Battez-vous, mais ne vous faites pas mal !
Chroniques de la guerre des langues. Quelques nouvelles en vrac, en excluant les problèmes de la Belgique que les journaux relatent déjà abondamment.
Le français et le catalan :
(communiqué de presse de l’ambassade, jeudi 10 avril 2008)
Aujourd’hui, jeudi 10 avril, MM. Bruno Delaye, ambassadeur de France en Espagne, et Ernest Maragall, "conseiller" d’Éducation de la Generalitat de Catalunya, signeront un accord de coopération linguistique et éducative entre la France et la Catalogne.
Au-delà des commentaires sur le développement du tourisme et de l’économie transfrontalière, cet accord nous montre une évidence que les médias n’ont pas relevée : les pays ne respectent que les langues qui se défendent ! Celles qui luttent pour vivre au quotidien : imagine-t-on que si le catalan n’était pas aussi vivace (première langue de la Catalogne espagnole), la France aurait signé un tel accord ? Non, elle aurait signé avec l’Espagne pour le développement de l’enseignement de l’espagnol et du français. Moralité : une langue qui veut vivre doit se défendre. A méditer...
Autre exemple de défense :
"Le président russe, Dmitri Medvedev, a milité mercredi pour l’attribution à la Russie d’un nom de domaine internet en alphabet cyrillique afin de promouvoir la langue russe dans le monde."
L’allemand fait une percée en Albanie : un accord a été signé pour l’ouverture de sections bilingues dans quelques établissements de Tirana.
Un regain d’intérêt pour les langues locales ?
Dans divers pays où la langue dominante, employée dans l’enseignement, est d’une autre origine, on assiste à un retour vers l’utilisation de la langue locale.
Madagascar :
"Poussée par la Banque mondiale, Madagascar a décidé de revoir de fond en comble son système d’éducation au niveau du primaire. A une extension de la durée de l’enseignement, vient s’ajouter le retour du malgache comme médium d’enseignement. Ce changement de politique entraîne une série de réformes, de la recherche académique pour harmoniser les terminologies malgaches à la formation des enseignants."
Lettonie
"Du temps du pouvoir soviétique, les langues d’enseignement étaient le letton et le russe. Le russe était une matière obligatoire dans les écoles lettones, mais le letton n’était pas obligatoire dans les écoles russes. Suite à l’indépendance lettone, des écoles minoritaires ont été rouvertes comme lors de la première période de l’indépendance lettone, pendant laquelle les langues minoritaires étaient permises dans les écoles. (...) Pourtant, le nombre d’élèves fréquentant les écoles russes est en train de baisser."
Le doublage des films :
L’Ukraine veut imposer le doublage des films en ukrainien, ce qui paraît naturel, mais la communauté russophone importante à l’est du pays peut le regretter, car autrefois tous les films étaient doublés en russe :
L’UE refuse que d’autres langues modifient l’écriture de l’euro, qui convient telle quelle en français, en anglais et en allemand, je crois, mais pose problème dans certaines langues :
"Euro doit s’écrire euro. La Lituanie, la Lettonie, la Slovénie et la Hongrie souhaitaient écrire l’euro différemment pour en faciliter la prononciation dans leur langue. Mais les ministres des Finances européens ont décrété que, pour des raisons de clarté et d’unité, l’euro devait être orthographié de la même manière dans tous les pays de l’UE, à l’exception de la Grèce dont l’alphabet n’est pas latin."
Source : rassemblement des Français de l’étranger
"Parce que la population hispanophone est en constante croissance dans la région des Bois-Francs, la ville de Victoriaville (Québec, Canada) a décidé d’outiller adéquatement ses répartiteurs 911 pour faire face à d’éventuels appels d’urgence en espagnol."
Après le chinois, le hindi devient fait une percée aux Etats-Unis.
Qui croit encore que l’anglais sera la langue mondiale ? Il sera ce qu’il est, une des dix langues à diffusion internationale.
Après la Suède, la Norvège, d’autres pays se rendent petit à petit compte des dommages que peut causer à leur langue un usage trop grand de l’anglais à l’université. Voici un témoignage de Tchéquie :
"Il nous vient des mots que personne ne cherche plus à traduire en tchèque. Il faut tenir compte du fait que les étudiants écriront de plus en plus souvent leurs articles, leurs essais et leurs comptes-rendus en anglais. C’est en anglais qu’on rédige des demandes de moyens financiers et de subventions. Tout finit par être exprimé en anglais. Peut-être un jour regretterons-nous d’avoir perdu la langue de spécialité tchèque." (Helena Illnerová, ancienne présidente de l’Académie des sciences tchèques).
Et l’espéranto ? Il progresse à son rythme, qui s’est accéléré ces dernières années, en partie grâce à internet et à l’explosion de la communication mondiale.
Le site du "Forum social mondial" s’affichera bientôt également en espéranto (langues déjà utilisées : portugais, anglais, français, castillan), les traductions sont en cours. Certains groupes étaient présents dès la naissance du FSM. Et son usage comme langue-pont facilitera certainement la traduction vers d’autres langues.
En octobre 2002, la proposition de traduction avait été refusée. L’année suivante, la question de la démocratie linguistique a trouvé davantage d’écho.
(source : Libera folio ; Monda Socia Forumo)
Le Forum social européen affiche déjà une version Eo :
Depuis quelques mois, les bateaux-mouches de Strasbourg proposent aussi l’espéranto pour la visite guidée par les canaux de la ville.
Finissons sur une note optimiste et réjouissante :
"Brésil - A 101 ans, il sait enfin lire et écrire
Ce retraité brésilien recevra son certificat d’alphabétisation cette semaine. Il a su profiter d’un programme scolaire mis en place dans sa région", France soir.
Conclusion
Dans ce monde cruel, il faut se défendre. La vie des langues vivantes n’est pas un long fleuve tranquille ; celles qui veulent un futur doivent se battre, défendre leur place et leur rang dans l’UE et, surtout, vivre au quotidien, avoir des locuteurs, car la survie artificielle d’une langue qui serait en quelque sorte placée en réanimation est quasiment vouée à l’échec. Ce principe est également valable pour les grandes langues qui, certes, ne sont pas menacées de disparition, mais dont l’influence peut diminuer très vite...
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