Charme de Provence en Italie
Nous faisons une brève histoire de la présence des Provençaux en Italie du Sud et ainsi nous comprenons pourquoi aujourd’hui encore dans certaines de ces zones on parle le français.
Les souverains les plus puissants et les dynasties les plus nobles tombaient facilement amoureux du sud de l’Italie, en raison de son charme, de son climat, de sa mer, de ses innombrables beautés. Tout le monde en était enchanté : les empereurs romains, les Normands, les Souabes, les Angevins, les Espagnols... Cette stratification des cultures au fil du temps a donné au sud de l’Italie la richesse historique et monumentale qui caractérise les différentes villes et villages.
Certains endroits du sud de l’Italie conservent un charme provençal, depuis que le souverain conquérant Charles Ier d’Anjou (1226-1285), ennemi juré de Frédéric II de Souabe et de son fils Manfred, a étendu ses mains sur Naples et la Sicile, renversant ses prédécesseurs et devenant roi.
Si vous vous rendez dans la ville apulienne de Lucera, vous aurez l’occasion de visiter l’immense forteresse que Frédéric II de Souabe avait lui-même construite en 1233 et que Charles Ier avait entourée d’un mur de 900 mètres entre 1269 et 1283, en deux étapes, en y intégrant l’ancien palatium de Frédéric II. La forteresse se dresse sur le Colle Albano et est connue sous le nom de forteresse souabe-angevine. Frédéric II y avait déporté trente mille musulmans de Sicile, faisant de Lucera une importante colonie musulmane. Charles Ier d’Anjou assiège Lucera et l’affame, malgré la résistance acharnée opposée par les Sarrasins. C’est à Tagliacozzo, dans les Abruzzes, en 1268, qu’a lieu le dernier acte de la puissance souabe en Italie. Charles Ier d’Anjou bat les troupes de Corradin de Souabe, devenant en fait, le maître de l’Italie du Sud. À Lucera, il réunit une communauté de Provençaux, qui sont importés dans le Royaume de Naples à des conditions très avantageuses : gratuité des biens (terres, pâturages, puits et eau courante, céréales, logement) ainsi que de l’argent et exemption décennale des impôts.
L’ouvrage est achevé par son fils Charles II d’Anjou, dit le Zoppo (1254-1309), qui fait disparaître tous les harems et tous les lieux de culte islamiques de la ville et et entame une puissante œuvre de christianisation, en érigeant la cathédrale dédiée à Santa Maria dell'Assunta (consacrée en 1302), qui prit la place de la mosquée sarrasine démolie, et changea également le nom de la ville : Lucera, pour un temps, sera appelée la ville de Sainte Marie.
Charles Ier, le père du premier, avait également fait reconstruire entièrement Ariano Irpino, une ville de Campanie, et toutes ses églises, qui avaient été détruites par les Souabes et les musulmans de Lucera.
Une autre commune franco-provençale de la région des Pouilles est la petite Celle di San Vito, dans la province de Foggia comme Lucera. C’est la plus petite municipalité de la région, avec environ 150 habitants. Le provençal est parlé à Celle depuis des siècles. Les Provençaux amenés par Charles Ier sont allés occuper les cellules d’un ancien couvent en ruines et c’est ainsi que s’est lentement formé le petit village de Celle San Vito. Il y a aussi l’Arc des Provençaux, qui donne encore accès à la route qui contourne le centre historique. En 2022, une statue de Charles Ier d’Anjou y a été inaugurée.
Avec la commune voisine de Faeto, il représente la seule minorité franco-provençale présente dans le sud de l’Italie. Cette minorité linguistique est reconnue par la loi depuis 1999.
Celle, Faeto et Lucera sont situées dans la Daunia, une région habitée par les anciens Dauni, c’est-à-dire les habitants du nord des Pouilles, et correspondant aujourd’hui à la province de Foggia.
Nous avons brièvement mentionné Ariano Irpino, une ville noble de la province d’Avellino, et nous passons maintenant à la province de Bénévent, à San Marco dei Cavoti, une autre jolie ville où l’influence des Provençaux était très forte. Cette fois, c’est un Sabran qui a repeuplé le village. Les Sabran étaient des parents de la première épouse de Charles Ier, Béatrice de Provence (sa seconde épouse était Marguerite de Bourgogne). Les Sabrans de San Marco étaient les seigneurs féodaux du village. L'un d'entre eux, Louis Sabran, pour repeupler le fief, après que la région de San Severo ait été dépeuplée par la peste de 1348 et après l’assaut des Hongrois sur le royaume de Naples, lança une invitation aux Provençaux à venir dans la région, suivant la même politique de repeuplement à des conditions favorables qui avait été poursuivie par Charles Ier.
Les Sabrans étaient très dévots de Saint-Marc, comme les Provençaux en général, et lui dédièrent le nouveau pays. À l’origine, pendant de longs siècles, il s’appelait San Marco dei Gavoti, c’est-à-dire fondé par les Gavotes, les habitants de la ville de Gap, dans les Alpes franco-provençales. Plus tard, l'expression linguistique, par un processus naturel d’adaptation, est devenue “dei Cavoti”. Dans le village, il y a la “Tour des Provençaux” attachée à l'église de San Marco. Très peu de personnes, peut-être seulement les habitants, savent qu'il y a de nombreuses années, il y a eu un jumelage entre la ville de Gap et San Marco dei Cavoti. Il a été initié par un maire de l’époque, mais le véritable architecte était une professeure de langue française de la municipalité en question, amoureux de la culture française. J’ai fait une recherche sur Internet, de wikipedia aux sites institutionnels, mais je n’ai rien trouvé. Il est peut-être temps d’en reparler.
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON