Banlieue : campagne en sursis, à voir absolument samedi 28 juin !
Ce samedi 28 juin de 10h à 18h, c’est portes-ouvertes dans les jardins ouvriers de Saint-Ouen, entrée 21 rue des Bateliers, à 5 minutes à pieds du métro mairie de Saint-Ouen et à côté du magasin Leroy Merlin.
Ces 3 hectares de verdure bucolique (album photos ici), cultivés depuis 1922, à portée de métro de Paname, dont je vous avais déjà parlé en septembre 2007 (cf. chronique Agoravox), sont un coin de campagne inattendu de Seine-Saint-Denis, à découvrir absolument : d’ordinaire il est fermé au public (en dehors des jardiniers).
La cinquantaine de potagers-fleuris (sur 100 à l’origine), actuellement en sursis, est sans doute condamnée à disparaître, au mieux à déménager, dans le cadre de la ZAC Docks de Saint-Ouen.
Le projet des Docks, 100 hectares, soit 1⁄4 de la surface de Saint-Ouen (détails dans chronique ici), sera achevé dans 18 ans.
Le futur parc de 12 hectares incluant l’actuel Parc du Château (jardin public Abel Mézières) devrait comporter des jardins familiaux, toutefois aucun engagement officiel de la mairie ne précise à ce jour, s’il s’agira des actuels jardins ouvriers, et pas d’un alignement d’abris de jardin Playmobil avec des arbres de Barbie.
Regardez ces photos prises en mai 2005 et en septembre 2007, appréciez cette ballade verdoyante et bucolique : Paris semble si loin ! Réfléchissez, ne serait-ce qu’une minute. Le sort encore incertain des jardins ouvriers de Saint-Ouen souleve différentes questions :
- Quelle est vôtre/nôtre définition de ce qui doit être conservé au titre du patrimoine ? Que voulons-nous laisser demain à nos enfants ?
- De quels types d’espace verts avons-nous besoin/envie pour mieux vivre (supporter) la ville ?
- Quels rapports souhaitons-nous entretenir avec la nature, pour nous-même et les générations futures ?
- Comment conserver le patrimoine et rester en phase avec les évolutions de la société ?
Qu’est-ce qui dans une ville permet à chacun de se tourner vers l’avenir, tout en s’appropriant le passé ? - Où commence le patrimoine ? Ainsi le classement ZPPAUP des Puces de Saint-Ouen pour leur ambiance et patrimoine paysager prouve que ce ne sont pas seulement les bâtiments qui font l’atmosphère d’une ville.
- Comment faire perdurer les jardins ouvriers, en les ouvrant au plus grand nombre, dans un esprit de partage des savoirs et de convivialité ?
Quasiment 3 ans après le grand pique-nique, que différentes associations audoniennes avaient organisé lors des Journées du Patrimoine 2005, pour sensibiliser les médias et faire pression sur le promoteur Nexity et la mairie, les jardins et les jardiniers sont en effet toujours en sursis.
Sur la centaine de potagers en activité depuis 1922, 38 jardins (la plus belle partie que les jardiniers appelaient « les Champs Elysées ») ont été détruits en 2006, pour laisser place à des bureaux construits par Nexity afin d’acceuillir de futurs salariés Alstom.
62 jardins ont été maintenus grâce la mobilisation citoyenne, puis médiatique (cf. revue de presse ici, incluant 2 blondes qui ont bien poussé depuis…) qui a fait pression sur la mairie de Saint-Ouen pour interférer auprès du promoteur Nexity.
62 jardins, bouffée d’oxygène, lieu magique, poétique et totalement irréel aux portes de Paris. L’accès est désormais autorisé aux seuls jardiniers et à leurs proches, sauf en cas d’autorisation spéciale du propriétaire « privé » Nexity, comme ce samedi 28 juin 2008, à l’occasion du Printemps de l’environnement et du développement durable, organisé par la mairie de Saint-Ouen.
Rappelons qu’en 2004, Restructuration capitaliste oblige, les anciens terrains Alstom avaient été vendus au promoteur Nexity. En février 2005, les jardiniers ont reçu un courrier leur demandant de quitter les lieux au plus tard le 31 décembre, l’accès sera fermé, les jardins démolis.
C’est le drame et l’incompréhension, d’autant plus qu’une partie de ces jardins sont situés sur une zone non-constructible inscrite « réserve espaces verts » au Plan local d’urbanisme (PLU) par la municipalité PC-PS, que ces jardins, mais aussi les 2 terrains de foot, les tennis ont toujours été accessibles.
Les jardins ouvriers de Saint-Ouen ont été créés en 1922 pour fournir un appoint alimentaire, éviter de s’attarder dans les bars, mais surtout procurer la bouffée d’oxygène indispensable pour tenir le rythme de l’usine.
Hasards de l’histoire, ces 100 parcelles de potagers fleuris ont d’abord appartenu pendant plusieurs siècles à des Seigneurs, plutôt qu’à des ouvriers.
Leur emplacement actuel fut d’abord celui du parc du Château de Boisfranc achevé en 1669, puis reconstruit vers 1822, pour devenir enfin le parc du Château de la comtesse de Cayla (actuel conservatoire de musique et expos d’art contemporain).
De 1880 à 1914, la princesse de Beauvau-Craon, fille de la comtesse du Cayla et héritière du château, loue le parc à une société hippique qui le transforme en hippodrome.
En 1917, une partie des terrains de l’hippodrome et du parc du Château sont vendus à la société Thomson-Houston qui découpe le parc en terrains de sport, en jardins et y construit des ateliers.
C’est l’époque du paternalisme industriel : l’entreprise propose aux ouvriers de disposer d’une parcelle de 150 à 200m2 à cultiver, pour améliorer l’ordinaire et s’y retrouver en famille le dimanche, loin des logements exigus et inconfortables.
Jusqu’au rachat récent par le promoteur Nexity, l’ensemble était géré par le comité d’entreprise Alstom.
On accédait autrefois aux jardins, soit par l’arrière de l’actuel parc du château (jardin public Abel Mézières). Après la grille verte, sur le côté gauche, il fallait enjamber la clôture, puis caler ses pieds sur des marches aménagées par les jardiniers et traverser la voie feré désaffectée. Soit par l’entrée principale 21 rue des Bateliers.
En mai 2006, le promoteur Nexity, nouveau propriétaire privé de ces 20 hectares situés sur le futur quartier des Docks de Saint-Ouen, a clôturé le site pour en interdire l’accès, jusqu’ici ouvert depuis 1922.
Ces 100 jardins potagers fleuris, mais aussi la piste de course à pieds, la pelouse du terrain de foot, les tennis en terre battue, la cabane-buvette constituaient (jusqu’à leur fermeture au public en 2006), un lieu de lien social unique, morceau de campagne aux portes de Paris : salariés Alstom, Audoniens, Parisiens, jeunes, familles, retraités s’y mélangeaient pour des pique-nique, ballades, jogging, tournois de pétanque, barbecues, apprentissage des rythmes de la nature...
Des botanistes et ornithologues se sont même déplacés pour évaluer la richesse de cette faune (pies, rouges-gorges, merles, …) et flore (figuier, radis, salades, cerises, vignes…).
L’ensemble constitue d’ailleurs selon eux « un biotope riche et unique à moins de 4 km de Paris ».
Venez nombreux samedi 28 juin visiter les jardins, goûter fruits et légumes, et montrer ainsi votre soutien à la défense du patrimoine, ainsi qu’à une autre vision du partage des cultures et des traditions.
@suivre donc.
© rédactionnel ZoralaRousse 93 pour chroniquesmabanlieue.com.
Infos pratiques
Entrée des jardins : 21 rue des Bateliers. N’ayez pas peur de traverser la zone en travaux, les jardins se trouvent derrière.
Association des Jardins Ouvriers de Saint-Ouen (Areva-Alstom)
125 avenue Gabriel Péri - 93400 Saint-Ouen – Tél. : 06 73 08 39 82
[email protected] - jardinsouvriersdesaintouen.com
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