Bill Evans, un géant courbé
Quai de Seine un soir d’automne sous la pluie, une remontée de bulles à la surface après un épisode passionnel, deux amoureux transis sur un banc à Manhattan... Quelle musique choisiriez-vous si vous deviez mettre un fond musical sur ce storyboard romantique ?
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Pour ma part, c’est sans hésitation que je choisis la musique de Bill Evans, dans sa légendaire configuration : piano, contrebasse, batterie.
Ce qui caractérise le style Bill Evans, c’est la rythmique parfaite, le swing précis, des harmonies légères, élégantes. Pour s’en convaincre, mieux vaut encore écouter :
Depuis la formation de son tout premier trio en 1956 avec Tedy Kotick (contrebasse) et Paul Motian (batterie), Bill Evans n’a cessé d’être courtisé par les plus grands comme Charlie Mingus, John Coltrane ou encore Miles Davis avec lequel il enregistrera le fameux "Kind of Blue" en 1959.
Et pourtant, délaissant son rôle de sideman de luxe, c’est vers le fameux triptyque qu’il finit par revenir, même si l’on trouvera dans sa discographie un Bill Evans "Alone".
Avec lui, le trio apparaît effectivement comme la juste équation en jazz, comme en témoigne le chef d’oeuvre "At the Village Vanguard" enregistré justement au Village Vanguard, en 1961.
Malgré le choc du décès prématuré de Scott Lafaro, ami contrebassiste bourré de talent, Bill Evans restera fidèle à ses options, s’entourant successivement d’excellents professionnels à qui il sait donner toute leur place, et parmi eux, les contrebassistes Chuck Israel, Eddy Gomez et Marc Johnson, et les batteurs Paul Motian, Marty Morell, Eliot Zigmund et Joe Labarbera, ce dernier l’accompagnant jusqu’à la fin des années 70.
Avec son look classique et sobre de ses débuts, cheveux gominés plaqués en arrière, qui pouvait imaginer que Bill Evans se battait contre une solide addiction aux stupéfiants ?.
Avant qu’il ne connaisse la célébrité, l’homme avait côtoyé la déchéance et son cortège de dettes et de coups pendables.
C’est à croire que les génies sont dotés d’une ombre maléfique.
Au final, la dope aura précipité sa fin, une fin passée presque inaperçue tant la presse égrenait à cette époque le chapelet de ses victimes.
Bill Evans jouait penché sur son piano comme pour mieux sonder son âme, tel un certain guitariste, oreille collée sur l’instrument. Il est probable que les sons profonds qu’il y captait lui l’ont permis de mettre à jour de nouvelles teintes harmoniques.
En tout cas, son style aura influencé des générations de pianistes, Keith Jarrett et Herbie Hancock en tête, qui lui doivent beaucoup, notamment en matière d’empreinte rythmique.
La musique de Bill Evans sied parfaitement à l’automne. Une saison qui voit les feuilles tomber et les amours d’été s’éteindre doucement...
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