Critique sur un film fantastique culte : Troll (1986)
Retour sur un film culte des années 80, Troll, dont le remake est prévu pour 2008.

Une dame élégante, au chignon grisonnant, en robe bleue soyeuse, munie d’un sceptre doré descend les escaliers d’un immeuble quelconque. Elle cogne à chaque porte, et se rend compte que personne ne répond, sauf M. Potter au rez-de-chaussée :
"- Quelque chose ne va pas, Mlle Saint-Clair ?
- J’ai l’impression que l’immeuble s’est vidé de ses occupants.
- Sans doute, mais après tout, nous sommes vendredi. C’est le week-end qui arrive.
- M. Potter, savez-vous quand est-ce qu’on largué la bombe d’Hiroshima ?
- Euh... un week-end ?
- Je ne sais pas. Il serait temps d’y réfléchir, n’est-ce pas ?"
Voici le genre de scène qui reflète l’état d’esprit d’un film que des millions de gens dans le monde connaissent, mais dont on parle si peu, Troll, sorti en 1986, réalisé par John Carl Buechler, spécialiste des effets spéciaux et réalisateur de l’affligeant Ghoulies 3 (1991). C’est une scène surprenante car elle montre l’insertion du fantastique dans le quotidien à travers des dialogues absurdes digne d’un vaudeville. Le film se déroule dans un immeuble (le tournage eut lieu en Italie, à Cinecittà), les protagonistes ont l’aspect quelconque.
Au fur et à mesure du film, chaque habitant est victime d’un troll véritablement immonde et pervers, Torok, autrefois un sorcier ayant trahi un pacte de cohabitation entre les fées et les humains. Torok pique ses victimes à l’aide d’une bague pour les transformer en végétation luxuriante. Son but ultime est de créer une quatrième dimension restituant l’univers des Trolls. Pour y parvenir, il s’empare de Wendy Anne, la petite sœur de Harry Potter Junior dans le sous-sol de l’immeuble et prend son apparence. En ayant l’apparence d’une mignonne fille blonde (l’épatante actrice Jenny Beck), il séduit ses victimes avant de révéler son vrai visage. A travers le fantastique, ce sont aussi des thèmes tels que l’enfance, le mal et la différence qui sont abordés. La scène où la fausse Wendy écoute le nain Malcom lui expliquer qu’il souffre, qu’il va mourir à cause de problèmes de santé liés à son handicap est terriblement poignante. Malcom lui révèle alors que son souhait le plus profond est d’être un elfe... son destin est scellé.
Il est assez déstabilisant de voir une petite fille à qui on prêterait le Bon Dieu sans confessions demander, avec une évidente arrière-pensée : "As-tu déjà vu la mort en face ?". Dans ce film, point de scène gore, au contraire la mort et la souffrance prennent la forme d’une végétation belle et luxuriante... dans laquelle naissent de petites créatures étranges, grotesques. On pense au Gremlins, aux Critters. Non le film ne fait pas si peur, sauf pour les plus jeunes, mais il est captivant. La qualité des dialogues est là, l’intrigue se met doucement en place. Les années 80 furent un âge d’or pour les films d’horreur, mais également les films fantastiques, une major (la MGM) pouvait se permettre de laisser libre cours à un réalisateur décidant de faire d’un immeuble de la fin du XXe siècle le siège d’une armée de Trolls.
Les années 80 ont vu s’épanouir l’Héroïc Fantasy à travers les films (Willow, Legend), les films d’animations (Taram et le chaudron magique), en ce sens, Troll est un beau témoignage d’une certaine audace et d’une envie d’autres mondes, féériques dans les années 80, période reaganienne aux Etats-Unis, les Etats-Uniens cherchent alors l’évasion, en pleine crise économique, mais aussi sociale et culturelle.
Torok le scandinave est le précurseur de Leprechaun, le nain avare et sanguinaire venu d’Irlande, personnage du film d’horreur éponyme de 1993. Torok, c’est l’Autre diabolisé à l’extrême, l’Autre pour lequel il est impossible d’éprouver la moindre pitié. Allégorie fantasmagorique du serial-killer, il est logique que tout comme le serial-killer il attrape ses victimes dans un immeuble sans éclat. Les victimes sont toujours des gens ordinaires. Le troll dans la mythologie scandinave est un être vivant dans les montagnes et les buttes. Les trolls étaient à la base des géants incarnant les forces naturelles, mais la christianisation de la Scandinavie diminua leur taille et fit d’eux des êtres malfaisants. Torok est dans la continuité.
Le film a des allures crépusculaires par ses couchers et levers de soleil, ce ciel toujours bleu, nul orage à l’horizon, nul tonnerre, pas de pluie. Les effets spéciaux ont vieilli, mais n’entament en rien la vision du film. Le fils de la famille s’appelle Harry Potter Junior (interprété par Noah Hathaway, le Macaulay Culkin des années 80), ce qui a donné lieu à une polémique quant au roman ultra célèbre du même nom. Il semblerait que l’écrivain J. K Rowling ait vu le film à l’époque de sa sortie et s’en soit inspirée, d’autres prétendent que c’est simplement le fruit du hasard. Le père s’appelle M. Harry Potter, critique littéraire, mordu de rock’n’ roll, incarné par l’excellent Michael Moriarty (Série TV Holocaust). Shelley Hack (Tiffany Welles dans la série TV Drôle de Dames de 1979 à 1980) joue le rôle de sa femme, mention spéciale pour Phil Fondacaro, qui joue le rôle du nain malade, avec sincérité, les scènes où il apparaît sont très émouvantes. Les lubriques pourront se satisfaire de la charmante Julia Louis-Dreyfus (la future Elaine de la série TV Seinfeld) qui apparaît nue, la tête ornée d’une couronne de fleurs. Sonny Bono, l’ex-mari de la chanteuse Cher est tout simplement excellent dans le rôle du célibataire pauvre type, égoïste et friqué, qui ne supporte pas les enfants. D’ailleurs force est de constater que le nain, le couple non marié et les célibataires finissent mal, tandis que la famille est sauve. Ô Amérique... Enfin n’oublions pas June Lockhart et sa fille Anne Lockhart qui interprètent le même personnage, Mlle Saint-Clair, la dame au sceptre.
La chanson des Trolls est inspirée de vieilles mélodies folkloriques scandinaves, entêtantes, effrayantes et a contribué à la réputation du film. La BO du film existe, mais est en vente essentiellement aux Etats-Unis. D’ailleurs, il est fort regrettable que le film Troll ne soit disponible qu’en DVD Zone 1 et ne dispose d’aucun bonus, à part la bande-annonce, un peu longue. Un remake du film est prévu pour 2008. Troll fut suivi de Troll 2 (affligeant, évitons les commentaires, mais nous ferons un article là-dessus) et Trolls 3, passé quasiment inaperçu.
Je vis ce film pour la première fois à l’âge de 14 ans, je l’ai revu à 21 ans et je dois avouer que je l’adore, notamment pour ses dialogues hilarants, le jeu des acteurs et la musique. C’est un film culte. Il est assez usant de lire l’avis de tel ou tel internaute expliquant du haut de sa maigre culture que tel film a mal vieilli, que c’est kitsch, etc. Car le plus important reste ce que le film réveille en nous. Plus le film est audacieux, original, décalé, ovni, plus il a des chances de nous marquer. Et c’est incontestablement le cas de Troll.
TROLL
(1986)
Film américain (1 h 22) de John Carl
Buechler
Titre
Original : Troll
Oeuvre associée : TROLL
Sortie au cinéma en France : 1986
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON