Cloverfield : l’influence ça a du bon... parfois
Juillet 2007, une vidéo surgit de nulle part sur le web. Une personne film une fête dans un grand appartement de New York. Puis une gigantesque explosion a lieu. On apprend qu’une chose venue de nulle part est dans la ville. Quelques secondes plus tard, un projectile traverse une avenue, un plan fixe. C’est la tête de la statue de la liberté.
Voilà le teaser
de Cloverfield. Mais qu’est-ce donc cette chose-là. Avant de parler du film, il
faut parler du producteur, un habitué des buzz pour rien dire. J.J. Abrams, connu pour les séries Alias,
Lost ou le film MI : 3, a eu une idée un jour (si si malgré la grève des
scénaristes depuis novembre, ça arrive des fois qu’Hollywood ait des idées). Selon la légende, il était au Japon
pour la promo de MI : 3 quand il s’est arrêté devant un magasin vendant
des peluches à l’effigie de Godzilla, une idée lui est venue. Pour une fois,
elle a bien porté ses fruits ou ses monstres, dirais-je.
Quelques mois plus tard, il reprend la campagne marketing et cinématographique exacte du film Le Projet Blair Witch, sorti en 1999. Le film fut l’un des plus rentables du cinéma américain. Avec 35 000 $ de budget, il en a rapporté plus de 150 millions. Pourquoi ? D’abord une réalisation faite uniquement en DV, le tout auto-filmé par des acteurs semi-pro, pas d’effets spéciaux, maquillage montage complexe. L’histoire racontait comment trois étudiants se perdent dans une forêt, en réalisant un documentaire sur la sorcière de la forêt. D’abord avec une légère bande annonce parue sur le net, puis plusieurs sites délivrant au compte-gouttes des informations. Le net, qui alors n’était pas encore ancrée comme maintenant, a pu montrer les premiers signes d’un vrai support publicitaire. J.J Abrams a utilisé absolument la même méthode, à la différence que le film n’a pas coûté 35 000 $, mais 25 millions.
Cloverfield : l’histoire
Nous sommes, en avril 2007, Rob part dans quelques jours au Japon. Un de ses amis, Hub, va
filmer la journée entière, sa copine, la préparation de la fête par le frère de
Rob, les invités. C’est le soir, la fête est à son comble, on apprend
légèrement plus sur la vie de chacun. Une explosion se fait ressentir dans
toute l’avenue, les lumières s’éteignent et se rallument. A la télévision, on
indique qu’une chose est en train d’attaquer la ville. On ne sait pas encore ce
que s’est, mais des explosions commencent à se faire entendre. Le film va
suivre Hub, constamment la caméra au poing, avec Rob et deux amies, dans un New
York entrain d’être dévasté, à la recherche de la petite amie de Rob coincée
dans son appartement.
Cloverfield :
du buzz marketing aux influences
Il y a deux moyens de faire qu’un film sera un
blockbuster. Soit un film moyen ou mauvais, mais avec des effets spéciaux et
une campagne promo TV écrasante (Astérix et les Jeux Olympiques), pour masquer
sa nullité. Où alors un bon film, qui comme une mayonnaise prend bien grâce à
plusieurs facteurs très différents à chaque fois. Cloverfield fait partie de
la deuxième catégorie, on peut citer Juno sorti dernièrement aussi. Comme je
l’ai indiqué plus haut, le film a réussi le tour de force d’être hissé au
premier rang des films les plus recherché sur le net et ce en ne diffusant
uniquement qu’une bande annonce dont on ne sait presque rien. La campagne marketing
ne s’est pas faite comme un Star Wars avec des produits dérivés, allant du
jouet au string. Ce film a utilisé le même principe que Le Projet Blair Witch
en intriguant le spectateur et ça fonctionne. Les acteurs, tous inconnus et semi-pros comme son modèle, n’ont su qu’au dernier moment, l’histoire du film. Un
flou total a été créé jusqu’au titre qui n’est resté définitif qu’il y mois de
trois mois. Sa philosophie marketing a été : pour être connus, parlons de nous
le moins possible. Assez étrange certes, mais ça fonctionne bien.
De quoi se
compose le film, déjà tout est en vue subjective. Tout le film est fait à
partir de la caméra DV d’un des protagonistes, en aucun cas, il n’y a un champ,
contre-champ, ou toute autre grammaire du cinéma. L’influence omniprésente du Projet Blair Witch est là. Inconsciemment les réalisateurs, prennent pour
modèle les créateurs du genre : les mondos. Piqûre de rappel, qu’est-ce
qu’un mondo ? Les premiers mondos sont apparus en Italie dans les années 60. A cette époque, les caméras, de plus en plus légères, permettent de faire des
choses qui étaient impossibles auparavant. Une série de film d’une qualité plus
ou moins bonne va faire son apparition dans les cinémas italiens puis européen,
pour finir aux Etats-Unis. Le principe était toujours le même, une équipe d’anthropologue
ou simplement des chercheurs de quelque
chose vont s’aventurer dans la jungle ou une autre région sauvage pour filmer
des peuples reculés. Les films sont faits caméra au poing, en 16 MM très
souvent, les acteurs ne jouent pas, mais improvisent. Le film sera constamment
ponctué des scènes gores, voire insoutenables.
Le plus connu internationalement
fut Cannibal Holocaust. Le film fut sorti en salle, puis retiré car trop
violent et remis en salle en version censurée, et enfin un juge alla même jusqu’à penser que c’était un documentaire.
Le réalisateur fut obligé de présenter les acteurs aux juges pour bien montrer
qu’aucun n’était mort. Il faut dire que le film avait de quoi choquer et serait
impossible à refaire de nos jours. On y voyait une scène réelle ou une tortue
vivante est décapitée et mangée, une scène fictive de sacrifice d’une vierge avec
un arrachage de clitoris avec un morceau de bois clouté ou un viol. Bref que du très
appétissant et surtout pour ce film qui était sorti dans un silence complet. La
promo se fit de bouche-à-oreille.
Cloverfield reprendra exactement les mêmes principes que ses prédécesseurs, à savoir un buzz, rendu possible par le bouche-à-oreille,
une image d’une qualité moyenne et immersion totale. Seul différence, il est
certain que c’est un film fantastique de plus, vu la nature du sujet. Une rumeur
circulant sur Blair Witch faisait état d’une réelle disparition des acteurs et
certaines personnes allèrent même jusqu’au domicile des acteurs pour vérifier. Le plus important a été surtout de ne
pas en parler, mais de laisser parler.
Deuxième
influence de Cloverfield, le film de
monstre gigantesque qui attaque la ville. S’il y a bien un thème que
les films français n’ont jamais réalisé, a tort d’ailleurs, c’est bien les monstres
gigantesques qui attaquent des villes (je verrai bien - La Revanche de Marie Curie - une femme monstre gigantesque de 30 mètres de haut, à cause des radiations, qui
attaque les Parisiens en les fouettant à coup de tour Eiffel, mais bon je
m’égare). Le plus connu du genre pour rester dans les dates les plus proches
sera La Guerre des mondes de H. G. Wells (certains diront peut-être l’histoire du
Golem). L’histoire se centrait sur la fuite d’un homme dans l’arrière-pays londonien, à la recherche de son frère, suite à une attaque de tripodes martiens
invincibles. Puis le cinéma s’empara à trois reprise de l’histoire pour donner
une bonne version en 1953 où les Martiens rouges étaient les communistes, puis
dans un très mauvais ID4 de Roland Emmerich, patriote jusqu’à l’os (l’inverse selon lui, mais j’ai des doutes) et où seuls
les effets spéciaux sauvent la mise, mention spécial à Will Smith qui détruisit
encore une fois un bouquin, mais il n’était pas le seul, donc on le pardonne. Puis
dernièrement une version édulcorée et remaniée scientologiquement de Tom Cruise-Spielberg bien loin de l’esprit du livre, excepté par la trame. Il faut dire qu’à
chaque fois qu’un monstre attaque la ville c’est toujours une raison politique
sous-entendue. Pour le lézard japonais Godzilla, d’Hiroshi Honda, ce fut la
bombe atomique américaine, puis la peur d’une guerre nucléaire russo-américaine pour le second opus, sans compter la cinquantaine de version plus ou
moins bien faite pratiquement toutes japonaises, allant jusqu’au papillon géant. Une
version américaine de Roland Emmerich (encore celui-là) où les méchants, qui ont
donné vie à Godzilla, n’étaient plus la gentille bombe atomique américaine sur
Hiroshima et Nagasaki, mais de vilains Français qui ont fait des
essais nucléaires à Mururoa. La version
de Wells, quant à elle, était sur l’Allemagne en guerre contre la France et
l’impérialisme britannique à travers le monde.
Pour le Golem, c’était plus la protection de la religion, face aux
influences barbares, selon certains spécialistes. Je ne m’avancerais pas là-dessus.
Chaque monstre doit suivre un parcours spécial avant d’avoir le diplôme tant recherché de destructeur de ville :
1 - il doit être au minimum de dix mètres ou
plus (environ cinq étages d’un building) ;
2 - apparaître le soir sans que
personne ne le voie et ne sache qu’il
soit là (c’est pour ça que je n’ai pas inclus King Kong) ;
3 - être
indestructible, s’il meurt du premier coup ce n’est pas drôle. Donc il doit
résister au minimum à une salve de mitraillette d’une centaine de militaire,
tank, bombe incendiaire voire bombe atomique. En option, il peut faire croire
qu’il est mort et il revient la nuit suivante pour dévorer tous les imprudents
qui sont revenus trop vite ;
4- il doit faire des œufs ou autres afin de se reproduire le plus rapidement possible, notamment pour une possible suite ;
5 - et surtout la consigne impérative, il détruit tout sur son passage, faut dire que quand on a relativement la taille d’un éléphant, on s’embête pas à contourner une fourmilière, même si elle est plus grande que vous et est construite en béton.
Donc si vous ou l’un de vos
amis faites partie de cette liste, un diplôme peut-être, demandez au rectorat le
plus proche. Merci de ne pas détruire les bâtiments en venant.
Pour revenir à
Cloverfield, le monstre est inévitablement relatif aux attentats du 11-Septembre 2001. Sans rentrer dans la polémique habituelle c’est vrai, pas vrai.
Chaque scène peut être décortiquée et surtout montre à quel point le réalisateur a pompé sans conteste sur le reportage officiel fait par CNN si mes souvenirs
sont bons. Des vidéos amateurs filmant l’événement. Notamment une des premières
scènes d’action du film, un nuage de poussière d’un bâtiment en train de
s’effondrer court à travers une avenue, des passants en train de courir dans
tous les sens, s’étouffant avec la poussière. Certains qui se réfugient dans un magasin le plus proche. Le réalisateur a poussé le vice à reprendre mot pour mot une phrase cette vidéo : c’est l’ombre de la mort. Le chaos dans la ville, l’armée impuissante, les pillages, etc. Tout ce
genre de détails qui donnent aux films une impression de déjà-vu, mais non prise sur un autre film, mais dans la
réalité. Comme l’année dernière pour Les Fils de l’homme, où certaines scènes
sortaient tout droit d’un JT du 20 heures, ici plus de la moitié des scènes de
destructions ont été faites en s’inspirant des attentas et de ses conséquences.
Ce monstre qui
détruit tout, qui n’a pas d’âme car on ne le connaît pas, qui n’a pas de but précis à part faire tomber une ville. La peur de l’étranger tellement grande, la peur
d’une attaque aussi rapide que sauvage. Et surtout la peur de la défaite. Si un
acteur avait pu incarner le monstre, pour beaucoup d’Américains ce serait le Ben
Laden de CNN avec une armée d’Al Quaïda. Un méchant sans leitmotiv, ça fait
bien plus peur qu’un méchant de 24 heures chrono.
Le monstre est
physiquement peu visible, excepté vers la fin. Le parti pris de le voir ou pas a été motivé plus par le budget et l’esprit du film, qu’un choix artistique. Quand
on mesure moins de 3 % de la taille de son ennemi, on évite en général de
s’attarder, donc on reste pas trop devant pour le voir. Voir un alien en gros plan
est habituel dans un film. Si on veut faire croire que ce n’est pas la vidéo
de l’extraterrestre de Rosewell, il faut non pas un budget titanesque, mais une
intégration des effets spéciaux
parfaite. Et on pourra dire ce que l’ont veut, pour l’instant on en est loin,
même ILM. Les rares moments où la bête, dont je ne dévoilerai pas la physionomie,
apparaît sont bien faits, pour peu qu’on la voit de loin. Pour la seule prise en
gros plan, le soufflé retombe vite, car elle est bien conçue, mais son
intégration à l’image a quelque peu raté. A noter qu’une rumeur, parmi les nombreuses
qui ont circulé sur le film, la bête était inspirée du légendaire Chtulu de
Lovecraft. Il n’en est rien, elle est largement plus inspirée par un jeu vidéo.
Une autre
influence du film, c’est le jeu vidéo. En effet, avec la caméra au poing et un
rythme beaucoup plus rapide que Blair Witch ou les mondos. Le film fait un
joli clin d’œil aux FPS (first person shooter), un style de jeu totalement en
vue subjective, si un monstre est derrière, vous ne le saurez qu’en tournant la
tête. La plupart du temps, c’est un survival horror. C’est-à-dire qu’il faut
courir, se cacher derrière une porte, se battre contre des bestioles plus
fortes, prendre un tunnel sombre avec une lampe de poche qui n’a plus de
batterie ou utiliser une barre à mine contre une dizaine de monstres plus
féroces, les uns que les autres. Le point de vue, le monstre, les questions
cruciales du film et l’action sont totalement dans l’esprit Half Life,
notamment le 2 pour le monstre et le 1 pour les tunnels.
Influence toujours
pour l’affiche cette fois-ci, celle de New York 1997 de John Carpenter, où on
peut voir la tête de la statue de la liberté séparée de son corps. Sur
l’affiche de Cloverfield, c’est le corps de la grande dame franco-américaine
qui a perdu la tête.
Critique
objective pour un film en vue subjective :
Pour
Cloverfield est
plus qu’un film de science-fiction. Sans pour autant se laisser aller à une
réflexion sur le monde. Le film nous immerge dès les premières scènes d’action
dans un univers tellement réel, qu’il est dur d’en décrocher. Le choix
marketing, celui de la caméra qui est omniprésente. Les scènes d’action
soutenues et certaines assez gores, un suspens constant. Les acteurs, qui malgré
quelques lacunes sur certains plans s’en sortent avec les honneurs, font de ce
film, non pas un chef-d’œuvre au sens propre du terme, mais une grande évasion
étouffante dans les rues d’un New York traumatisé par le 11-Septembre et à
nouveau détruit par un monstre invincible, indestructible. malgré le fait qu’il n’a pas une once d’idée totalement originale, il réussit à prendre le meilleur de tout pour faire du très bon. Si vous n’avez pas
apprécié, comme moi, La Guerre des mondes version Spielberg ou Emmerich. Cloverfield est fait pour vous.
Contre
Avec tous les
points positifs que j’ai énoncés plus haut, ce film n’est pas parfait pour
autant. Assez court 84 minutes, les 20 premières s’éternisent sur les rapports
amoureux teenagers proches d’un Felicity (J.J. Abrams oblige). La caméra
constamment en mouvement, ce qui est voulu, peut largement lasser et donner envie
de vomir. On est bien loin d’un cri effrayant au fond des bois du Projet Blair
Witch, on est quand même proche d’un montage découpé par ce bourrin de Michael
Bay (le traumatisme Armageddon, écrit par J.J. Abrams toujours). Il n’empêche que
la caméra constamment en mouvement stoppe trop vite l’immersion définitive. Si le
monstre, élément le plus important du film est défini plus par le bruit de son
cri et des bruits ambiants, il n’est pas franchement réussi dès qu’il joue à quelques
mètres de l’objectif. Quelques incohérences grossières, comme le fait de monter
dans un bâtiment en train de pratiquement s’effondrer. Enfin, la fin trop
appuyée et larmoyante ne paraît pas crédible. A noter une grosse incohérence
voulue et involontaire. Comment une caméra peut résister à autant de chocs,
sans s’abîmer, c’est chercher la petite bête, mais bon ça m’a titillé tout le
long du film.
Un Cloverfield 2
est en préparation, je ne m’avancerai pas à dire que c’est bon ou mauvais.
Mais, il ne pourra pas profiter du buzz
du premier. Et je souhaite bonne chance au(x) scénariste(s) de renouveler
l’histoire pour donner un coup de fraîcheur à l’histoire et de ne pas tomber
comme dans Blair Witch 2 et 3 ou Cannibal Ferox. Je me lance et prédis une version vue
à partir du pied gauche du monstre.
CLOVERFIELD - SPOT TV 19
envoyé par cloverfield
Site officiel : http://www.cloverfield.fr/
Comparatif de l’affiche de New York 1997 et Cloverfield :
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