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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Cinéma : Le vent se lève, de Ken Loach

Cinéma : Le vent se lève, de Ken Loach

La scène se passe dans la campagne irlandaise, en 1920. Quelques jeunes, après une partie de cricket, se retrouvent dans une ferme, saluent les anciens, discutent. Une troupe britannique arrive, hurlante. Les jeunes sont alignés le long d’un mur et doivent décliner leur identité sous la menace des armes. Un jeune de dix-sept ans s’obstine à répondre Micheail, à la façon gaélique. “Dis ton nom en anglais”, lui intime, furieux, l’officier britannique. Le jeune homme ne veut (ou ne sait) pas. Il est torturé et fusillé sur place sous les yeux de sa mère, de sa soeur, de ses amis. Plusieurs d’entre eux rejoignent l’IRA, l’armée républicaine irlandaise. Notamment Damien et Teddy, deux frères, les deux personnages principaux du film avec Sinead, la soeur de Micheail.

Ainsi commence le film de Ken Loach, Le vent se lève. Fiction inspirée de l’histoire réelle de l’Irlande.

En 1916 la première révolution irlandaise a été réprimée dans le sang à Dublin mais, juste après la guerre, la population irlandaise a donné la majorité de ses voix aux candidats indépendantistes irlandais du Sinn Fein. Ces députés ont constitué leur propre parlement et proclamé l’indépendance de l’Irlande, indépendance refusé par le Royaume-Uni. Les Irlandais bâtissent pourtant leur nouvel Etat, avec une armée, un parlement, une justice, ce que le film montre bien. Ils sont soutenus par une part importante de la population. Des dénonciations ont lieu : les traîtres sont fusillés, riches ou pauvres. Les jeunes membres de l’IRA deviennent des soldats capables de tuer de sang-froid pour leur cause.

Choisir la paix ?
En 1921, le Royaume-Uni propose un accord de paix, signé par les leaders irlandais, notamment Michael Collins, qui sera tué un an plus tard en Irlande par un Irlandais en désaccord avec le traité. L’Irlande est reconnue comme un Etat indépendant mais reste un “dominion” de l’empire britannique. Pire, le nord du pays, l’Ulster, est détaché et reste dans l’empire britannique. Dans la troupe de Teddy et Damien, le débat est rude. Faut-il accepter cet accord imparfait ou continuer la guerre ? “Il y a 3500 fusils en Irlande, comment espérer battre le Royaume-Uni ?” demande l’un, partisan du traité, et Teddy est d’accord avec lui. Mais la majorité n’est pas d’accord et veut continuer le combat. Damien est sur cette ligne parce qu’il veut aussi bâtir une république plus juste, plus sociale. Une véritable guerre civile s’engage entre Irlandais, entre partisans des accords et opposants. Entre amis, entre frères, entre Teddy et Damien.

Les guerres d’indépendances, des guerres civiles existent depuis longtemps, et il y en a encore aujourd’hui. En voyant ce film, j’ai pensé à Jean-Marie Tjibaou, tué par un autre Kanak pour avoir signé les accords de Matignon, en 1988, sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. J’ai pensé à Gandhi également, assassiné après la séparation de l’Inde et du Pakistan, séparation à laquelle il s’opposait mais qu’il n’avait pu empêcher...

La tentation de la violence 
J’ai repensé aussi à ces propos que j’entends parfois en Bretagne : “Si nous faisions comme les Corses (sous-entendu en posant des bombes), nous obtiendrions plus”... Trois jeunes Corses se sont tués en posant des bombes durant l’été, est-ce là l’avenir que nous souhaitons pour la Bretagne ? Il est clair que l’Etat français donne souvent l’impression d’être plus à l’écoute des violents que des non-violents, cruel paradoxe d’une démocratie imparfaite. Mais une fois la violence enclenchée, personne ne peut plus la contrôler, et les frères en arrivent à s’entretuer. L’histoire en montre de nombreux exemples, comme le fait le film de Ken Loach.

L’Irlande est devenue indépendante après 1921, mais la guerre a duré encore longtemps en Irlande du Nord. En 1998 de nouveaux accords de paix ont permis des avancées, mais ils semblent en panne depuis plusieurs années.

Le vent se lève est un film remarquable. Il nous force à réfléchir à la guerre, la guerre entre les peuples, entre les Etats, mais aussi à la guerre civile, à la guerre dans les familles. Pourquoi faire la guerre, jusqu’où ? Pour bâtir un nouveau pays, mais quelle sorte de pays, quel type de société ? Quand et comment arrêter une guerre et choisir la paix ? Et quelle sorte de paix ? Toutes questions essentielles que le film de Ken Loach aborde sans détours.
Christian Le Meut

* Hasard de l’actualité, l’Agence Bretagne Presse a publié hier, lundi, cette brève : "Une Irlandaise arrêtée pour avoir parlé gaélique dans les rues de Belfast. Une Irlandaise du Nord qui parlait gaélique avec ses amies dans une rue de Belfast a été insultée par la police qui aurait qualifié le gaélique de langage des leprechauns (les leprechauns sont l’équivalent des korrigans bretons, le mot anglais leprechaun vient du gaélique Lechorpan qui signifie petit bonhomme). On lui aurait demandé de parler la langue anglaise de la reine. Ayant refusé d’obtempérer, elle a été arrêtée pour obstruction et désordre public.
 


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16 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 30 août 2006 10:43

    Parler un langue celtique serait-il un crime de lèse-majesté ? Restons donc de ce côté-ci de la Manche ! Mais ne cachons pas dans la nôtre (de manche) des cocktails hostiles au pays que nous avons rallié jadis et qui est le nôtre : la France.

    God save the Irland say the heroes.


    • Pascale Lagahe paslyon 30 août 2006 11:38

      puisque ma critique trop courte n’a ps été retenue par le comité de rédaction, je profite de votre billet pour la mettre dnas les commentaires

      De la guerre d’indépendance à la guerre civile...

      Il y a des cinéastes qui, malgré les années, parviennent à rester modernes, tout en conservant leurs idéaux. Ken Loach, fait parti de ces grands metteurs en scène. Depuis le début de sa carrière, le réalisateur britannique s’attache à traiter des sujets sociaux tels que l’injustice, le travail, la pauvreté (Sweet Sixteen, The Navigators ou Bred and Roses. Pour son dernier film (l’on espère pas le dernier), Ken Loach ne déroge donc pas à la règle. Il choisit un thème politique particulièrement sensible : le début de la guerre civile en Irlande. Afin de mettre en scène une histoire réaliste avec des personnages forts, il fait appel au scénariste Paul Laverty. Les deux hommes allient alors leur talent pour réaliser un film chargé d’émotions.

      Le résultat ?

      « Le vent se lève » c’est avant tout des destins d’hommes et de femmes, unis dans le même combat, qui finiront par se déchirer, tiraillés entre le désir de paix et de liberté. « Le vent se lève », c’est aussi l’histoire des révolutionnaires irlandais, opprimés durant des siècles, luttant contre l’armée britannique, à l’image des maquisards français durant le deuxième guerre mondiale. Le parti pris est indéniable mais l’histoire aussi. Ken Loach ne nous épargne donc pas la violence, la peur, la torture. C’est dur, parfois même insoutenable. Malgré tout, on ne se lasse pas de la manière dont le réalisateur parvient à nous faire ressentir des sentiments forts et bouleversants. « Le vent se lève » fait définitivement parti des films qui vous touchent, vous remuent l’estomac et vous rappellent l’histoire, aussi complexe soit elle, d’une façon toute singulière.


      • Forest Ent Forest Ent 30 août 2006 12:16

        « Le vent se lève » est incontestablement un bon film. Mais ce n’est pas un Loach habituel. Sa facture est plus classique, et il pourra plaire à ceux qui n’ont pas aimé les autres. Personnellement, je garde une préférence pour « sweet sixteen ».

        On ne peut pas échapper à la comparaison avec « Michael Collins » (1996), qui prenait plus le parti des nationalistes. Loach penche plus pour de Valera. Mais autant son portrait de l’engrenage d’une guerre civile est convaincant et implacable, autant sa thèse sociale habituelle m’a semblé ici un peu plaquée.

        A voir dans tous les cas (au cinéma, pas de DVD tant que DADVSI).


        • Aymeric (---.---.100.34) 30 août 2006 16:48

          Oui, excellent film, qui pousse à réfléchir sur le recours à la violence. Pour moi, ce film montre que même pour une bonne cause, il faut éviter à tout prix le recours à la violence.

          Je me suis posé la même question paradoxale : Pourquoi les Corses violents obtiennent-ils plus des politiques que les Bretons, pourtant moins violents ? Les politiques « républicains » favorisent-ils la violence ???

          Le parallèle entre l’Irlande et la Bretagne va encore plus loin. Tout les jours à Nantes, j’ai l’impression d’être un Irlandais catholique à Belfast.

          D’un coté le chateau des Ducs de Bretagne arbore toujours fièrement ses étendards d’hermine, mais dans le même temps a moins d’un kilomètre de là, j’entends toujours les discours anti-breton du conseil Régionnal des Pays de Loire...

          Ne pas cèder à la violence.... il ne faut pas...


          • gerardlionel (---.---.142.3) 30 août 2006 20:10

            Le débat entre violence et non-violence me parait tranché par l’histoire et l’étologie, les réactions normales de l’animal humain sont la fuite et l’agression ; il faut un effort presque surhumain pour défendre ses idées autrement qu’avec la violence, mais aussi résister aux états et à leur violence « légitime » !


            • christian (---.---.139.47) 30 août 2006 20:32

              Violence/non-violence, le débat ne me semble pas trancher par l’histoire et je ne suis pas sûr qu’il le soit par l’éthologie non plus, les espèces animales réservent souvent des surprises, notamment en terme de comportements coopératifs. Des combats non-violents ont obtenu des résultats, l’histoire l’a montré, comme celui des droits civiques mené par Martin Luther King. Certes, ces résultats sont limités, mais les résultatts obtenus par la violence le sont aussi, bien souvent. Voici quelques sources : www.nonviolence-actualite.org www.anv-irnc.org Kenavo Christian


            • (---.---.138.126) 30 août 2006 23:42

              Youen Gwernig zo kuit.

              Ma yaounkiz zo maro.

              Da wec’h all, Tad goz.


              • La Taverne des Poètes 30 août 2006 23:59

                Un personnage haut en couleurs ce Youenn Gwernig ! D’une humanité extraordinaire.

                Mais vous pourriez traduire vos commentaires :

                "Youenn Gwernig s’est envolé Mais les jeunes sont morts. A la prochaine vieilles gens !"

                C’est pas gagné la communication avec vous !


              • La Taverne des Poètes 31 août 2006 00:02

                Rectification : ma yaounkiz zo maro = ma jeunesse est morte.

                Je baragouine seulement...


              • La Taverne des Poètes 31 août 2006 00:04

                rectificatif 2 : tad koz = grand-père

                Vous voyez bien qu’il faut parler français... smiley


              • (---.---.138.126) 31 août 2006 00:22

                Tad koz = Vieux Père


                • Christian (---.---.131.78) 31 août 2006 08:49

                  Tad kozh, mamm gozh signifient grand-père et grand-mère (dictionnaire breton-français Favereau, Ed. Skol Vreizh), mais littéralement, celà veut dire « père vieux » ou « mère vieille », et peut s’employer pour parler de (ou à des) gens âgés. Christian


                  • lje (---.---.127.170) 27 septembre 2006 10:05

                    j’ai vu le film et j’ai été assez déçu (voir très déçu, pour un film de K. Loach). Je ne me suis pas réellement mis à la place des personnages du film contrairement au film qu’il avait réalisé sur la guerre d’espagne, et donc suis resté sur ma faim. Le scénario et la réalistion n’y encouragent pas toujours (comme pour l’histoire d’amour entre 2 protagonistes assez vite évoqué par exemple) Peut être aussi un manque de moyens pour la réalisation de ce film (qui critique L’armée Anglaise, et L’Irlande indépendante...). par moment on se croirait dans une production de Telefilm. la VO aussi m’a peut être un peux mis en difficulté sur un film de K. Loach. il me semble aussi que les prisent audio aient été prisent principalement en direct et non en post production.


                    • marianne (---.---.240.5) 16 octobre 2006 17:18

                      un super film et tres emouvant ame sensible s’abstenir mais je le conseil a tout le monde.


                      • lolita (---.---.75.30) 29 janvier 2007 14:29

                         smiley smileytrés bon film ! la fin est vraiment triste par contre... mais cela fait aussi son charme au film !


                        • eric (---.---.138.98) 13 mars 2007 10:20

                          Film décevant ; qu’y a t-il à dire ? c est la banale description des choix que chaque homme a dans sa vie ; le contingent qui réalise le neccessaire : la sauvagerie de l’occupant(quelque soit sa nationalité) qui provoque l’engagement de jeunes dans la résistance , alors que rien ,idéologiquement, ne les avait prédestiné a cela ; faut-il accepter ou refuser un compromis ?. les raisons de choix des uns et des autres sont ils ramenables seulment à de l ’idéologie ? ou bien nos choix sont ils aussi motivés par des calculs ; Bref , la vie quoi... Ce film nous raconte simplement la vie ; c’est tout ; et estce que ce film le fait avec brio, avec ardeur, avec splendeur ? je ne trouve pas ; pour aider le spectateur a ressentir des émotions le cinéaste est obligé de nous montrer les scènes de tortures ; pour nous faire comprendre ce que Corneille écrit dans le CID avec beauté « je dois à mon père autant qu’a ma flamme » Ken loach filme crûment la séance d’exécution d’un homme par son frère ; Le cinéma sait pourtant d’habitude nous faire ressentir des émotions fortes et effleurer la vérité tout en restant dans l’implicite ici rien de cela ;

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