Bob Dylan, the long distance tour
Il est debout derrière son clavier, se balançant parfois au rythme de la basse et de la batterie. Il a le regard baissé sur ses doigts dont on n’entend pas bien ce qu’ils jouent, et les quatre musiciens, de bons pros, l’entourent.
Ce qui m’a frappé, c’est qu’aucune des cinq personnes présentes sur la scène ne regarde le public. Dylan semble non pas détaché, mais concentré sur son monde, et les quatre musiciens ont le regard rivé sur lui, comme pour guetter un signe du vieux maître, ou comme s’ils craignaient de lui quelque colère.
Après une courte pause, en fin de concert, Dylan entame Like a rolling stone. C’est l’ovation, des spectateurs descendent des gradins et se massent devant la scène, espérant un moment d’émotion et de communion. Dylan a brièvement levé les yeux avant de les ramener à ses doigts sur le clavier, c’est le seul moment je crois où il a regardé les quelque 6000 personnes présentes. Pas un mot à leur intention, sauf pour présenter les musiciens.
Les mélodies ont été passées à la moulinette pour produire une sorte de roulement continu qui fait penser au rythme répétitif d’un train lancé sur ses rails. J’essaye de reconnaître les chansons d’origine : Maggie’s farm, Mister tambourine man, Ramona (sur un beau rythme valsé, mais j’ai regretté la mélodie d’origine), Masters of war, Love minus zero... Souvenirs et émotions affleurent, mais le train est passé, Dylan ne fera pas de rappel, et les accompagnateurs se précipitent pour démonter le matériel.
Reste sur le chemin du retour une question : pourquoi Dylan continue-t-il à tourner, sans fin, sur un rythme de plus en plus monotone et désincarné ?
Mais Like a rolling stone, chanson écrite en 1963, de toute évidence parle encore et toujours en ce début de XXIe siècle, peut-être plus que jamais :
How does it feel
How does it feel
To be on your own
With no direction home
Like a complete unknown
Like a rolling stone ?
A cette époque, Dylan a frôlé le ciel et maintenant il tourne toujours, loin dans la nuit*.
Peu importe, après tout, si l’étoile est lointaine, le contact est là, sa lumière est présente.
Blowin’ in the wind.
* La plus belle production de Dylan des dernières années est son autobiographie intitulée Chroniques, où l’on voit qu’il est aussi un grand écrivain. A lire aussi de Greil Marcus : Like a rolling stone. Deux excellents livres pour mieux entendre l’apport de l’immense Bob.
Clermont Ferrand, le 4 juillet 2006
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