La construction de manoirs et de châteaux sera le symbole de cette réussite. La région attire de nombreuses convoitises, les villes marchandes sont les cibles privilégiées et doivent se protéger. Lorsque
François 1er se rapproche de l’Espagne de Charles Quint, les relations se dégradent avec Henri VIII, roi d’Angleterre.
En 1522,
l’anglais Howard débarquera et pillera la ville de Morlaix avant d’y mettre le feu. Il faut dire que les relations Franco Anglaises incitent d’un côté comme de l’autre les français à piller les ports anglais et les anglais les ports français ou a s’emparer des bateaux marchands en représailles des alliances qui se font et se défont au rythme des souverains. Il y a comme une propension guerrière soigneusement entretenu entre chaque camp. Celle de sept ans (1756-1763 ou le jeune corsaire
CORNIC, originaire de Morlaix se distinguera à plusieurs reprises) pourrait être considéré comme la première guerre mondiale puisqu’elle se déroule en Europe, en Amérique et en Inde, une affaire coloniale qui se joue avec l’Espagne, la Prusse et l’empire français qui disparaitra au profit de l’empire britannique.
Après l’attaque dévastatrice de ce maudit Howard ; habitants, commerçants et bourgeois sont d’accord. Ils décident de se défendre contre l’ennemi venu de la mer en complétant les postes de guets installés sur le littoral par la construction d’un fort sur l’îlot rocheux dénommé le taureau dont la construction se terminera en 1544. La tour principal dite « La tour française s’écroulera en 1604 sous les assauts répétés de la mer et sera reconstruite en 1614.
En 1660 Louis XIV décide de récupérer l’îlot pour renforcer le système défensif breton car les relations sont de nouveau tendus avec l’Angleterre, en 1688 nous serons en guerre. Le commissaire général des fortifications « Vauban » est envoyé en Bretagne et va s’occuper de la reconstruction du fort ; à l’exception de la tour. Les travaux vont s’échelonner sur 56 ans et se termineront en 1745. (Vauban décède en 1707)
Le fort se compose de batteries basses réparties dans onze casemates complétées par des batteries hautes situées sur la terrasse. Les onze casemates de la partie basse n’ont qu’un seul but : Procéder à des tirs rasants sur les coques, l’objectif, couler les navires ennemis.
Les batteries hautes servent à endommager les voilures et les mâts. Les onze casemates sont toutes positionnées en éventail dans la même direction, le grand chenal de l’ouest large de 200 mètres, c’est l’unique chenal permettant le passage des bateaux à fort tirant d’eau.
Mais l’impitoyable ennemi de ce fort sera la mer. Ce milieu humide et marin met rapidement l’artillerie en piteux état. Les affûts sont vermoulus, les ferrures dégradées, aucuns canons ne semblent pouvoir supporter une charge à boulet. Le gouverneur de Brest précise dans une lettre qu’après un premier coup de canon, les hommes sont dans l’incapacité à pouvoir procéder à un second tir, étouffés par les fumées. Dans sa conception, le fort a dû épouser les dimensions de l’îlot, les casemates sont insuffisamment ventilées et n’arrivent pas à évacuer les fumées assez rapidement. Les conditions sont désastreuses mais heureusement, le fort remplira malgré tout un office, celui de la dissuasion.
Pour accéder à Morlaix on entre dans la baie délimitée par l’ile de Batz et la pointe de Primel. Ensuite vient la rade. Trois ilôts sont situés sur cette limite entre la baie et la rade,
l’ile Louet, l’ile du taureau, l’ile noire. La navigation est difficile, la baie est parsemée d’îlots désertiques, la côte est déchiquetée, la lande s’étend à perte de vue, seules les pointes de clochers ou les amers naturels servent de repères aux navigateurs.
Trois voies navigables ont été identifiées, le chenal de tréguier, le chenal de Callot et bien sûr le chenal de l’ouest. Ce dernier a environ 40 mètre de fond, les deux autres de 4 à 6 mètres. Les naufrages sont nombreux. Le plus célèbre, la corvette Alcide, corsaire à Saint Malo qui lors d’une tempête en 1747, tentera de se mettre à l’abri dans la baie mais coulera près du château du taureau. Quelques rescapés rejoindront le château à la nage, c’était un 24 décembre. Il faudra attendre 1776 pour que soit mis en place le premier balisage de la baie.
En 1721 , le fort bien que conservant sa fonction de défense servira également de prison.
Qui s’occupe du fort ?
Louis XIV qui en 1670 avait fondé l’hôtel des invalides pour y loger ses soldats blessés infirmes ou trop âgés considérera qu’une partie (officiers compris) pourrait encore servir. Il constitue une compagnie d’invalides et les envoient au château du taureau.
En 1762 la population du fort se décompose ainsi :
1 commandant
Un lieutenant
Un sergent et 29 fusiliers
Un aumônier
Un chirurgien
Un garde d’artillerie
Un gardien et sa famille
Cinq matelots
Deux prisonniers
Les conditions de vie et de cohabitation avec les prisonniers sont difficiles. A part les tempêtes et les querelles, il ne se passe rien et tout se dégrade en permanence.
Onze prisonniers peuvent être internés simultanément. Ces prisonniers sont en particulier des nobles, ils arrivent par lettre de cachet du roi et sans aucuns procès. Les demandeurs sont les familles. Ces détenus peuvent y séjourner de quelques mois à de très longues années pour des raisons parfois étrange. Manque de respect à sa mère, folie, libertinage ou mariage déshonorant, la parenté indigne selon la famille est emprisonnée moyennant une pension annuelle verser par cette même famille et destiné à fournir nourritures, linges, souliers … éventuellement de quoi écrire. Si cette pension ne devait plus être versée, le prisonnier serait libéré sur le champ.
Les détenus peuvent aller et venir dans l’enceinte du château et prennent leurs repas avec les officiers. Leurs conditions varient selon les sommes versées par les familles. C’est la bastille Bretonne.
Parmi ces pensionnaires, un certain Tapin de Cuillé, incarcéré pour avoir été un écrivain fourbe et menteur y passera 20 ans, sur simple lettre de cachet.
Durant la Révolution le fort devient prison d’État, les gardes du génie et de l’artillerie remplacent la compagnie des invalides. Des prêtres insermentés y sont enfermés. On retrouvera aussi au siècle suivant Auguste Blanqui (1805-1881) chef de file des mouvements révolutionnaires, il restera 6 mois et écrira un livre « L’éternité par les astres ».
C’est en 1914 que le château sera classé monument historique, le premier des forts en Bretagne à avoir été protégé.
De 1930 à 1937, le fort sera loué à Mélanie de Vilmorin surnommée la belle jardinière, issue de la
célèbre famille du grainetier. Elle mène une existence assez libre après le décès de son époux, fréquente Guitry, Claudel, Valéry, Saint John Perse, Clémenceau, Poincaré, Briand… Le château est aménagé de façon à pouvoir accueillir ses hôtes pour de somptueuses fêtes. Elle se déplace dans la baie à bord de son Yacht. Mais peut-on s’imaginer un seul instant que Hergé ait pu faire partie des fréquentations de Mélanie de Vilmorin ? Car selon certains, Hergé aurait été inspiré par le château du taureau, la présence de
l’ile noir qui servira de titre à sa BD et
le décors architectural du taureau qui laisserait transparaître quelques petites similitudes avec les traits du dessin. Cependant il ne faut pas ignorer que la liste des forteresses à l’origine de son inspiration sont nombreuses. Parmi ceux-ci, il y a l’
île d’Or dans le Var, le
Vieux-château de l’Île d’Yeu et le château écossais de
Lochranza.
Mélanie de Vilmorin décèdera en 1937, la BD de L’ile noire sera publiée en 1937, le gorille s’appelle Ranko, Roscoff en breton s’écrit Rosko. Et si enfin c’était le vrai château ? C’est si troublant que si ma tante en avait je la mettrais bien dans une bouteille… ! Si si.
Durant la guerre 39/45 l’installation d’une DCA allemande sur la terrasse de la tour française ne suffira pas à empêcher l’aviation anglaise de passer et bombarder le viaduc de Morlaix ou périront 39 enfants de l’école maternelle et leur institutrice. Viaduc réalisé de 1861 à 1863.
Le fort est abandonné jusqu’en 1960 , il accueillera une école de voile jusqu’en 1982 puis sera de nouveau laissé à l’abandon. En 1989, les collectivités locales se mobilisent pour ce fort en perdition. En 1996, l’Etat alloue 17 millions de francs pour engager sa restauration. Un projet culturel et touristique pour l’ouverture au public est ensuite élaboré par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Morlaix avec ses partenaires incontournables qui auront par leur obstination sauvés le fort , les communes de Plouezoch, Plougasnou, Carantec, l’Île de Batz, Roscoff, Saint-Martin-des-Champs, Morlaix, Henvic et Locquénolé. Le chantier de restauration du château démarrera le 26 mai 2000 et s’achèvera en 2006 ; la cale qui avait été prévue par Vauban en 1689 est enfin réalisée.
Bonne vacances en Bretagne.