Blues From Laurel Lille
Ah, un jeune bluesman de 75 ans, c’est toujours bon écouter et c’était hier soir au Zénith de Lille. John Mayall, présenté sur scène comme le pape du blues anglais, ce que nul ne lui conteste... à part un peu moi (qui citerait plutôt Alexis Korner), car l’homme s’est écarté assez vite du blues, pour fabriquer une musique assez particulière, proche du blues certes, mais avec d’autres influences dont le skiffle et le jazz. Bref, John Mayall fait du blues, quand même, et l’invitation surprise reçue ce jour chez un de mes clients pour un concert surprise du soir m’a ravi, au point que je ne peux que vous conseiller de vous précipiter à la Rochelle, ou à Nancy, ou encore à Bruxelles, Cleon, Massy, Paris, Brest, Queven, Saint-Nazaire, Rouillac, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Perpignan ou… Monaco (belle tournée !), pour voir le prochain passage de l’homme qui a découvert entre autres Mick Taylor, Eric Clapton et Peter Green. Difficile de faire mieux. Les dates sont assez nombreuses pour que vous y trouviez votre bonheur...

Le blues étant tout de suite là hier soir avec "Help me to the day" de Freddy King, immense texan (noir) qui ouvre le concert, le guitariste Buddy Whittington prouvant alors qu’il est aussi un très bon chanteur. Hier soir, donc, ça commençait en effet en trio : un bassiste plutôt fort timide (Hanck Van Sickle), un batteur de métier (John Yuele, une trentaine d’années derrière Mayall), et une vraie révélation : un guitariste, Buddy Whittington, qui pourrait être le fils non reconnu de Popa Chubby, bien enveloppé et au son lourd. Très lourd ("couillu et jouissif" dit-on même sur un site à propos de notre natif de Fort Worth !), ce qui n’empêche la subtilité : notre bonhomme est Texan, et ça se sent. Il a lu tout son Freddie King quand il était petit, ce gamin. Et depuis débite son Hideaway (de Freddy King toujours, le morceau fétiche des BluesBreakers) sur les bouts des doigts avec une ferveur de moinillon grassouillet dont il a le look, peu flatteur il est vrai. Pas le genre à sortir avec Carla Bruni, comme Clapton, mais un son... un méchant son, et une analyse de la scène blues qui lui permet au milieu du concert de faire un meddley de tous les jeux de guitares apparus chez Mayall dans un long hommage, fort réussi, qui commence par Albatross de Peter Green pour flirter avec les Cream, pour repasser chez les Yardbirds en passant par du Mayall. Whittington sait tout jouer ou presque, et le répertoire de Led Zeppelin ne l’effraie pas. Il ne l’a pas fait à Lille, comme titre, seulement cité dans son pot-pourri, mais il le fera peut-être ailleurs. Un vrai régal... le gros bébé joufflu du blues est un ravissement. Adjoint à l’harmonica de Mayall, ça devient du costaud. A aller constater de visu sur scène impérativement, car franchement il vaut le détour.
Le plus beau moment du concert étant la version de "All Your Love" dans une des meilleures versions jamais faites, avec le batteur attitré de Mayall, Joe Yuele, à la frappe magistrale, et cette guitare de Whittington si peu tempérée. Mayall, la plupart du temps étant aux claviers, où il se révèle bien meilleur qu’à la guitare... ce qu’on savait déjà depuis longtemps. Mayall n’a jamais été un bon soliste. Sans oublier comme reprises réussies un "Pretty Woman" de toute beauté du grand Albert (King) extrait de l’album de Mayall "Crusade". Les titres vont ainsi s’enchaîner pendant une heure et demie dans une salle de plus tout jeunes, il faut l’avouer... où apparaît une nouvelle plaie de concert : les écrans de portables qui s’allument pour envoyer SMS ou mails. J’ai ainsi dû signifier à ma voisine d’en face qu’un concert ça ne se passait pas au bureau, ayant envoyé plus de cinq SMS en deux morceaux d’introduction de concert. Vraiment pénible. Encore quelques concerts, et à la fin, au lieu d’allumer leurs briquets, les spectateurs tendront à bout de bras leurs portables allumés : désastreux !
Mayall finissant à l’harmonica sans se départir de son sourire et de son flegme de lord (il a été anobli par la reine d’Angleterre !) par un Room to Move endiablé qui n’a pas pris une seule ride. John en a pris beaucoup, en revanche, il a littéralement fondu depuis 2003, mais sa voix bizarre est toujours intacte. Toujours aussi éraillée et aussi aiguë, mais reconnaissable à mille lieux. Et à l’harmonica, il est toujours le maître incontesté, et de loin. 75 balais et une foi dans le blues intacte. Indispensable. Précipitez-vous voir un vieillard éternellement jeune. L’occasion devient rare, beaucoup ayant déjà quitté la scène depuis. Le pape du blues anglais est bientôt à votre porte, pensez à vous payer les clés de son paradis.
Au premier rappel on a même eu droit à un One Life to Live évoquant sa dure condition de soldat anglais en Corée... (eh oui !) pour finir au piano Yamaha dans un boogie dont il a le secret. Avant d’aller le voir sur scène, pensez à vous remémorer ses titres : vous pouvez évidemment acheter tous les premiers, jusqu’à Jazz Blues Fusion, en passant par Blues for Laurel Canyon ou The Blues Alone, pour avoir une petite idée de son éclectisme ou, mieux encore, courir acheter le double album de son anniversaire, de ses 70 ans. Un double CD où vous pouvez vous repasser en boucle All Your Love... ou le I’m Tore Down de Freddy King toujours avec... Clapton. Grand moment : on y entend notre grassouillet de Whittington ferrailler avec Clapton, et ne pas avoir à en rougir, loin de là... Allez-y donc !
A noter qu’à Marcq-en-Barœul le 13 octobre, dans le cadre du même Festival Jazz en Nord, se produira un autre phénomène, dans un tout autre registre : Mike Westbrook, l’homme qui a réussi à mettre en musique William Blake (fabuleux disque !), et qui revisitera Abbey Road à sa façon, ce qui promet. C’est un des plus fins musiciens contemporains, qui a débuté son groupe en fanfare de rue il y a une bonne trentaine d’années maintenant. Ses concerts sont adorables, plein d’humour anglais avec des musiciens hyper-pointus. Indispensable !
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