Bilan cinématographique de l’année 2007
Quel bilan cinématographque peut-on établir en ce qui concerne l’année 2007 ? A ce propos, penchons-nous sur les productions qui jalonnèrent les douze derniers mois, afin d’en analyser les temps forts.
Alors que 2007 est sur le point de se clore, il n’est pas inutile de tenter d’en dresser le bilan, fatalement subjectif, puisque je n’ai pu voir tous les films et que je ne juge jamais qu’à l’aune de mes inclinations, mais que le recul progressif parvient à asseoir sur des bases que je vais m’efforcer de rendre les plus objectives possibles. Il semble, en premier lieu, que le cru ait été satisfaisant, si je m’en réfère à mes propres impressions et aux nombreuses critiques que j’ai lues ici et là. D’agréables surprises ont jalonné ces douze mois écoulés et de nouveaux talents sont venus grossir le rang des confirmés, je serais presque tentée de dire des nouvelles venues, tant la participation des femmes a été importante et nous rassure quant à l’avenir du 7e art. Ces femmes, que ce soit Pascale Ferran, Marjane Satrapi, Nadine Labaki, Naomi Kawase, Gina Kim, Sarah Polley, Anne Le Ny, ont proposé des oeuvres de qualité, où s’affirme leur maturité dans l’art de la mise en scène et de la direction d’acteurs. La Forêt de Mogari, Persépolis, Caramel, Never forever, Loin d’elle, Ceux qui restent sont des ouvrages cousus à petits points, avec autant de talent que de scrupuleuse application, films qui ont de la consistance et ne cèdent aucunement à une sensibilité complaisante. Il apparaît donc que cette année 2007 soit féminine en diable...
Bien entendu, nous avons eu des déceptions et pas des moindres, lorsqu’il s’agit de metteurs en scène qui nous avaient habitués à des films d’une autre envergure. Il est certain que Rivette ne nous a pas éblouis avec Ne touchez pas la hache, que La Cité interdite, malgré une mise en scène fastueuse, n’égale pas les films précédents de Zhang Yimou, que Le Renard et l’enfant est loin de valoir La Marche de l’empereur, qu’avec Lions et agneaux Redford nous livre un ouvrage bâclé et sans grand retentissement ; de même que Grégory Hoblit avec La Faille, que l’on pouvait très bien s’abstenir de voir, et surtout que Chabrol a complètement raté La Fille coupée en deux, au point que l’on peut se demander si ce n’était pas là le film de trop...
Il y eut également des navets comme Joyeuses funérailles de Frank Oz, mais passons pour nous attarder sur des films captivants à maints égards, nous révélant de véritables dons d’invention même si leur facture reste imparfaite ou dérangeante. Je pense immédiatement à Je suis un cyborg de Park Chan-wook, à Grace is gone de James C. Strouse, à Ceux qui restent d’Anne le Ny, à Persépolis de Marjane Satrapi et dernièrement à Actrices de Valeria Bruni Tadeschi. Ces auteurs font preuve d’une créativité originale, innovante, pleine d’audace, parfois même d’un brin de folie. Mais qu’à cela ne tienne, ces longs métrages ont le mérite d’imposer une vision des choses surprenante, inédite, inventive et nous leur devons de sortir des sentiers battus, de remettre en question l’art en général et le cinéma en particulier.
A cet égard, il n’est pas inutile de souligner que les thèmes les plus récurrents de l’année ont tourné autour de trois axes que je résumerais ainsi, pour faire court : le cinéma asiatique s’est inquiété de son histoire, le cinéma américain de sa politique et le cinéma européen de la psychologie de la personne. En effet, la plupart des metteurs en scène asiatiques se sont posé la question de savoir si l’accélération du temps ne risquait pas de les couper de leurs racines et se sont retournés vers leur passé afin de s’y ressourcer en sagesse ; les cinéastes américains, pris dans l’engrenage de la violence de la guerre en Irak, se sont interrogés sur un avenir qui se complique et malmène leurs certitudes de grande puissance indéboulonnable ; alors que les réalisateurs européens, et principalement français, se sont focalisés sur les émois de la personne, sur les cas de rupture, de deuil, qui replacent l’être en face de lui-même. Une parenthèse est à ouvrir au sujet des femmes metteurs en scène qui ont plus spécifiquement axé leur réflexion sur la place dévolue à leurs consoeurs dans une société en mutation.
Il y eut aussi les films divertissants qui nous ont fait passer un bon moment, nous ont distraits et amusés sans pour autant délivrer de message. Citons La Vengeance dans la peau de Greengrass avec un Matt Damon, fringant héros survitaminé et terriblement efficace, Hors de prix de Salvadori, un opus sans vulgarité interprété par un duo d’acteurs séduisant, le charmant Ensemble, c’est tout de Claude Berri que l’on a savouré avec le même plaisir que le livre dont il s’inspire, sans compter le Angel de Ozon si puissamment évocateur d’une vie en train de se défaire, ou encore Lady Chatterley de Pascale Ferran tourné avec une caméra féminine par touches élégantes et délicates.
Je garde pour la fin les coups de coeur où entre, à l’évidence, une bonne dose de subjectivité, mais accordons-nous cette liberté de l’emballement spontané, de l’enthousiasme involontaire, cédons à la tentation de se laisser emporter par l’émotion du Scaphandre et du papillon, où Julian Schnabel a su éviter les risques et ne jamais sombrer dans le piège du mélo larmoyant, si bien que son film ne se contente pas de provoquer l’émotion, mais se révèle être, comme le livre de Jean-Dominique Bauby, une formidable leçon d’espoir. Même chose pour Le Mariage de Tuya de Wang Quan’an, un film d’une lenteur majestueuse qui trace un superbe portrait de femme, sorte de déesse de la terre, magistralement interprétée par Yu Nan. Par ailleurs, si My Blueberry Nights de Wong Kar-way n’est pas le chef-d’oeuvre attendu, il conserve cette facture personnelle d’une rare beauté esthétique qui frappe dès les premières images et nous permet de renouer avec le style, l’écriture d’un auteur hors du commun, alors que Un baiser s’il vous plaît d’Emmanuel Mouret nous dévoile un talent qui ne cesse de se confirmer, marivaudage d’un charme indéniable, invitant chaque spectateur à considérer avec humour les conséquences que peut occasionner un simple baiser. Enfin, il y eut La Môme d’Olivier Dahan qui bénéficie de l’interprétation étonnante d’une Marion Cotillard comme habitée, inspirée par son personnage et L’assassinat de Jesse James de Andrew Dominik qui revisite, avec un Brad Pitt inhabituel, la vie d’un brigand mythique, nous offrant une version modernisée de ce héros populaire américain, film bien construit, bien réalisé qui fut l’une des révélations du dernier Festival du film américain de Deauville.
J’ai gardé pour conclure ce que je considère comme le chef-d’oeuvre de l’année, je nomme La Vie des autres de Florian Henckel, oeuvre en tous points admirable, de par la construction solide du scénario, les séquences sans effets mélodramatiques et l’interprétation d’acteurs excellentissimes, particulièrement le regretté Ulrich Mühe, qui parvient à rendre convaincante sa métamorphose d’homme peu à peu rejoint par son humanité. Ne nous plaignons pas, l’année cinématographique fut bonne.
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