désespoir de cause. Où j'ai passé un très bon moment, puisque je ne m'attendais à rien. Qu'il fut bon, que ce film restât dans un gentil chauvinisme égrillard, à l'esprit d'enfance récréatif, plutôt que de se rendre aux néo-moralismes ambiants, qui ne payent, qu'en fausse monnaie, avec de la bonne conscience ! - Fin d'aparté
A partir de là, la seule question qui compte est de comprendre pourquoi il ne faut pas réaliser de cinématographie d'Astérix. Or, la réponse globale a déjà été donnée : Astérix, ce n'est pas vraisemblable, et pourtant ça mobilise des formes de vraisemblances.
Alors on va me dire, que bien des genres cinématographiques ne sont pas vraisemblables, tels que la fantasy ou la science-fiction, qui marchent très bien. Oui, c'est vrai, mais Astérix, ce n'est pas de la fantasy. Astérix ne partage avec la fantasy, qu'un point commun, qu'on peut désigner depuis quelques décennies seulement : l'uchronie, c'est-à-dire la réécriture de l'Histoire. En 50 avant Jésus-Christ, non, aucun village de Gaulois ne résistait à l'envahisseur.
Mais il y a plus bizarre : Astérix, c'est de la politique-fiction. En fait, Astérix, c'est surtout cela. Car durant le XXè siècle, les mouvements néodruidiques et néoceltiques bretons affirmèrent leur identité, après la politique de standardisation régionale, appliquée par la République parisianiste, de manière écrasante, partout. D'aucuns n'hésitent pas à la qualifier de fasciste, pas seulement par abus de langage.
Lorsque vous lisiez des pancartes "interdit de cracher par terre et de parler breton", on est proche de l'étoile jaune, le dédain est immense, c'est une forme de racisme républicain, et aujourd'hui on nous fait chier avec la glottophobie... Mais on n'a pas tout évoqué d'époque.
Cette République s'est belle et bien faite bizarrement, pour prendre un autre exemple, avec le génocide des Vendéens : il paraît que la violence est fondatrice, enfin selon Machiavel... Avec la prise d'une Bastille vide, le guillotinement d'un piètre roi en plus du massacre de sa femme et de ses enfants, et la Terreur Révolutionnaire (Terrorisme et Révolution...) la France républicaine, ça se tient "là"...
Bref, Astérix, c'est de la politique-fiction, et ce sont des Parigots qui l'inventèrent avec humour : René Goscinny et Albert Uderzo. On est sur un phénomène de niche, à la base. Ce qui lui donna sa chance, c'est que toute la France est invitée à se reconnaître dans le village gaulois (années 1960) après l'Occupation allemande. Les Romains sont les "nazis" ridiculisés, et les Gaulois sont les "résistants" (ce qui n'est pas piqué des hannetons, puisque ça télescope cette France aux Bretons, et ces "nazis" à la République). La politique-fiction est énorme, et elle fonctionne parfaitement bien en BD, à une époque où tout le monde a des bases de latin scolaire encore, mâtiné d'enseignement historique à caractère nationaliste, hérité de la IIIè République, germanophobe depuis la défaite face aux Prussiens de 1870 - défaite dont la IIIè République émargea.
Ainsi naturellement, la politique-fiction d'Astérix est nulle "dans la vie". Dans nos vies. Elle ne vaut pas un clou, encore qu'elle eut sa chance, à travers les légendes dorées de notre Vè République française... mais une fiction dans une légende, c'est carrément léger.
"Dans la vie", la civilisation mégalithique avait périclité deux mille ans avant les Celtes. Les Celtes ce qu'on peut proprement nommer les Celtes, datent de -500 et s'estompent vers 400, romanisés puis christianisés, dans les grandes îles d'Europe ouest-septentrionale pour finir. La civilisation mégalithique, elle, s'estompe vers -2000. C'est donc au moins 1000 ans (en comptant trèèèès large, pour laisser le temps aux cultures de muer) qui séparent les Mégalithiques des Celtes.
En 1000 ans, les choses ont vraiment le temps de changer : en 1023, la Chrétienté féodale envisageait doucement sa première croisade pour aller reprendre Jérusalem aux Sarrasins, en armure lourde sous l'égide du papa romain. Vous imaginez comme l'eau a coulé sous les ponts ?
De même, des Mégalithiques aux Celtes, et les Celtes n'ont fait que s'étonner comme nous, de la présence de ces montages rocheux. Seul le romantisme les y fait s'y réunir, voire chamaniser (ainsi, le druidisme moderne, notamment anglosaxon, est fallacieux à Stonehenge). Il n'y avait pas de tailleurs de menhir celtes.
"Dans la vie", les Bretons sont les Bretons, si l'on peut dire. Or les Bretons ne sont pas les Armoricains. Les Armoricains furent des clans celtes, venus de sous la Loire, à caractère celtibère, au moment de leur voyage en quête de terres, comme cela se faisait régulièrement dans la haute antiquité, entre recherche d'un espace vital sous la pression d'envahisseurs ou la pression démographique locale, incitant une partie du clan à partir recréer un clan.
On trouve ainsi des clans Parisii, Belgae, Atrebati, Picti, etc. en Grande Bretagne, issus des Gaules... Grande Bretagne alors nommée Britannia d'où, justement, vint le clan celte britto-romain et chrétien, des Bretons, sous le coup des invasions angles et saxonnes, dans les premiers siècles après Jésus-Christ.
Les Bretons se mêlèrent alors, aux descendants des Armoricains gallo-romanisés, en voie de féodalisation à cause des invasions franques, burgondes, gothes, etc. sur le continent : l'Empire Romain se fracturait sous le coup de ceux qu'il avait toujours nommé des barbares : les peuples Germano-Scandinaves d'Europe centre-septentrionale.
Mais on peut certes saluer l'apport breton dans la région, puisque manifestement il lui a réussi en termes d'indépendance, face aux vikings et encore longtemps durant la féodalité face à la France (or donc Astérix et les vikings est aussi anachronique).
"Dans la vie", les casques à corne voire à ailes, sont des casques d'apparât germano-scandinaves, essentiellement retrouvés en Europe centre-septentrionale. Même origine, quant au port du roi sur un bouclier.
Aux anachronismes se cumulent les "anethnicismes". L'enseignement IIIème République confondait allègrement Celtes et Germano-Scandinaves, alors que les Germano-Scandinaves sont les peuples qui féodalisèent l'Empire Romain en s'y vassalisant, lors de leurs voyages sous le coup de pressions démographiques (à cause des Huns à l'Est eurasiatique, la vie du fameux Attila durant)...
Le plus risible, c'est que cette confusion eut lieu malgré la germanophobie après la défaite de 1870 face aux Prussiens, et pour l'entretenir ! Pire : la France doit son nom à l'un de ces peuples germano-scandinaves, les Franks !
"Dans la vie", évidemment, s'il y avait eu une potion magique rendant invincible, nous serions toujours des Celtes, quoi qu'évolués. Ce que nous ne sommes manifestement pas... quoi qu'on pense de l'évolution depuis, la plupart du temps à tort, en romantisant le passé pour conspuer nos jours.
Mais le plus triste, c'est peut-être de se demander qu'est-ce qui cloche avec le village d'Astérix, pour qu'il n'ait pas entrepris de libérer le continent du joug romain en produisant suffisamment de potion. Ou bien, de se demander qu'est-ce qui retint Panoramix à l'égard de ses confrères, de leur distribuer la formule, justement pour susciter la libération continentale, et ce que Carthage n'avait pas réussi avec ses armées (renverser Rome) des Celtes l'auraient fait !... à commencer par l'impulsion de cet obscur druide armoricain, depuis ce non moins obsur village armoricain...
... aussi, Astérix ne fonctionne-t-il bien que dans son support originel, la BD, et un peu dans des supports équivalents, les animés analogiques/numériques. Car ces supports invitent à la légèreté, même s'ils sont parfois utilisés pour mettre en scène des choses graves.
Mais la cinématographie se ridiculise, par inévitable injection de vraisemblance (des acteurs, etc.) dans cette légèreté : il y a une béance, entre la légèreté nécessaire pour apprécier Astérix, et la vraisemblance involontaire de toute cinématographie. Astérix y sonne faux.
La fantasy et la science-fiction doivent se chiader au cinéma, mais Astérix, ce n'est ni de la fantasy ni de la science-fiction, tout en plus une uchronie fantastique, partie sur une politique-fiction parfaitement gauloise.
Je veux dire : au fond, René Goscinny et Albert Uderzo, en créant Astérix, créèrent, en soi déjà, une gauloiserie, or les gauloiseries ne se laissent pas capter par la vraisemblance : elles sont toujours déjà grotesques, dans leurs genres, parce que "impossible n'est pas français"... Oui, car en effet, cette gauloiserie part bien de phénomènes politiques bien réels et graves, avec lesquels ces deux Parigots firent mumuse, comme pour sublimer des malheurs qu'on préfère balayer sous le tapis, mais qui n'empêchent pas le tapis de bomber grotesquement...
Finalement, il paraît selon quelques traces protohistoriques, que les Celtes étaient taiseux mais amateurs d'humour, notamment par coalescence.
Certainement que nos étranges ancêtres Celtes, auraient beaucoup ri en lisant Astérix, s'ils avaient pu. Mais ceci aussi, est une uchronie...
... quoi qu'on puisse dire sans trop se tromper, que nos étranges ancêtres Celtes, n'auraient pas beaucoup plus apprécié les cinématographies d'Astérix, que nous.
Qui ? Qui sera le prochain malheureux vaincu ? VAE VICTIS !
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