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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Coluche l’histoire d’un mec » d’Antoine de Caunes : (...)

« Coluche l’histoire d’un mec » d’Antoine de Caunes : parlez-lui de la pluie...

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Septembre 1980. Dans quelques mois les Français éliront un nouveau président de la République. Pendant ce temps, Coluche triomphe tous les soirs au Théâtre du Gymnase. "Comique préféré des Français", il est au sommet de sa gloire... Toujours prêt à provoquer un peu plus, il décide, pour rire, poussé par son entourage aussi, de poser sa candidature à la présidence de la République. Les sondages s’affolent, sa cote monte en flèche jusqu’à atteindre le score incroyable de 16 %. Et si finalement un clown se faisait élire président ? Lui-même commence à y croire... peut-être un peu trop…

Clamons-le, proclamons-le d’emblée et acclamons-le : François-Xavier Demaison est absolument sidérant. Il dévore l’écran, (ré)incarne Coluche, lui donne une nouvelle dimension, gigantesque, le fait revivre à sa manière, nous fait retrouver sa gestuelle si particulière, sa voix pourtant inimitable, sa démarche si singulière. Il s’est glissé dans le costume Coluche tout en y apportant sa personnalité. La performance (encore que le terme soit mal choisi, car jamais justement contrairement à l’actrice principale d’un biopic, césarisée-oscarisée, jamais on n’a l’impression d’assister à une performance) est remarquable. Et si le film devait avoir une raison d’exister ce serait celle-là et uniquement celle-là : donner à Demaison un rôle à la (dé)mesure de son talent. Et puis j’aime bien ceux qui, comme Demaison, vont au bout de leurs rêves, s’échappent d’une vie tracée pour prendre des risques et surtout celui, grisant, de vivre de leur passion, quelle que soit l’issue (François-Xavier Demaison a abandonné son métier d’avocat fiscaliste à Manhattan suite au 11 septembre 2001), et surtout pas par souci de plaire ou de reconnaissance, mais simplement pour être fidèle à ce qu’ils sont profondément. « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion ». Oui, résolument.

Voilà pour l’essentiel. Pour le reste… pour le reste, il me déplaît de ne pas aimer un film quand ses créateurs semblent aussi passionnés, mais c’est ainsi. Je me suis profondément ennuyée, suis toujours restée à distance et ai eu aussi l’impression qu’Antoine de Caunes restait lui aussi toujours à distance de son sujet, par peur de l’égratigner peut-être, par peur d’écorner l’image qu’il admirait à l’évidence. La caméra à l’épaule ne suffit pas à nous bousculer ni vraiment à refléter l’agitation qui semblait régner autour de Coluche (sa maison était constamment envahie par ses amis motards, journalistes, acteurs…).

Est-ce parce que je serais imperméable à l’humour de Coluche (mais pas hermétique au personnage qu’Antoine de Caunes rend indéniablement attachant), je n’ai pas ri un seul instant. Même si à l’évidence le but n’était pas d’écrire une comédie, mais « l’histoire d’un mec » engagé dans un combat trop grand pour lui qui n’appartenait à d’autre parti qu’à « celui d’en rire » et allait se retrouver dans une histoire sérieuse, qu’il allait d’ailleurs finir par prendre au sérieux, un combat qui allait finalement le dépasser.

De ce film, émane une profonde mélancolie, sans doute celle de l’artiste très entouré face à sa solitude, ses responsabilités, ses doutes, ses contradictions qui passe de l’insouciance à la gravité. Peut-être est-ce d’ailleurs un aspect qu’il aurait été intéressant de creuser, notamment en montrant le rôle vampirique de l’entourage qui reste malheureusement ici une masse grégaire et informe (la plupart des personnages n’ayant pas de noms). Si François-Xavier Demaison dévore l’écran, son personnage dévore aussi malheureusement les autres personnages qui n’ont pas l’espace pour exister. Antoine de Caunes s’en défend en disant que le personnage central est Coluche et que faire exister chaque personnage aurait été une perte de temps. C’est la première raison pour laquelle j’ai pensé à Parlez-moi de la pluie dans lequel chaque personnage existe réellement même s’il n’apparaît que peu à l’écran sans être tout à fait un film choral. La deuxième raison pour laquelle j’y ai pensé c’est évidemment eu égard à l’image de la politique et du politique qui en ressort, à l’opposé de l’image véhiculée par Coluche du « un pour tous, tous pourris » comme le disait l’humoriste, une image un peu facile, sans doute dans l’air du temps. Que Coluche ait été victime de pressions et même d’intimidations n’est pas un scoop, il est néanmoins amusant de le voir courtisé par tous les partis et hommes politiques (de Lalonde à Attali), et même parfois de le voir en rencontrer certains dont les convictions sont opposées aux siennes, de le voir parler de sujets sérieux avec dérision, d’être pris très au sérieux par ses interlocuteurs, de finalement être rattrapé par l’attente et l’espoir qu’il a soulevés, et surtout de voir l’obstacle qu’il constitue alors pour ceux à qui il prend des voix, et l’importance que prend alors ce qui, au départ, était une plaisanterie.

Peut-être l’aspect impersonnel du film est-il aussi lié au fait qu’il s’agisse à l’origine d’un projet de producteurs (Edouard de Vesinne et Thomas Anargyros), un scénario préalablement commandé au journaliste Diastème qui devait être un biopic du comique et qu’Antoine de Caunes a eu l’intelligence de transformer et concentrer sur cette période intéressante, où « l’histoire de ce mec » rencontre l’Histoire, une Histoire qui ne supporte pas que les comiques s’en mêlent.

A défaut d’être un grand cinéaste avec un univers propre (mais peut-être cela viendra-t-il), Antoine de Caunes démontre son talent de réalisateur appliqué (notamment dans la reconstitution d’une époque, ici plutôt réussie, bande originale à l’appui, la musique ayant été ici confiée à Ramon Pipin, un des musiciens de Coluche), capable de s’adapter à tous les genres (fantastique avec Les Morsures de l’aube, suspense historique avec Monsieur N. - le plus réussi et sous-estimé à mon avis -, la comédie avec Désaccord parfait) et un bon directeur d’acteurs : Léa Drucker dans le rôle de Véronique Colucci apparaît peu, mais impose sa belle présence, Denis Podalydès et Olivier Gourmet sont toujours aussi justes… et puis François-Xavier Demaison, phénoménal, je ne me lasse pas de le répéter…

Rappelons que l’équipe du film a probablement eu des sueurs froides, Paul Lederman, l’ancien producteur et imprésario de Coluche ayant engagé une procédure judiciaire à l’encontre de la société Cipango, productrice du film invoquant l’utilisation en sous-titre du film de la formule "l’histoire d’un mec", formule qu’il dit lui appartenir en tant qu’éditeur du sketch Histoire d’un mec sur le pont de l’Alma. L’imprésario a non seulement réclamé que cette mention soit retirée du titre, mais aussi que Cipango lui verse la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon. C’est Olivier Gourmet qui tient son rôle dans le film, mais son nom avait volontairement été remplacé car Paul Lederman n’avait pas donné son accord pour que son patronyme soit utilisé dans le film.

Le mardi 14 octobre 2008, la veille de la sortie en salle, le Palais de Justice de Paris a débouté Paul Lederman. Tout est bien qui finit bien…

Cet article est extrait du blog "In the mood for cinema" : http://www.inthemoodforcinema.com


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2 réactions à cet article    


  • Johan Livernette Johan Livernette 17 octobre 2008 12:00

    Votre analyse purement cinématographique est intéressante à lire. Elle donne envie d’aller voir ce film.
    Je pense qu’il y a à creuser et analyser dans ce passage de la vie de Coluche. Un comique dans le registre "fou du roi" propulsé semeur de désordre politique alors qu’il ne s’y était certainement pas préparé. Merci à vous en tout cas.


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 ( le retour ) 17 octobre 2008 15:51

      Vous vous ètes ennuyée et votre article s’en ressent bien. Je le trouve plat et morne comme une route de beauce en hiver ou une assiète de pâtes sans beurre. Vous citez :

      « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion  ». Oui, résolument. avez vous ajouté...Et alors, votre passion est éteinte, que diable  ? Vous n’avez pas réussi à faire revivre cette passion merveilleuse interprétée vivement par ce comique réssuscité de Demaison et ardemment soutenue par cet espiègle de Caunes. Certes, l’histoire de cette candidature est triste et finit par la fin de la blague, et la mort d’un homme, son secréaire particulier...mais Coluche n’est pas mort ce jour. Je l’ai même entendu hier à la radio et vu à la télé le soir rigolant avec Le luron. Ces hommes ont fait naitre une passion bien ancrée dans le coeur de tous les enfoirés que nous sommes. Il nous est impossible d’oublier cette mort que l’on relate à chaque fois qu’il est question de cette période, et donc tous nécessitent notre mémoire pour que ne meure pas la passion dans chacun d’entre nous.

      Bon, c’est vrai, il serait aujourd’hui Président de soixante dix ans, c’aurait tété la criiiiiise de rire tous les jours, Tous les soirs y nous frais un de ces sketch spontané en montant sur l’estrade de l’assemblée nationale une plume dans le cul et chantant la marseillaise avec des paroles à lui ou il dénoncerait, avec pouffées, le sang impur qui baigne dans les veines de nos banques vérolées. et jusqu’à ce qu’une infirmière couverte de billets de banques viendrait lui injecter une énorme seringue de grosses pièces brillantes qui retomberaient dans une assiète avec un bruit de casino...

      Que la passion soit avec vous, même sous la pluie, Sandra.

      Allez. Tchao les enfoirés. L.S. 2. (le retour)


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