Confusion des genres entre Casablanca et Tanger
Comment un film de propagande de guerre américain de la Warner’s qui parut ridicule et sans intéret lors de sa première projection à Casablanca, en janvier 1943, au ciné « Vox » réquisitionné par l’état-major des forces américaines, est devenu un classique du cinéma au XX° siècle.
Celle du film de Zelsnick, avait été reconstituée en la confondant avec Tanger, ville internationale, dernière escale les réfugiés juifs d’Europe avant leur départ pour les Amériques, ville antique où, dans les ruelles du Grand Socco, se traitaient toutes trafics, se croisaient tous les espions d’Orient et d’Occident, s’ébauchaient toutes les combinaisons qui, les unes ou les autres, contribueraient à la victoire ultime des Alliés occidentaux se préparaient déjà les grandes en contrebandes méditerranéennes de la de cigarettes d’abord, du hashis ensuite de la cocaïne par la suite.
Les Américains venaient de débarquer. Ils avaient fait une entrée triomphale dans Casablanca, accueillis par une foule nombreuse qui, d’un jour à l’autre, avait oublié ses sentiments pétainistes pour crier « Vive l’Amérique ». Parmi cette affluence s’étaient trouvés des milliers de Juifs marocains, sortis du mellah de la Vielle Médina, qui avait cru un instant que l’armée de « Libération du peuple juif » avec ses étoiles jaunes peintes au pochoir sur ses véhicules, venait de débarquer en Afrique du Nord. L’enthousiasme et la bousculade avaient été telle qu’un jeune homme, plus ardent que les autres, était tombé sous les roues d’un camion, sans que cet « incident » ait provoqué l’immobilisation du convoi.
La veille, des équipes de scouts et de mouvement de jeunesse, garçons et files, de 16 ans avaient été envoyé dons le port de Casablanca pour y relever les blesses et cadavres, produit de trois jours des combat provoqués par l’ordre de résister aux forces américaines intimé par gouverneur et l’amiral nommés par le gouvernement du Maréchal Pétain.
En quelques semaines l’état-major des US Forces avait réquisitionné les immeubles les plus modernes de la ville pour les services généraux de ses trois armes.
Les services sociaux de la US Army ( USO) avaient pris possession du plus grand des six salles de cinéma de la ville, pour l’ouvrir aux militaires. C’est dans cet immeuble de quatre étages, contenant une salle de 2 500 sièges de cuir vert , que fut présenté pour la première fois à l’étranger un film de guerre américain qui avait pour titre le nom delà plus grande ville du Maroc : " Casablanca". A cette époque les acteurs qui en étaient les principaux personnages étaient peu connus. Les gens de Casablanca avaient qualifié d’assez médiocre cette improbable histoire d’amour et d’espionnage et de ridicule la représentation que Hollywood avait donné d’une cité , construite depuis les années vingt. Elle serait qualifiée cinquante ans plus tard par les Marocains décolonisés, comme un musée de « l’Art moderne en architecture à ciel ouvert. Les premiers spectateurs indigènes avaient été consternés de voir réduit au dimension d’une piste d’envol du Far West, l’aérodrome du "Camp Cazes" qui avait été depuis les années trente une escale importante sur la route aérienne Toulouse-Dakar-Natal-Buenos-Aires-Santiago du Chili, ouverte par Jean Mermoz et Saint Exupéry.
Ebahis, les GI’S issus du plus profond du Texas ou de l’Arizona, comparait avec étonnement, pour ses tendances modernistes, le Maroc à la Californie.
Cela confirmait la réputation peu flatteuse dont souffraient les cinéastes américains dès qu’ils se mêlaient de situer l’action de leurs films guerre ou d’avant-guerre dans les pays arabes. On ne connaissait pas encore « Gone with the wind », (Autant en emporte le vent) de David O. Zelznick et Fleming, sorti des studios hollywoodiens en en décembre 1939 qu’on ne verrait que beaucoup plus tard, à la fin des années quarante . On constata alors que l’évocation de leur patrimoine historique ou leurs films à téléphone blancs convenait mieux à leur culture angélique que la vie dans les pays orientaux.
Si les décors construits pour Casablanca avaient pu évoquer une réalité quelconque, c’est à Tanger qu’on aurait pensé bien que ridiculisé dans son architecture, les coiffures, les vêtements des personnages marocains civils ou policier inspiré des boîtes de nuit ou des bordels orientaux du Caire.
L’habilité, ou la chance de la Warner Bros et des producteurs de « Casablanca » avait été de prévoir - ou de savoir - que le premier débarquement des Forces américaines au delà de l’Atlantique aurait lieu entre Casablanca et Alger. Conçu pour cultiver le moral de la population et des membres de l’armée américaine ce film de propagande de guerre a été très bien accueilli sur les deux rives de l’Océan, aux Etats-Unis, il a permis aux famille des militaires de l’opération Torch de se faite une image l’endroit improbable où se trouvaient leurs boys. Peu importait qu’elle fut conforme à la réalité.
En Afrique du Nord leurs rejetons avaient éprouvé, en voyant cette production, la satisfaction de constater qu’on parlait d’eux, indirectement.
Qu’importait qu’il n’y eut pas de « Rick’s Bar » dans la réalité ? On ne comptait à cette époque que trois « dancings » de type provincial à Casablanca, le « Pavillon bleu » qui datant de 1912, « faisait ciné » les après-midi et le « Jardin d’été » et en banlieue la « Guinguette » où la petite bourgeoisie » allait guincher les samedi soirs comme elle se faisaient sur les rivages fluviaux métropolitains, avant de se lancer outremer dans une aventure incertaine au Maroc du moyen-âge.
Les seuls Américains "notables" à Casablanca était une douzaine de « consuls » et « vice-consuls », avatars des officiers de l’armée de terre ou de la marine qui, sous la direction Robert Murphy, détaché de l’ambassade américaine auprès du gouvernement de Vichy, furent chargés officiellement en juin 1940, des intérêts britanniques dans le Protectorat. En fait, leur mission principale et secrète était de préparer tactiquement et politiquement le débarquement de novembre 1942. Parmi les copains de mon adolescence, il y avait eu le fils de l’un d’eux, Jerry de Wald Mayer, qui tout fier de son état, m’avait conduit un jour en cachette dans le bureau de son père aux murs étaient couverts d’émetteurs-recepteurs de radiodiffusion. « C’est avec tout cela que mon père communique avec Washington. »
Au même moment une dizaine d’officiers supérieurs et subalternes de la Wermarcht composaient la « Commission d’armistice » chargée de surveiller dans "l’Empire chérifien" ce qui restait des troupes françaises coloniales et de leur armement. C’était pour ces jeunes hommes, images caricaturales de la race allemande, grands, blonds, jeunes et jouissant de la nature et de véritables vacances au soleil. Et auxquels , ipso facto, il avait été évité de se trouver sur le front russe, venaient se baigner au « Lido » une des piscines « smart » de la côte casablancaise.
Le Maroc était demeuré un pays dont les contrôles frontaliers fonctionnaient comme des passoires, les compromissions vichyssoises de la population française, n’empêchaient pas parfois le connivences bien qu’elle fût soumise aux autorités du protectorat nommés par le gouvernement de Vichy, depuis l’armistice qui avait sanctionné la défaite de l’armée française en juin 1940,.
Bien avant l’appel du général de Gaule on avait vu arriver après leurs séjours dans les camps de détention de Miranda, en Espagne franquiste , des centaines de jeunes Français qui avaient choisi de quitter la France occupée pour poursuivre la guerre d’une manière ou d’une autre. La Marine anglaise et l’état major londonien du général de Gaulle avait organisé un service très spécial qui allait chercher a bord de bateaux de pêche ces jeunes dont le but étant de s’engager dans les Forces Françaises libres. Ceux qui n’avaient pas été évacués par ce canal, s’engagèrent dans les troupes françaises rééquipées en 1943 ar les Etats-Unis, et participèrent aux débarquements alliés en Italie, Corse et sur la côte d’azur, en France
Il y avait aussi les café maures et les hétaïres de « Bousbir » le quartier réservé, déclaré « Off Limits » (zone interdite) aux turbulents jeunes soldats qui, dans les premiers mois de leur arrivée, ne se déplaçaient jamais sans leur pistolet mitrailleur « Thompson » avec lesquels il leur arrivait, de faire des cartons sur les réverbères de la ville, comme trois décennies plus tard, les miliciens de Beyrouth.
Puis, la guerre s’était terminée. Ce qui restait au Maroc de l’armée américaine fut rapatrié. Le temps passa et une autre guerre, celle de Corée survint en 1951. Washington obtint du Sultan de revenir dans ce qui était encore un protectorat ou territoire colonial français. Cinq bases aériennes furent construites pour servir d’escale au bombardier B 52 porteurs de bombes atomiques.Une nouvelle génération de soldats et d’aviateurs fut importée. Le quartier réservé « indigène » de Bousbir leur fut toujours « Off limits » mais depuis la guerre un bordel de luxe, « le Sphinx » avait été construit à 25km de Casablanca, Fedala, devenue Mohammedia après l’indépendance survenue en 1955.
Ce qui n’avait été qu’un fantasme patriotique en 1942 devint partiellement réalité. Cette grande villa fleurie de bougainvillées, dirigée par Madame Andrée, célébrée par Jacques Brel, devint le havre momentané de centaines de vigoureux jeunes hommes, parfumés à l’after shave, mais sans avoir, disait leur hôtesse, la courtoisie et la délicatesse que « nous témoignaient naguère, nos amis parisiens des beaux quartiers. »
Comme le rappelle Marvine Howe, qui ancienne correspondante du New York Times dans ces années là au Maroc, les nouveaux venus avaient cherché en vain dans les rues de Casablanca le légendaire « Riks café » dont leur avaient parlé leurs parents et grand parents qui avaient débarqué en Afrique du Nord dans les années mil neuf cent quarante.
Jusqu’au jour où, soixante années après le débarquement américain en Afrique du Nord, été inaugurée la réplique du « Riks’s Café » qui n’avait plus jamais existé que dans l’imagination des cinéastes de la Warner Brothers’ du temps de guerre à Hollywood.
Ce faux monument historique avait été réalisé dans un immeuble de la « vieille médina » nommée jadis « Dar el Beida » (La Maison Blanche) où se trouvaient en 1916, face à la mer, le « café du Commerce ». Les premiers pionniers français et européens venus tenter leur chance dans un nouveau territoire y venait boire leur absinthe quotidienne.
La résurrection de ce haut lieu mythique avait été imaginée et réalisée par une citoyenne américaine, conseillère commerciale au consulat général des Etats-Unis à Casablanca, Kathy Kriger, désormais connue des habitués sous le surnom de « Madam Kathy. »
Son projet, conçu avec la bénédiction des autorités municipales et la contribution financière d’une quarantaine d’actionnaires marocains et américains, avait nécessité un investissement de près d’un million de dollars, grâce auxquels, dans le rôle du pianiste Sam, Lenny Bluett, âgé de 85 ans, fils du cuisinier d’Humphrey Bogart, le Risk original, continuerait à jouer, mais sans Ingrid Bergman, « As time goes by ».
Copyright Bertrand C. Bellaigue 2010
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