Cluny, Manhattan, Yan Pei-Ming, Rome et rêveries...
Il est très symbolique qu’aux écuries de Saint Hugues, à Cluny, ce Manhattan de l’An 1000, on ait pu visiter l’exposition de peinture de Yan Pei-Ming : de gigantesques dollars peints de sable et d’argent, dont la trame se mêle à la représentation de chefs de cadavres avancés, de même émail.. La jeune femme, à l’accueil, renseigne : l’Homme se perd qui persiste en sa course à l’argent. Un avertissement à Wall Street ? Yan Pei-Ming à la stature internationale qui permet de le penser. Cluny 2010, commémorant la création de l’Ordre, il y a 1100 ans, sera une manifestation à l’échelle de l’Europe. Du monde peut-être, si le projet de conférence inter-religions parvient à se réaliser.

Cluny Fantôme ? Cluny Esprit vivant ? Ad Nutum.
Yan Pei-Ming
L’exposition Yan Pei-Ming, dans les vastes Ecuries de Saint Hugues à Cluny, illustre parfaitement la qualité de la programmation culturelle que la petite ville a su concevoir et réaliser, pour le bonheur de ses habitants comme pour celui des étrangers, nombreux, qui l’ont choisie comme lieu de villégiature ou de passage. De grands noms, sinon de grands talents, ont précédé Yan Pei-Ming : Niki de Saint Phalle, Buren, César.. De l’extérieur, vues de la terrasse du « Nord », les écuries de Saint Hugues présentent leur haute façade de pierre brute, barrées de lignes de petites ouvertures borgnes et de niches d’où les corneilles ou les freux, en nombre impressionnant parfois, prennent leur envol en croassant. En face, le grand ensemble néo-gothique qui abrite l’Ecole Nationale des Arts et Métiers. Ambiance propre quelques endroits au monde, Cracovie, Stare Miasto, les Vieilles Villes.. L’intérieur des Ecuries est brut lui aussi, pierres, bois épais des plafonds à sept ou huit mètres de haut, dalles énormes au sol. Sans le concours de quelques lumières artificielles, l’espace serait plongé dans la pénombre. Les chevaux, anciens locataires du lieu, devaient s’y trouver très-bien. Une table à l’entrée, jonchée d’ouvrages et de documentations, et un ensemble de hauts panneaux de bois disposés en ligne au centre, auxquels s’accrochent les gigantesques peintures de l’artiste, sont les seuls éléments mobiliers. Yan Pei-Ming est un peintre chinois de renommée internationale, un beau personnage. Fils du Peuple, né à Shanghai, il a passé une partie de sa jeunesse au milieu du chaos de la guerre civile déclenchée par Mao, dans le cadre de la « Révolution culturelle », avant d’arriver en France en 1980. Sa peinture, qui fait une large part aux thèmes de la mort et de la violence, invite à méditer sur la condition humaine et sur les fins dernières de l’homme. En ce sens, il s’inscrit assez naturellement, lui l’artiste d’extrême Orient, dans la tradition occidentale des gisants et des vanités, une forme d’art sacré. Une secrète correspondance semble relier Yan Pei-Ming à Cluny, à son univers métaphysique. Il s’exprime cependant, à propos de son œuvre, en termes prudents et pragmatiques, laissant à celui qui contemple le soin de nourrir sa propre herméneutique. A la question « Etes-vous un peintre expressionniste ? », il répond qu’il ne peint pas avec ses tripes, que dans son ventre il n’y a que du riz.. (on lui pardonnera aisément de n’avoir pas encore remplacé, dans sa métaphore, le riz par le jambon persillé et le fromage fort). L’ombre du Grand Guide plane sur son œuvre. L’esprit des grands abbés qui hantent encore les vastes bâtisses médiévales de Cluny ne doivent pas être plus surpris d’y trouver Yan Pei-Ming que Niki de Saint Phalle, César ou Buren, qui seraient l’expression d’une époque dite moderne, mais déjà dépassée. Au plan des techniques picturales, le moins sensible des visiteurs sera étonné par les grands formats, comme on dirait les grands espaces, l’utilisation du noir et du blanc, sable et argent, qui prévalent, la vigueur du geste qui passe la brosse ou le pinceau, l’habilité des compositions, la force qui exécute. « Quand on me demande comment je peins, je réponds comme si je faisais la guerre, de manière violente et énergique ».
A lire : YANN PEI-MING EXECUTION, un ouvrage édité aux presses du réel, qui couvre l’exposition présentée au Musée d’art moderne de Saint-Etienne. A visiter : « Au bord de l’eau, 108 brigands », exposition jusqu’au 12 octobre 2009 dans la salle des Etats généraux du Château royal de Blois. A rechercher : les traces de l’exposition « Faces from – 21 portraits of children » - 1996.
Cluny et Cluny 2010
Sous la conduite de ses fondateurs et de ses grands abbés, Guillaume d’Aquitaine, Bernon, Odon, Aimar, Mayeul, Odilon, Hugues, Pons de Melgueil, Pierre le Vénérable… l’Ordre de Cluny va constituer la plus grande organisation monastique de son temps, un véritable empire de 1200 prieurés, et ne cessera plus de rayonner sur l’ensemble du monde médiéval européen. Il est consacré à Pierre et à Paul, donc assigné à la puissance. « Pierre et Paul », comme tant d’autres entités, tant d’autres grandes églises du monde chrétien au cours de l’histoire… « l’Église qui est à Jérusalem, l’Église qui est à Antioche, à Éphèse, à Philippes, à Athènes et surtout à Rome puisque l’Église à Rome, après l’Église de Jérusalem, est l’Église-mère de toutes les Églises ». Des églises, mais des cathédrales aussi, Saints Pierre et Paul, partout dans le monde, jusqu’au fin fond de la Sainte Russie, telle la cathédrale Saints Pierre et Paul de Petrodvorets, et celle de Petersbourg. Cluny, sous le signe de Pierre et Paul, a donc gardé les clefs en ses armoiries, s’assurant ainsi un surcroît de destin. Dans le mode de vie clunisien, la première préoccupation est accordée à l’Office divin, à la beauté de la liturgie. Saint Benoit, mais Saint Augustin aussi, la Cité de Dieu sur terre… L’Ordre sut allier les impératifs d’une exigeante spiritualité chrétienne aux activités temporelles qui lui assureront richesses et prospérité. Puissance temporelle et puissance spirituelle sont indissolublement associées dans l’histoire de Cluny. « La richesse d’un homme est la rançon de son âme. » a rappelé le généreux donateur Guillaume, qui a pensé qu’il était sage, voire nécessaire, de mettre au profit de cette âme une petite partie des (considérables) biens temporels qui lui avaient été accordés… L’architecture et les proportions de la Grande Abbaye témoignent encore aujourd’hui du sens de la grandeur de ceux qui en avaient la charge et qui traitaient d’égal à égal avec Rome. Aucune des grandes questions du Moyen-âge ne seront étrangères aux Clunisiens : réforme grégorienne, Querelles des investitures, trêve de Dieu, famille, culture de la terre, élevage… Mais cette œuvre spirituelle et ces richesses temporelles, après le déclin amorcé dés le début du XIIIe siècle, considérablement affaiblies à la Renaissance, définitivement détruites à la fin de l’ancien régime, ne devaient laisser que peu de traces en dehors du monde érudit. Les pierres de l’Abbaye, détruite et vendue à l’encan après la Révolution, se retrouvent mêlées aux pierres sauvages des murs de fermes du voisinage. Cluny, la ville, appuyé par la fédérations des sites clunisiens répartis sur l’Europe entière, est à la tête d’initiatives multiples qui, tout au long de l’année 2010, tenteront de faire revivre la vision des grands abbés, de la faire partager et de lui redonner l’élan spirituel capable d’inspirer un monde qui attend et cherche d’autres voies que celle de la toute-puissante matérialité.
Le grand projet Cluny 2010 contribuera-t-il à refonder la spiritualité et la paix ? Le grand projet Cluny 2010 sera-t-il le lieu d’un nouveau dialogue interreligieux ?
Le train de retour arrive à Paris, le dimanche, à 16H07.
S’intéresser à : la Conférence mondiale des Religions pour la Paix à Louvain en 74. La déclaration pacificatrice adopté par la délégation arabe et adoptée à l’unanimité par la World Conference on Religion and Peace (W.C.R.P.).
Liens
http://www.adocumenta.org/index.php...
http://fr.wikiquote.org/wiki/Gaston...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mannek...
http://www.sitesclunisiens.org
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