Ava Gardner : L’incendiaire
Régulièrement, je proposerai un portrait d’une femme plus ou moins connue, souvent élogieux, parfois critique, éventuellement caustique. La recette est simple : une photo emblématique. Et un texte court.
(Grabtown, Caroline du Nord, 25 décembre 1922 – Londres, 1990) Ava est le septième enfant offert à des paysans américains comme cadeau de Noël. Sans doute peut-on considérer qu’elle précède de quarante-deux ans Monica Bellucci en matière de beauté féminine absolue, elle que l’on qualifia de « plus bel animal du monde » ou de « déesse », ce qui est contradictoire et prouve bien qu’aux hommes elle faisait perdre la tête. Déesse, c’est à peu près littéralement le rôle qu’elle tient dans le troublant Pandora où elle incarne la femme que doit retrouver le Hollandais Volant pour échapper à l’errance perpétuelle, sur fond de mythes grecs et pagano-chrétiens. Elle y est totalement fascinante, à la fois naturelle et irréelle, venue d’on ne sait où et allant on ne saura où, quelque part dans l’éternité.
À part cela, cette créature au regard de braise et à la splendeur majestueuse ne fut guère passionnante. C’était l’époque où les femmes belles devaient laisser l’intelligence aux hommes, surtout à ceux qui rêvaient de les consommer. Ava n’était pas idiote, mais elle ne sut pas conduire sa vie. Auto-exilée en Espagne, elle s’accommoda très bien de la cruauté du franquisme et des corridas et passa son temps à boire sans que l’effleure l’idée de militer pour une cause même modeste. On aurait voulu cajoler cette splendeur ingérable, lui apprendre à être aimée : son visage aux pommettes sculpturales exprimait une soif que plusieurs ont cru pouvoir étancher, avant de se servir sur « l’animal » sans prendre le temps de se donner à elle. Aimée, elle ne le fut pas ; convoitée, tout le temps. Le plus incroyable, c’est que, malgré des décennies d’excès (moindres, affirmait-elle, que ce qu’on en racontait), elle sera restée très belle jusqu’à plus de 50 ans et encore très regardable quand sa robuste carcasse de paysanne finit par capituler, à l’âge étonnant de 67 ans. Ava Gardner aura été une femme au physique atrocement parfait, qui aura eu une existence ratée, malheureuse, déglinguée et finalement solitaire. Jamais on n’aura autant ressenti le décalage entre un regard aussi sublime et une vie affective aussi désarticulée, entre un visage qui avait un goût de paradis et une biographie qui laisse un goût d’incendie.
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