Clint Eastwood a-t-il soutenu Donald Trump ?
« J'aime la vision libertaire qui consiste à laisser tout le monde tranquille. Même quand j'étais enfant, j'étais agacé par les personnes qui voulaient dire à tout le monde comment vivre. » (2004).
L'acteur, réalisateur et producteur américain Clint Eastwood fête son 93e anniversaire ce mercredi 31 mai 2023. Né à San Francisco en pleine crise économique (ses parents n'avaient pas d'emploi), il est un véritable monument du cinéma américain (il compose aussi la musique de ses films les plus récents), et fait partie des personnalités américaines les plus connues, même si, finalement, il a peu dévoilé son caractère. 5 Oscars, 4 Césars, 3 prix au Festival de Cannes, 1 à la Mostra de Venise et des dizaines d'autres grandes récompenses, souvent comme meilleur acteur, comme meilleur réalisateur, comme meilleur film ou encore en son honneur pour l'ensemble de sa carrière.
On se rappelle ses prestations remarquables dans les westerns-spaghetti de l'ami Serge Leone (avec la musique légendaire d'Ennio Morricone), notamment le succulent "Le Bon, la Brute et le Truand" (sorti le 23 décembre 1966), avec Lee Van Cleef (la Brute) et Eli Wallach (le Truand), où le manichéisme américain classique était mis à mal. Des très nombreux films qu'il a tournés (près d'une centaine), on peut aussi retenir (entre autres !) "L'inspecteur Harry" de Don Siegel (sorti le 13 décembre 1971), où, pour le coup, le bien et le mal sont bien définis ; "Impitoyable" qu'il a réalisé (sorti le 7 août 1992), avec Morgan Freeman et Gene Hackman, qui lui a valu deux Oscars, celui du meilleur acteur et celui du meilleur réalisateur ; mêmes récompenses avec "Million Dollar Baby" qu'il a réalisé, produit et composé (sorti le 28 janvier 2005), avec Morgan Freeman et Hilary Swank ; "Sur la route de Madison" qu'il a réalisé et produit (sorti le 2 juin 1995), avec Meryl Streep ; "Dans la ligne de mire" de Wolfgang Petersen (sorti le 9 juillet 1993), avec John Malkovich et Rene Russo ; "Les Pleins Pouvoirs" (sorti le 14 février 1997) avec Gene Hackman et Laura Linney ; "L'Échange" qu'il a réalisé, produit et composé (sorti le 31 octobre 2008), avec Angelina Jolie et John Malkovich.
Ou encore "Mystic River" qu'il a réalisé, produit et composé, mais dans lequel il n'a pas joué (sorti le 8 octobre 2003), avec Sean Penn et Tim Robbins et Kevin Bacon ; et un autre où il n'a pas joué, "American Sniper" qu'il a réalisé, produit et composé (sorti le 16 janvier 2015), avec Bradley Cooper et Sienna Miller, qui fustige la guerre en dénonçant « les effets que la guerre a sur la famille et sur les personnes qui retournent à une vie civile ». J'en ai, bien sûr, omis plein d'autres. Son dernier film est "Cry Macho" (sorti le 17 septembre 2021), et il devrait en sortir un dernier en 2023 (et après, il devrait prendre sa retraite après près soixante-dix ans de "bons et loyaux services").
Il aurait pu jouer Superman. Le secret de Clint Eastwood, élégant vieillard de 1 mètre 95, c'est qu'il a toujours su vivre en ménageant son corps, évitant tabac, alcool, sucre, etc., mangeant sainement (notamment des fruits) et surtout, faisant régulièrement de l'exercice physique (et même de la "méditation transcendantale" qu'il pratique depuis plus de cinquante ans). Dès 1959, il professait déjà des conseils de bien-vivre dans des magazines. "Toujours" su vivre, et surtout à la mort de son père en 1970 à l'âge de 64 ans d'une crise cardiaque, décès qui l'a marqué énormément alors que son grand-père était mort à 92 ans.
Mais Clint Eastwood n'est pas seulement un artiste du cinéma. Il est aussi régulièrement présent dans l'actualité pour ses prises de positions politiques. Il a même été élu maire d'une ville de près de 4 500 habitants sur la cote californienne (Carmel-by-the-Sea), entre 1986 et 1988 (la ville a été un lieu de tournage de plusieurs films dont "Basic Instinct" et un lieu de villégiature de nombreux artistes comme Georges Simenon et Jack London). Si en avril 1986, il a obtenu 72%, il a quitté la fonction deux ans plus tard pour prendre plus de temps pour s'occuper de ses enfants (Ronald Reagan l'a appelé au téléphone en lui demandant : « Qu'est-ce qu'un acteur qui joue avec un singe vient faire en politique ? »).
Ce n'est pas la gestion très brève de cette ville qui l'a marqué politiquement mais ses déclarations nombreuses sur la vie politique. Il a soutenu très clairement, aux élections présidentielles américaines, les candidatures de Dwight Eisenhower, Richard Nixon, Ronald Reagan, Ross Perot, George W. Bush, John MacCain et Mitt Romney. Paradoxalement, bien que longtemps adhérent au parti républicain, Clint Eastwood s'est opposé à l'intervention militaire américaine en Corée, au Vietnam, en Afghanistan et en Irak.
Au contraire d'Arnold Schwarzenegger qui, comme Elon Musk, n'est pas né sur le sol américain (condition indispensable pour être candidat à la Maison-Blanche), Clint Eastwood aurait pu avoir un destin national à la Ronald Reagan, se faire élire Président des États-Unis. Mais probablement que sa carrière artistique l'emportait sur toutes ses tentations politiques alors que celle de Ronald Reagan n'était pas du même niveau (d'où son interrogation en 1986).
S'il n'est pas du tout de gauche (mais que signifie être de gauche aux États-Unis ?), Clint Eastwood a toujours rejeté l'étiquette de conservateur et préfère celle de libertaire (à ne pas confondre avec libertarien), qui signifie dans son esprit le moins d'État possible. Ce qui explique pourquoi l'acteur ne veut pas que son pays soit le gendarme du monde. Il est néanmoins pour la régulation des armes à feu (sujet très sensible aux États-Unis) alors que son image d'Épinal (comme cow-boy ou comme inspecteur Harry) est souvent associé aux armes à feu (personne n'a besoin chez lui d'un fusil d'assaut !).
Moins d'État. Ainsi, par exemple, il est favorable au mariage de personnes de même sexe : « D'un point de vue libertaire, vous diriez : "Ouais ? Et alors ?". Vous devez croire en une égalité totale. Les gens devraient pouvoir être qui ils veulent et devraient pouvoir faire ce qu'ils veulent, tant que cela ne nuit à personne. ». Il était d'ailleurs très dur envers les républicains qui s'opposaient à ce mariage : « Ces gens qui se font tout un foin à propos du mariage gay ? Je me fous de savoir qui veux être marié avec qui ! Pourquoi pas ? On fait toute une histoire de quelque chose dont on ne devrait pas. Ils rabâchent encore et encore ces conneries sur les "liens sacrés du mariage" : ce sont des conneries ! Laissez l'opportunité à chacun de mener la vie qu'il a choisie. ». D'ailleurs, après avoir été longtemps militant républicain, il s'est inscrit au parti libertaire en 2009, se réclamant à la fois de Milton Friedman et Noam Chomsky.
Sa position sur la candidature de Donald Trump en 2016 était particulièrement ambiguë. Clint Eastwood a rejeté la candidature de Hillary Clinton parce qu'il s'est opposé à Barack Obama dont il a fustigé l'inaction (en 2016, il a lâché, au risque d'être pris pour un homophobe : « C'est ça, la génération de tapette : personne ne veux bosser ! »). Il n'était pas contre le politiquement incorrect de Donald Trump et trouvait au contraire que les médias en faisaient trop contre ses déclarations souvent maladroites (« Trump dit simplement ce que tout le monde pense. Parfois, ce n'est pas brillant. »). Toutefois, il n'a pas apporté son soutien à Donald Trump, d'autant plus que le réalisateur et acteur navigue dans un milieu profondément hostile à Donald Trump. Pour lui, le choix entre Hillary Clinton et Donald Trump, ce serait comme le choix entre deux clowns, entre les deux comiques Abbott et Costello, très connus entre 1940 et 1956 (appelés les "Deux Nigauds" en France).
Depuis ces dernières années, il s'écarte prudemment du débat politique, reprenant sa revendication de 1974 : « politiquement neutre » et « modéré »...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 mai 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Clint Eastwood.
Les Randonneuses (série télévisée).
L'Affaire d'Outreau (documentaire télévisé).
Lycée Toulouse-Lautrec (série télévisée).
À votre écoute, coûte que coûte !
Tina Turner.
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