Bon moment passé avec 12 hommes en colère
Actuellement au théâtre de Paris, est jouée la pièce « 12 hommes en colère », adaptation du célèbre long métrage de Sidney Lumet. Rendez-vous au coeur de la capitale pour une représentation d’une modernité frappante et séduisante. Rencontre aussi avec un Michel Leeb épatant, à son habitude...
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D’abord l’envie de faire un théâtre durant ces vacances de Noël, puis des amis ayant assistés à une des représentations, des critiques très favorables sur internet : tout me poussait à m’y rendre. Alors je m’y suis lancé, un peu sceptique au début il faut l’avouer. J’avais vu le long-métrage de 1957 qui, sur le moment, ne m’avait pas marqué. Et là, comment dire, je ressort du théâtre ravi. La pièce est d’une modernité séduisante. J’ai vraiment passé du bon temps.
Et pourtant, arrivé au théâtre mardi soir, la salle ne semblait pas très remplie. Il a même été possible de descendre du balcon à l’étage inférieur. Je ne vais pas m’en plaindre ! Le théâtre de Paris, non loin des grands boulevards et des grands magasins, est un cadre huis-clos agréable. La cadre est intime. Un rapport particulier se tisse très vite entre les douze acteurs et les spectateurs. Cela rend propice notre questionnement tout au long de l’intrigue.
Pas de « trois coups de battons » ! Les lumières s’abaissent, le rideau s’ouvre... Le décor sur scène est sobre. Il s’agit d’une vaste pièce isolée du tribunal comportant une longue table rectangulaire, des chaises, un vieux lavabo et une fontaine.
L’intrigue, contemporaine il faut l’avouer, me laissait un peu dubitatif avant la représentation. Elle est finalement d’un original déconcertant. Un jury doit statuer sur le cas d’un jeune homme de 18 ans, issu d’un quartier difficile, accusé du meurtre de son père. Tout accuse le suspect : la voisine d’en face l’a vu, le vieil homme du dessous l’a entendu, un commerçant lui a vendu le soir du meurtre le couteau que l’on a retrouvé dans le corps de son père. Pourtant lors du vote qui doit décider du verdict final, un juré ne lève pas la main pour le désigner coupable. Sa raison : « il n’est pas sûr ». L’unanimité étant requise, ont lieu deux heures de débat où chacun prend une position qui ne cesse de changer au rythme des arguments qui apparaissent, des révélations qui se font, des faits établis qui se désagrègent.
L’hétérogénéité présente parmi les personnages est bien sur parlante. Les cadres professionnels, culturels sont sans cesse confrontés. Les opinions opposées. Les jugements instinctifs confrontés aux convictions anti-raciales. Parmi ces personnages, un ouvrier, ou encore un homme d’abord discret puis confiant qu’il est issu d’une cité où régnait violence et corruption. Il y a aussi un homme décidé à quitter le tribunal au plus vite pour assister à une rencontre sportive. Il prend beaucoup de place dans le débat, peu être un peu trop. Le président tente de se faire écouter, parfois vainement car les délibérations sont rudes.
Les acteurs sont tous, bien sur, justes et pénétrants. La mise en scène est irréprochable : une tension qui va crescendo, une émotion véritable... Pendant que certains acteurs parlent, d’autres regardent par la fenêtre en arrière-salle... D’autres tournent encore le dos à l’audience. J’ai parfois plus eu l’impression d’être dans un bon film « américain » que dans une adaptation théâtrale. C’est certainement ce qui fait la fraicheur de l’interprétation.
La pièce est à la fois une réflexion sur la vérité et la justice et un plaidoyer contre la peine de mort. Elle révèle les contradictions des uns et des autres, leurs frustrations, leurs rancœurs, mais également leur humanité. Témoin forcément muet, le public ne sait comment réagir et réfléchit sur ses propres opinions.
Admiratif, je suis pourtant resté insatisfait sur quelques points. Il en faut bien ! D’abord insatisfait sur les positions qui, à mon goût, sont parfois trop caricaturales. Mais encore une fois, l’opposition fait aussi l’intensité émotionnelle de la pièce. Ensuite j’ai trouvé parfois l’intrigue « tourne en rond », mais c’est ce qui m’avait fait, déjà, détourner les yeux du film. Enfin tandis que certains silences sont justifiés et mérités, d’autres mettent le spectateur mal à l’aise. En effet, les dialogues sont parfois violents, criés, les hommes étant prêts à se battre. Mais d’autres fois, rien ! Il s’agit notamment du moment où l’agent nommé par le tribunal entre sur scène pour déposer les chaises au sol. Dès le début, ces silences sont un peu troublants.
Je suis bien sorti silencieux de la représentation : bouleversé, troublé, m’interrogeant sur mes propres convictions... C’est donc une pièce à conseiller. Mes souvenirs en seront très bons. Il faut vraiment s’y rendre les yeux fermés.
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