Chronique, La Confusion des temps, Brigitte Dubicki, collection élan d’elles, Élan Sud
La Confusion des temps commence sur la route de Hammam Bou Hadjar, en Algérie, qu’Alice emprunte pour la première fois, village que lui a conté tant de fois sa mère, celui de sa naissance et de l'époque de vie dont cette dernière se souvient encore.
Elle s’imprègne des couleurs, des senteurs, des rondeurs des collines desquelles elle peut enfin goûter la réalité. Il était temps qu’elle y aille, car sa mère a déjà quitté la mémoire à court terme, et chaque événement qu’elle vit maintenant à la maison de retraite la renvoie dans son passé, par bribes, dans le désordre, mais avec une précision infaillible.
Présent et passé se superposent en la laissant parfois désemparée par ce qu’elle croit voir ou vivre. Mais les souvenirs sont bien là, et elle se confie.
Alors, nous faisons des allers et retours entre les trois générations qui ont précédé Alice, ces vies de femmes venues d’Espagne au XVIIIe siècle pour s’établir en Algérie, avec plus ou moins de fortune, plutôt moins, car les hommes disparaissent au fil du temps, de maladie, d’accident ou de mort au combat. Ces femmes, encore enfants, doivent abandonner leurs études avec regret pour aller vendre les gâteaux faits par la mère et rapporter quelques sous, pour survivre.
L’Algérie du début du XXe est fertile, des grandes exploitations agricoles fleurissent. Les migrants espagnols ne sont pas des colons, pas comme les Français qui viendront après, avec tout leur mépris, leur arrogance…
Ce roman, plein de poésie, de tendresse, mais aussi de douleur, d’effort, et parfois de misère, nous permet de relativiser la notion de confort dont nous profitons aujourd’hui face à la difficulté de ces familles à accéder à ses formes les plus basiques.
C’est la combativité, l’abnégation des femmes, et c’est le retour sur des racines oubliées dont on a tous besoin de retrouver les traces, les sensations, pour comprendre, et continuer d’avancer.
Cette chronique pourrait continuer ainsi tant Brigitte Dubicki aborde de sujets sensibles qui nous touchent, chacun à notre façon, tant elle aborde avec précision le quotidien, grâce à la transmission faite par la mère, toujours prête à repartir, en chaussons et robe de chambre, prendre le bus, et retrouver sa maison d’Hammam Bou Hadjar… « Tu vois, ce sera là-bas, après les deux eucalyptus ! Tu tournes à gauche et c’est la maison avec un grand porche marron foncé, un portail vert. À côté, il y a la fenêtre de la salle à manger, avec des barreaux. C’est facile ! »
Lauréate du Prix première chance à l’écriture 2019, ce roman a déjà été remarqué par le Prix Chronos dont nous connaîtrons le gagnant au printemps 2020, mais à lire ou entendre les retours des lecteurs, inutile de dire qu’il a déjà gagné le cœur des lecteurs qui attend la suite, la partie qui concerne la branche paternelle, tout aussi captivante…
Un premier roman abouti et réussi, une auteure à suivre.
Extrait :
Des plaines bordées de cyprès, de longs chemins rectilignes menant à des fermes aux toits bien rouges, des porches bâtis au milieu de nulle part. Des forêts d’eucalyptus alternaient avec des champs d’oliviers, des mimosas des quatre saisons, des caroubiers aux troncs arqués, des poivriers et leurs fruits rouges, les feuilles vertes des orangers protégeant leurs fruits aux rondeurs parfaites. Les hibiscus surveillaient les rangs de vigne. Les couleurs étaient reines, rouge de la terre et bleu du ciel, vert des champs semés d’orange, gris argenté et blanc nuage. La montagne au fond longeait la plaine, la mer à droite renvoyait tous les éclats de cette terre gorgée de nourriture. Plus au sud, le vert sombre des marécages de la sebkha d’Oran, envoûtante, aux contours secrets.
La Confusion des temps
EAN 9782911137662
18,00 €
Résumé de l'éditeur :
Une famille d’origine espagnole s’installe en Algérie au début du XIXe siècle. Suivent trois générations de femmes marquées par une vie de labeur.
Un siècle plus tard, en France, Luisa ne se souvient plus de son présent, mais son esprit se promène toujours dans les oliviers et les dunes, s’enivre du parfum des orangers et du jasmin, et espère encore l’amour de Théo parti trop tôt. Sa fille Alice l’accompagne sur les traces du passé avant que le vent du désert ne les efface.
Prix première chance 2019, ce roman aborde la condition de la femme à travers le temps et le déracinement des familles contraintes de quitter leur pays de naissance.
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