Camp d’internement des Milles : pour que le monde sache...
Lundi 10 septembre 2012, l'inauguration du mémorial d'un camp d'internement et de déportation en France, ce n'est pas courant de nos jours ! Aix en Provence est lié à son festival d'art lyrique, jamais de "son" camp qui, en 1942, alors encore en zone libre, envoya plus de 2000 juifs à Auschwitz...

Il y a une semaine, jour pour jour, je retrouvais le Sud et Aix-en-Provence munie d'une invitation pour l'inauguration du site Mémorial du Camp des Milles, seul camp d'internement et de déportation encore intact qui subsiste en France. Difficile d'ignorer cet événement annoncé par une grande partie des médias nationaux à la grande surprise de beaucoup de Français qui ne connaissaient pas l'existence de ce camp dont il faut rappeler que ce fut une gigantesque tuilerie centenaire s'étalant sur sept hectares.
Bizarrement, la presse nationale et locale a situé le village des Milles "près d'Aix", "à côté d'Aix", "proche d'Aix", "au Sud d'Aix", comme si le camp tragique ne faisait pas partie de la commune d'Aix-en-Provence. Mais Aix ou Les Milles, c'est la même chose ! D'ailleurs le cimetière du village est l'extension logique de celui du centre ville d'Aix, Saint-Pierre, qui est depuis longtemps saturé. Bon nombre de familles aixoises y reposent.
Les Milles sont rattachés à Aix depuis 1903 ! Et sa mairie est devenue la première mairie annexe de la ville. Etrange n'est-ce pas cet oubli d'Aix pour "son camp". Il est plus flatteur de présenter pour le tourisme Aix comme étant rattachée à son festival d'art lyrique, perpétuelle ode à Mozart, que de l'associer à un camp d'internement et de déportation. Mais bon…
Ce lundi 10 septembre, sous une chaleur écrasante, je faisais la queue au beau milieu des G3, c'est-à-dire les invités de troisième catégorie. Après les contrôles classiques, (pièce d'identité, carton d'invitation et confirmation préalable obligatoire) pas de passage sous des détecteurs malgré le service de sécurité de Matignon soi-disant en alerte rouge (veille du 11 septembre, possibilités d'attentats antisémites) et une impressionnante présence policière liée à la venue du premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
L'organisation du site avait sous-estimé la température quasi caniculaire de cette journée. Des barrières séparaient les G1, G2 des G3. G1 Matignon, ambassadeurs, G2 officiels locaux, G3 invités. Devant l'imposante bâtisse, une petite estrade surplombée d'une bâche blanche attendait les intervenants mais rien pour protéger de la chaleur les cervelles forcément sublimes des officiels. Des parapluies de pluie noirs leur furent finalement distribués. Mais rien pour tous les G3, dont beaucoup de personnes âgées, qui se précipitaient sur les bouteilles d'eau passant devant elles mais destinées aux officiels. Pour les G3, seulement deux tentes. L'une avec quelques chaises prises d'assaut et l'autre où on servait à boire. Les gens s'asseyaient un peu n'importe où pour y trouver de l'ombre en attendant l'heure du début de la cérémonie. Atmosphère digne et tenues en rapport. Pas vraiment de couleurs susceptibles de venir égayer un œil résolument sombre et pour cause…
Les G2 arrivaient petit à petit. Christian Kert, Maryse Joissains étonnamment en bémol mais qui avait dû être briefée, Alexandre Medvedowsky, prochain candidat à l'investiture primaire PS à la mairie d'Aix, accompagné de son père, mémoire vivante de Schléma Medvedowsky, immigré russe, mobilisé comme Médecin lieutenant, résistant, fusillé par la milice de Vichy, qui reçut la médaille militaire de la Résistance et la Croix de guerre avec palmes à titre posthume. Respect.
Eugène Caselli et Jean-Noël Guérini, notre toujours président du CG, ont fait un duo attendrissant. Ils ne se quittaient pas. Debout, comme assis. Toujours à côté l'un de l'autre. Touchant. Car Jean-Noël Guérini faisait un retour officiel pseudo-triomphant mais certainement éphémère. Beaucoup d'arrogance dans son regard devant les officiels locaux PS qui l'ont donné pour mort. Normal. Mais la meute c'est la meute. Il lui faut être prudente pour exister. Pour l'instant, mieux vaut écarter celui qui les discrédite et qui a un passé un peu trop marqué avec Martine Aubry. Cerise sur le gâteau de JNG, le premier ministre dans son discours le remerciera, le citant, évidemment sans l'ombre d'un battement de cil trahissant sa mise en examen sur des marchés publics présumés frauduleux. Cool Jean-Marc Ayrault. Il est vrai que le CG de JNG a quand même contribué à quelque 500.000€ pour la rénovation du site qui aurait dû être détruit en 1983.
Patrick Mennucci (avait-il sa veste doublée de satin rouge ?) n'en pouvait plus devant ce parterre ministériel. Pas simple d'acquérir une élégance de style quand on n'a pas les bases essentielles. Quel travail en perspective pour briguer correctement Marseille en 2014. Surprise ! Stéphane Salord était présent mais pas avec les G2. Il était parqué avec les G3 au-delà de la barrière séparatrice des élus. En jean un peu crade et pas vraiment top (pas simple la dégringolade politique), j'ai failli verser ma petite larme.
Et puis, au-delà de ces contingences vulgaires, Alain Chouraqui, Président de la fondation, magnifique de ténacité, en présence de son père Sidney, celui par qui tout est arrivé, celui par qui tout restera. Son discours d'une vingtaine de minutes digne, poignant, a figé tout le monde, le temps compris.
Pasteur Henri Manen, Aumônier du Camp- "Juste parmi les Nations", devant le convoi du 2 septembre 1942 :
"Ce qui était particulièrement douloureux à voir c'était le spectacle des petits enfants. Car des ordres stricts furent donnés en dernière heure tels qu'au-dessus de 2 ans, tous devaient obligatoirement partir avec leurs parents… des enfants tout petits, trébuchant de fatigue dans la nuit et dans le froid, pleurant de faim… de pauvres petits bonshommes de 5 ou 6 ans essayant de porter vaillamment un baluchon à leur taille puis tombant de sommeil et roulant par terre, eux et leurs paquets, tout grelottants sous la rosée de la nuit. De jeunes pères et mères pleurant silencieusement et longuement dans la consternation de leur impuissance devant la souffrance de leurs enfants. Puis l'ordre fut donné pour quitter la cour et partir au train."
- Discours de Jean-Marc Ayrault
Le devant du site avant l'entrée des invités
Les "G3" devant l'entrée sous un soleil de plomb
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Les salutaires parapluies noirs
Rush sur un peu d'ombre...
Avec les G3, Stéphane Salord, au top, en jean
La Salle des Peintures
Photos Cixi-Hélène
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