Dans les salles cette semaine, J’ai rencontré le Diable est le dernier film en date de Kim Jee-Woon, l’auteur du magnifique A Bittersweet Life et du délirant LeBon, la Brute et le Cinglé. Un pitch réjouissant, une réalisation épatante, des acteurs magistraux : J’ai rencontré le Diable a tout pour séduire et plaira indubitablement aux amateurs d’objets radicaux. Pourtant, les fans du cinéaste ne s’y tromperont pas : Kim Jee-Woon peut mieux faire.
On ne présente plus Kim Jee-Woon, réalisateur sud-coréen à qui l'on doit entre autres le drame horrifique Deux Sœurs, le film noir A Bittersweet Life et le western oriental Le Bon, la Brute et le Cinglé. Après un parcours sans faute, le cinéaste revient vers le genre du thriller noir. Très noir. L’histoire repose sur un duel impitoyable : d’un côté, un tueur psychopathe, et de l’autre, le fiancé de l’une de ses victimes. Le fil rouge du scénario est simple : le premier est poursuivi par le second qui entreprend de lui faire vivre un véritable enfer. Un film sadique, violent et nihiliste, en somme.
N'y allons pas par quatre chemins : Jeong Gyeong-Chul (Choi Min-Sik) est un monstre sanguinaire de la pire espèce, qui viole et assassine toute personne de sexe féminin un tant soit peu attirante, adultes ou enfants, qui aurait le malheur de croiser son chemin. Sa brutalité n'a d'égal que le sadisme de son mode opératoire puisqu’il découpe en morceaux ses victimes alors que celles-ci respirent encore. Même pour les plus réfractaires à la peine de mort, difficile de ne pas souhaiter voir le bonhomme crever d’une fin atroce, de préférence administrée par un proche de l’une de ses proies. Par exemple Kim Soo-Hyeon (Lee Byung-Hun), un agent secret déchu dont la fiancée est sauvagement assassinée par le tueur. Le cinéma d’action sud-coréen est réputé pour ses thrillers impitoyables et J’ai rencontré le Diable ne déroge pas à la règle : la vengeance de Soo-Hyeon sera à la hauteur des crimes insensés de Gyeong-Chul. Toutefois, plutôt que de reposer sur la quête de l’assassin par le personnage principal, ce vigilante voit le vengeur retrouver rapidement la trace de sa cible, là où les flics en restent sans voix – comme souvent dans les thrillers coréens, police rime avec comble de l’incompétence (voir The Chaser et bien d’autres). Ainsi, au lieu de tuer son ennemi, Soo-Hyeon l'interrompt dans ses ébats, le passe à tabac, pour le soigner ensuite et le laisser partir afin de faire durer le plaisir de la traque. Le chasseur devient la proie, et le moment de la vengeance ne s’étend plus seulement sur un climax cathartique mais constitue le gros morceau du film.
Au contraire des vigilantes américains qui érigent souvent le vengeur en une sorte de justicier purificateur, J'ai rencontré le Diable soulève une question de taille : à partir de quand le vengeur devient-il un monstre comparable à celui qu'il condamne ? J’ai rencontré le Diable pousse l’amateur du genre dans ses derniers retranchements, quitte à provoquer l’écœurement, et s’impose comme un film extrême, voire extrémiste, atteignant un degré de férocité inouï. Tous les coups sont permis : couteaux, tenailles, serpes et toute sorte d'arme blanche est employée pour faire passer des moments inoubliables à Gyeong-Chul, grâce à l’imagination sans borne de Soo-Hyeon. D’autant que Soo-Hyeon fait preuve d’un réel acharnement : même lorsque Gyeong-Chul se réfugie chez son meilleur pote, un cinglé qui garde des filles dans sa cave pour les martyriser et les promener en laisse, il a tout juste le temps de sauter bestialement la maîtresse de maison que Soo-Hyeon débarque déjà sur place tel un fléau pour mettre le bazar dans cette tranquille demeure (mention au plan excellentissime où Lee Byung-Hun, alias Soo-Hyeon, évite de justesse un coup de fusil à pompe dans un couloir).
Outre une réalisation haute-gamme et maîtrisée, J'ai rencontré le Diable s'offre une photographie de toute beauté (certains plans sont empreints d’une poésie macabre) et s'accompagne d'une partition musicale inspirée. On ne se fatigue décidément pas du style de Kim Jee-Woon. Pourtant, J’ai rencontré le Diable n’est pas exempt de défauts, avec en première ligne, sa longueur. Puisque l’intrigue repose sur le jeu pervers du chasseur et de sa proie, le scénario joue sur un effet de répétition qui finit quelque peu par s’essouffler – 2h24 de bobine, c’est tout de même long pour un film au concept aussi simple. Kim Jee-Woon a bien raison d’aimer ses acteurs, Choi Min-Shik (Old Boy) et Lee Byung-Hun (A Bittersweet Life mais aussi Le Bon, la Brute et le Cinglé) sont magistraux, le premier par son énergie et son humour salvateurs, le second par son mélange de froideur et de sensibilité intériorisée. Mais à force de se reposer sur les deux superstars, le cinéaste néglige le développement de ses personnages, dont les tourments sont superficiellement explorés, et en oublie d’insuffler de réels enjeux dramatiques à cette chasse à l’homme qui aurait dû être désespérée et qui s’avère juste divertissante.
Alors oui, nous l’avouons, nous avons été un peu déçue. Rien de grave puisque l’expérience ne provoque nullement l’ennui. Mais J’ai rencontré le Diable ne possède pas la flamme d’A Bittersweet Life, qui teintait son univers ironique de gangsters crapuleux d’un soupçon de tragédie toute coréenne, auquel venaient répondre des pointes d’action enragée. Ceux qui ne connaissent pas Kim Jee-Woon se montreront peut-être plus indulgents. Quoiqu’il en soit, même s’il ne s’agit pas du meilleur film de son auteur, J’ai rencontré le Diable devrait retenir toute l’attention des amateurs d’objets radicaux.
Notons que le film a engrangé environ 1,8 million d’entrées et qu’il est sorti à la même période qu’un autre vigilante, The Man From Nowhere (avec Won Bin), un film lui aussi très violent et très gore qui a réuni plus de 6 millions de spectateurs ! Autant dire que les critères définissant un film comme grand public varient sensiblement d’un pays à un autre. Cela dit, au contraire de The Man From Nowhere qui se caractérise par une morale plus consensuelle, J’ai rencontré le Diable s’est heurté dans son pays aux foudres de la Censure, certaines scènes ayant été jugées « dégradantes pour la dignité humaine ». J’ai rencontré le Diable sort donc en salles dans une version édulcorée : la scène de sexe dans la maison vient remplacer une scène de cannibalisme. Il n’y a plus qu’à espérer retrouver la scène alternative dans le DVD et le Blu-ray.
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Wah, voila le commentaire de quelqu’un qui ne connait strictement que dalle à ce qu’il raconte.
Attention hein, l’Asie c’est grand, la production y est gigantesque, ça dure depuis très longtemps et y en a pour tout les gouts et pour tout les niveaux de toutes les époques.
J’arrive pas à croire qu’on puisse se moquer du cinéma de tout un continent et de 3 milliards de personnes aussi facilement... snobisme à la con.
Il vous faut faire la différence entre les cinéma asiatique, le cinéma sud coréen est très bien fait, l’histoire et les acteur sont vraiment très bien(bon pour les noms je vous l’accorde faut suivre « »), le suspense très bien, j’avais vue 2 film sud coréen, fighter in the wind et un autre entre garde frontière nord sud, ils sont très doué pour le policier et le drame, franchement c’est un mix entre le cinéma japonais, coréen et un tous petit peu d’occident, c’est ce que j’appel du grand cinéma, si hollywood te pond une daube, les coréen t’en font un chef d’œuvre, de plus la flimographie est exceptionnel, il gagnerais à être connu.
Vous confondé avec les mauvais film chinois qui je vous l’accorde sont nul « », sauf quelque un je vous conseil « ip man »
Réponse bateau d’un excité des forums d’agoravox, dommage que ce soient toujours ceux-là qui réagissent en premier. Merci en tout cas de nous faire partager votre amour (snob) du cinéma !
J’ai déjà vu I saw The Devil (J’ai rencontré le diable) il y a au moins 6 mois.
J’avais vraiment beaucoup aimé, voir le héros se venger sur un psychopathe de la pire espèce c’est sincèrement jouissif.
On pourra regretter quelques facilités mais la mise en scène est ultra efficace et nous fait oublier les quelques écarts qu’on peut facilement justifier par plusieurs scènes coupées pour éviter la censure.
Pour ceux qui n’aiment pas le gore mais qui souhaitent quand même voir un bon, que dis-je un excellent thriller Coréen, je ne peux que leur conseiller le sublime Memories of Murder, basé sur une histoire vraie.
Oui, Memories of Murder est un excellent film !!! J’ai aussi beaucoup aimé le tout dernier Bong Joon-Ho, Mother. Un thriller atypique, fort et dérangeant.
Memories of Murder est vraiment un super bon film. D’ailleurs il y a Song Kang-ho qui joue dedans. Sans déconner c’est une des meilleurs acteurs du monde, j’ai jamais vu ça. Il suffit de voir trois ou quatre rôles différent pour se rendre compte de l’énormité et de la justesse de son jeu.
Sinon dans le genre complètement barré, il y a le méconnu Save the green planet.
... Et bien sur Old Boy. Un film qui prend au tripes.
C’est vrai que le cinéma Coréen à le vent en poupe depuis quelques années, mais l’Asie c’est très grand. On trouve des chefs d’œuvres de tout les pays. Évidement rien que le Japon qui a la plus longue tradition cinématographique du continent et une des plus ancienne du monde a produit un nombre incalculable de chef d’œuvre du cinéma.
Le diable un sadique de la pire espèce ? même lui a fini par me décevoir. Dommage que d’utiliser les mots à tort et à travers pour faire du sensationnel au cinéma. Le diable c’est dans l’exorciste pas un type qui trucide ses victimes !